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135. (1691) Nouveaux essais de morale « XXI. » pp. 186-191

Le Docteur Fabricius professeur en Théologie à Heidelberg, n’est pas plus judicieux dans sa Dissertation pour la défense de la Comédie, et son dessein est bien peu convenable à la profession d’un homme qui enseigne la Theologie. […] La raison prétendue par laquelle on veut justifier la Comédie d’aujourd’hui, savait qu’elle est épurée de toutes les ordures et de toute l’idolâtrie, qu’y mélaient les anciens, est une raison si faible, qu’elle n’est pas digne du moindre petit Ecolier de Théologie, ni d’un homme tant soit peu versé dans la connaissance de la Morale de Jésus-Christ, et dans celle du cœur de l’homme. […] C’est pourquoi ce Docteur est si en peine de savoir comment on peut accorder les commandements que Dieu fait d’obéir aux Puissances, avec ces paroles de saint Pierre : « Qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ». […] Si ces Messieurs avaient tant soit peu de ce que j’ai déja dit ; de l’esprit de la Religion de Jésus-Christ, et qu’ils eussent lû en Disciples les Pères de l’Eglise, comme nous le faisons, et comme ils le devraient faire, il ne leur faudrait pas de grands discours ni de longues preuves pour décider juste sur ce chapitre ; et pour accorder les paroles de l’Ecriture sur l’obéissance qui est dûe à Dieu et aux hommes.

136. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre II. Autres Anecdotes du Théatre. » pp. 43-70

Rien de plus faux & de plus dangereux que la morale qu’on y débite ; la belle école des mœurs, qui fait une divinité de l’amour, principes de tous les excès, de toutes les folies des hommes : Tuscul. quest. […] ) Il prétend qu’il n’y a point d’homme de goût qui ne souhaite d’avoir été comédien (folie ;) Il n’ajoute pas hommes vertueux, ce ne sont pas les desirs de la vertu, en parlant de la subtilité que doit avoir un acteur pour bien rendre son rôle, ou naturel, ou factice ; il dit que c’est dans la vie privée, auprès des femmes, au milieu des enfants, dans le monde qu’un comédien doit former en lui le grand tâlent de la sensibilité. […] Que penser d’un homme, qui, pouvant avoir de superbes chevaux, ne voudroit se servir que de rosses ? […] Il ajoute, j’ai vû des écrivains très graves de part & d’autre, dont aucun n’a jamais approché du but, sans en excepter Bossuet, tout grand homme qu’il est. […] Le Marquis d’Argens, homme d’esprit & de condition, a donné des Mémoires de sa vie ; c’est un détail du libertinage de sa jeunesse, bien différent des confessions de Saint Augustin.

137. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VI. Du sérieux et de la gaieté. » pp. 128-149

 » Dira-t-on qu'en matière de divertissement, l'homme sans règles, sans bornes, sans ménagement, sans crainte, peut s'abandonner à tout ? […] L'Homme de qualité, le Cleveland de l'Abbé Prévôt, quoique bien écrits, n'ont déridé le front de personne. […] L'homme doit savoir s'ennuyer, l'ennui est inévitable dans toutes les conditions, et dans les plus élevées plus que dans les autres. […] Qu'on juge, qu'on apprécie les choses, à quoi est bon un homme livré au théâtre ? […]   4.) appelle l'homme un animal imitateur, contrefaisant, singe, comédien, pantomime.

138. (1759) Remarques sur le Discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie « Remarques sur le discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie. » pp. 350-387

Peut-on réduire toutes ces causes au seul goût que les hommes ont naturellement pour l’Imitation ? […] Je conviens que cette raison peut y entrer pour quelque chose : mais n’y en a-t-il pas une plus simple, & qui convient plus généralement au commun des hommes ? […] Je conviens que cette raison peut y entrer pour quelque chose : mais n’y en a-t-il pas une plus simple, & qui convient plus généralement au commun des hommes ? […] C’est un problême de Morale qui paroîtroit d’abord plus difficile à résoudre, si l’on n’en trouvoit le dénouement dans le caractere de la plûpart des hommes, & dans la nature des vertus, que l’on peint ordinairement sur le Théâtre. […] Il ne s’est pas trompé non plus lorsqu’il a remarqué que l’homme se plaît naturellement à l’imitation, soit qu’il imite lui-même, soit qu’il ne fasse que sentir l’effet de l’imitation faite par un autre.

139. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre II. Charles IV & Charles V. » pp. 38-59

C’étoit l’homme le plus frivole, en voici un trait. […] Ces hommes amoureux d’une Actrice, d’une Soubrette, sont-ils plus délicats ? […] Un homme qui avoit donné tant de spectacles de galanterie devoit beaucoup aimer le théatre & toute sorte de spectacles. […] Si on est grand homme à ce prix, il faut avouer que les grands hommes sont à grand marché. […] Évremont, homme d’esprit, mais affecté, qui court après les pointes.

140. (1825) Encore des comédiens et du clergé « CHAPITRE II. Réflexions sur le titre de l’ouvrage intitulé : Des Comédiens et du Clergé, et sur les charlataneries littéraires, politiques et religieuses. » pp. 52-86

Il faut le demander à ce brillant écrivain, homme d’Etat qui, d’un seul trait de plume, jugea sans appel, à mon avis, un grand personnage qui jadis fut si épris du pouvoir absolu. […] Lorsqu’on critique les plus fameux personnages, on est plus exigeant envers le grand génie qu’envers les autres hommes. […] J’ai donc bien aperçu que la raison de ce grand homme fut trop souvent la dupe de son imagination quelquefois déréglée. […] Il est trop facile de démontrer que cette volonté forte et unique d’un seul homme, lorsqu’elle n’est pas tempérée par des contrepoids politiques, peut ruiner l’état et renverser le souverain lui-même. […] Ils voyaient sans effroi leur renommée s’agrandir en sacrifiant des milliers d’hommes qu’ils immolaient dans les combats.

141. (1666) Lettre à l’auteur des Hérésies Imaginaires et des deux Visionnaires « [Chapitre 2] » pp. 1-7

Pourquoi voulez-vous que ces Ouvrages d’esprit soient une occupation peu honorable devant les hommes, et horrible devant Dieu ? […] Ce qui nous surprend, c’est de voir que vous voulez empêcher les hommes de les honorer. […] Aussitôt il fut loué comme un homme d’honneur, et comme un homme d’espritk. […] Cependant on vous a vus de tout temps louer ou blâmer le même homme selon que vous étiez contents ou mal satisfaits de lui. […] Vous nous direz que saint Jérôme a loué Rufin comme le plus savant homme de son Siècle, tant qu’il a été son ami, et qu’il traita le même Rufin comme le plus ignorant homme de son Siècle depuis qu’il se fut jeté dans le parti d’Origènep.

142. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — [Introduction] » pp. 2-10

C’est un homme d’esprit qui veut être plaisant, qui plaisante sur tout, quelquefois agréablement, le plus souvent grossierement ; avance des choses basses, frivoles, dégoûtantes, mêlées à tous momens de juremens, de propos de hales, de saillies, d’emportemens qui ne signifient rien, & n’ont ni sel ni agrément. […] Il n’y a point de fou qui porte la folie à cet excès ; ou, s’il en est quelqu’un, ce n’est plus un fou agréable, c’est un homme en délire, qui fait pitié & n’amuse pas. Le caractere de son écuyer n’est pas moins faux : on le donne pour un homme sensé qui n’a jamais lu de livres de chevalerie, & ne peut par conséquent en être infatué, & qui cependant quitte maison, femme & enfans, pour courir avec un fou, qu’il connoît tel, sous l’espérance chimérique d’un gouvernement, & des aventures extravagantes où il n’y a que des coups à gagner, & en gagne en effet en abondance, aussi-bien que son maître : il est cent fois rompu & laisse pour mort, &, contre toutes les regles du moral & du physique, il est sur le champ ressuscité par miracle, & revient en extravagant s’exposer à de nouveaux coups, & mener la vie la plus misérable. […] Toute une petite ville est mise en train pour jouer la farce du gouvernement chimérique donné à l’écuyer, à qui l’on fait toutes sortes d’insultes : cent & cent autres personnes, dans le cours de cette histoire insensée, entretiennent les rêveries de ce malheureux, pour le baffouer, & renouvellent les combats des gladiateurs, où les romains se divertissoient aux dépens des hommes, comme ils venoient de faire au théatre Le cirque est un théatre, le théatre est un cirque, où l’homme est le jouet de l’homme ; dans l’un aux dépens de la vie, dans l’autre aux dépens de l’honneur : la brutalité a enfanté l’un & l’autre, y conduit & s’y plaît. […] Quel homme sage voudroit se nourrir d’un aliment où l’on auroit mêlé le poison & l’antidote ?

143. (1759) Lettre à M. Gresset pp. 1-16

Et de quels biens les hommes peuvent-ils payer l’abandon précieux que nous leur faisons des productions de notre esprit ? […] L’homme se fut estimé heureux par l’exemption de tous les maux et des besoins de cette vie. […] Combien serait-elle au-dessus des forces de l’homme, sans la toute-puissance de la grâce ! […] Qu’un homme est grand, quand il pense ainsi ! […] Quels regrets pour les vrais Chrétiens, qu’un génie d’une trempe aussi forte, et un si homme de bien, vive et meure victime des ténébres de l’erreur !

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