Rousseau attache à son sommeil une prodigieuse importance, ou qu’il ne lui en coûte guère pour imaginer des assassins. […] Rousseau commence par vouloir prouver l’inutilité de la Comédie. « Imaginez la Comédie aussi parfaite qu’il vous plaira, où est celui qui, s’y rendant pour la première fois, n’y va pas déjà convaincu de ce qu’on y prouve ? […] Imaginons pour un moment qu’un Auteur dans un seul ouvrage, ait voulu attaquer tous les vices de son siècle, et mettre le fléau de la satire dans la main de l’un de ses Acteurs.
La seconde observation est que pendant le règne du Paganisme, les Comédies et les Tragédies n’étaient ni si horribles, ni si infâmes, que quelques-uns se l’imaginent, qu’il s’en faisait même de plus honnêtes que celles d’à présent. […] . « Si qua in publicis Porticibus, vel in his Civitatum locis in quibus nostræ solent Imagines collocari pictura Pantominum veste humili et rugosis sinibus agitatorem aut vilem offerat Histrionem, illico revellatur. […] » Sur la fin du second siècle, la longue paix où l’Eglise se trouva depuis Marc-Aurèle jusqu’à la dixième année de Sévère, en 202, ayant produit du relâchement dans la discipline Ecclésiastique, quelques Chrétiens s’imaginèrent qu’il n’était pas défendu d’aller aux spectacles et ce fut ce qui engagea Tertullien à en composer un Traité qu’on peut placer l’an 200 ; car il est cité dans le traité de Corona militis, fait encore dans le temps de paix. […] On se fait en même temps une conscience fondée sur l’honnêteté de ces sentiments ; et on s’imagine que ce n’est pas blesser la pureté, que d’aimer d’un amour si sage. […] Est-il possible qu’on prétende autoriser un dérèglement par un autre : Et s’imagine-t-on qu’il n’y ait point de mal à faire tout ce qu’on fait hardiment dans le monde ?
Par exemple, autrefois il fallait être un Regnard ou renard, pour imaginer les ruses hardies, les tours criminels représentés, ou enseignés, dans la comédie du Légataire et autres ; on voit aujourd’hui de chétives pécores en jouer, ou conseiller de semblables.
Personne n’avoit imaginé d’en faire l’appologie, & d’écrire en sa faveur.
On s’imagine qu’il faut donner à ses ambassades un grand éclat, erreur.
En effet, tout y est faux & assez mal imaginé.
On ne sait ce que c’est ; ce sont des spectacles monstrueux, où avec une dépense énorme, une magnificence bizarre, sans dessein & sans goût, on mêloit, entassoit, prodiguoit tout ce qu’on pouvoit imaginer de frappant, de galant, de grotesque, le ciel, la terre, les enfers, les dieux, les démons, les fées, les nations, les êtres moraux, les êtres physiques, les astres, les montagnes, les animaux.
On voit un nombre d’Acteurs choisis, parés avec tout l’artifice que l’esprit du monde peut imaginer, & que la passion qu’ils expriment peut inspirer ; de jeunes personnes qui se font un point d’honneur de plaire, gagés pour peindre la passion de la maniere la plus vive, qui se font une gloire de l’inspirer ; des voix douces & insinuantes, des manieres engageantes, des paroles tendres, des vers composés avec art pour inspirer l’amour ; cet assemblage prodigieux de choses, dont une seule seroit une tentation, n’est-il qu’un amusement indifférent ?
« Peut-on imaginer un moyen plus honnête de ne point tromper autrui, du moins quant à la figure, et de se montrer avec les agréments et les défauts que l’on peut avoir, aux gens qui ont intérêt de nous bien connaître avant de s’obliger à nous aimer ?