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61. (1694) Lettre d’un Docteur de Sorbonne à une personne de Qualité, sur le sujet de la Comédie « letter » pp. 3-127

Néron autrefois a monté sur le Théâtre, mais nous n’avons point, que je sache, d’exemples de Princes Chrétiens qui se soient piqués de l’imiter. […] Il avoue que son jugement ne doit pas passer pour décisif : et il avoue de même qu’étant Prêtre et que devant l’exemple aux Fidèles, il n’a jamais été à la Comédie et qu’il en a fait scrupule. […] Quant à ce qu’il a l’audace de citer l’exemple de Sa Majesté, laquelle, dit-il, « n’a pas dédaigné autrefois d’assister aux Spectacles ». […] « Or le Dimanche est institué, afin que nous nous reposions à son exemple. » « Donc ce repos se trouvant dans la Comédie, on peut y aller le Dimanche, afin d’imiter l’exemple que Dieu nous a donné. » D’où il s’ensuit que d’aller le Dimanche à la Comédie, ce sera un moyen de tendre à la ressemblance de Dieu, et par conséquent chose tout à fait méritoire. […] Mais ce qui est encore de plus surprenant, c’est qu’en cela même ils contribueront à la gloire de Dieu, en procurant un agréable repos à leurs Spectateurs, dans un temps où ils doivent en se reposant imiter son exemple.

62. (1759) Lettre sur la comédie pp. 1-20

Tout à-coup la Religion, toujours reconnue & respectée de cet Homme de Lettres, mais combattue encore dans son ame par la fausse gloire, par l’habitude, par l’autorité des exemples, la Religion acheve de lui dessiller les yeux. […] Cet exemple est si beau, & la Lettre est, à tous égards, si digne d’être conservée, que nous la déposons toute entière dans ce Volume de nos Mémoires, dont elle fera l’honneur & l’agrément. […] Mes foibles talents n’ont point rendu mon nom assez considérable pour faire un grand exemple ; mais tout Fidèle, quel qu’il soit, quand ses égarements ont eu quelque notoriété, doit en publier le désaveu, & laisser un monument de son repentir.

63. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [M] » pp. 426-430

Le but de l’Eglise en rassemblant ses enfans, n’est pas de les attrister, par des idées sombres, & de les tenir immobiles plusieurs heures de suite, dans une posture gênante : elle cherche au contraire à les remplir d’une joie pure, dans la célébration des Fêtes, pour leur rapeler les bienfaits de Dieu ; Héliot (Hist. des Ordres Monastiques) raporte que les persécutions ayant troublé la sainte paix des Chrétiens, il se forma des Congrégations d’hommes & de femmes qui, à l’exemple des Thérapeutes, se retirèrent dans les deserts ; là ils se rassemblaient dans des hameaux les Dimanches & Fêtes, & y dansaient pieusement en chantant les prières de l’Eglise. […] C’est-là qu’à l’exemple des Prêtres & des Lévites de l’ancienne Loi, le Sacerdoce de la Loi nouvelle formait des Danses sacrées… Chaque Fête avait ses Hymnes & ses Danses ; les Prêtres, les Laïcs, tous les Fidèles dansaient pour honorer Dieu ; si l’on en croit même le témoignage de Scaliger, les Evêques ne furent nommés Præsules, dans la Langue Latine, de Præsilire (sauter devant, ou le premier) que parce qu’ils commençaient la Danse. […] Les Romains suivirent d’abord l’exemple des Grecs jusqu’au règne d’Auguste : il parut alors deux hommes extraordinaires qui créèrent un nouveau genre, & le portèrent au plus haut degré de perfection.

64. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE IV. La Tragédie est-elle utile ? Platon condamne toute Poesie qui excite les Passions. » pp. 63-130

Quand il dit que l’exemple d’un méchant qui devient heureux, est opposé au but de la Tragédie, il devroit naturellement ajouter, parce que cet exemple est contraire aux bonnes mœurs. […] On en peut voir un exemple dans l’Antigone, où Hemon veut tuer son pere Créon & ne le tue pas. […] Ainsi le premier objet de la Tragédie n’a point été d’accoutumer les hommes, par des exemples si affreux & si rares, à supporter les maux de la vie. […] Cette excuse ne vaut rien, reprend Eschyle : un Poëte ne doit point publier les exemples dangereux, quelque véritables qu’ils soient. […] Quelle Tragédie cependant offre de plus pernicieux exemples que celle-ci, qui commença la gloire de notre Théâtre ?

65. (1774) L’homme du monde éclairé « L’homme du monde éclairé » pp. 150-171

Je pourrois vous citer plusieurs exemples, je me borne à quelques-uns. […] Bossuet, lorsque Louis XIV, en revenant de la comédie, lui demandoit, en riant, s’il est permis d’y aller : Il y a de grands exemples pour, & de fortes raisons contre. […] Ajoutons que les pieces qu’on joue à la cour sont ordinairement plus châtiées que celles qu’on joue à la ville ; mais quand même ces pieces ne seroient pas dans les regles de la bienséance, pensons-nous que le prince qui les voit représenter veuille faire une loi de son exemple ? […] Les partisans du spectacle, qui font tant valoir les exemples que nous donnent les italiens, voudroient-ils encore suivre celui-ci ?

66. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre IX. Sentiments de S. Ambroise. » pp. 200-211

On ne lui rendait pas justice, il ne voulut jamais la voir, il lui fit donner de sages avis et la renvoya : « Numquam spectavit aut vidit, postea redire præcepit. » Il voulut par là donner aux jeunes gens et des leçons et des exemples, pour les corriger de l’amour des femmes, en méprisant une Actrice célèbre, qui était en son pouvoir : « Ut adolescentes doceret ab amore mulieri temperare, quam qui haberet in potestate despiceret. » Il n’était pourtant pas marié, ajoute S. […]  1.), où par l’exemple d’Abraham, à qui Dieu fit quitter son pays, de Loth, que les Anges obligèrent de sortir de Sodome, de Moïse, qui s’éloigna de l’Egypte, des Apôtres, qui abandonnèrent leur famille pour suivre Jésus-Christ, il prouve combien nous devons soigneusement éviter les dangers infinis du vice, qui se trouvent sur tous nos pas dans le siècle. Il les fait voir ces dangers, et dans les pompes du luxe, qui fascinent les yeux, et dans les attraits des femmes, qui séduisent le cœur, et dans le poison des discours qui offusquent les esprits, et dans le torrent des mauvais exemples qui entraînent l’âme, et dans l’oisiveté de la vie et la frivolité des amusements qui corrompent tout. […] Non, les sacrilèges et la fureur d’Hérode ne furent pas si funestes à Jean que le poison de la danse : « Plus nocuisse saltationis illecebram, quam sacrilegi furoris amentiam. » Fuyez donc la danse, si vous voulez être chaste, au jugement même des sages païens ; elle ne peut être que le fruit de l’ivresse ou de la folie : « Juxta sapientiam sæcularem, saltationis temulentia auctor est aut dementia. » Voilà, mères Chrétiennes, de quoi vous devez garantir vos filles ; apprenez-leur la religion, et non la danse ; il n’appartient qu’à la fille d’une adultère d’être une danseuse : « Videtis quid docere, quid dedocere filias debeatis ; saltet sed adultera filia, quæ vero casta est, filias suas doceat castitatem, non saltationem. » Il cite une foule d’exemples de saintes Vierges qui ont mieux aimé souffrir la mort, et même se la donner, que de perdre la virginité.

67. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — CINQUIEME PARTIE. — Tragédies à rejeter. » pp. 235-265

Il me semble que nous voyons tous les jours des exemples d’un Héroïsme semblable à celui de Titus dans des hommes d’une condition médiocre et même de la plus basse extraction, dont les uns quittent leur Maîtresse, pour un autre mariage plus avantageux à leur fortune, et les autres sacrifient à leur Maîtresse des partis beaucoup plus considérables. […] Si donc l’amour de Mithridate a fait paraître dans cette Pièce beaucoup d’esprit et d’imagination, je dis qu’il les a employés en pure perte, puisqu’au lieu de corriger et d’instruire, il ne nous présente que de mauvais exemples, et qu’il donne de mortelles atteintes aux bonnes mœurs et à la bienséance. […] L’amour, traité avec cette espèce d’inaction, ne fera jamais une grande impression sur les Spectateurs, soit pour l’instruction, soit pour le mauvais exemple ; ainsi ce que l’on peut faire de mieux, selon moi, est de ne jamais exposer aux yeux du Public une Pièce dont le fond et le dialogue ne présentent qu’une passion illicite, soit de la part de la Reine, soit de la part de la Duchesse ; quoiqu’elle ne porte pas de grands coups ni en bien ni en mal. […] On ne saurait excuser la Duchesse d’avoir donné son consentement à ce mariage clandestin ; ainsi je ne vois pas de quelle façon on pourrait s’y prendre pour corriger les deux inconvénients qui se trouvent dans cette Tragédie, et qui sont d’un si mauvais exemple.

68. (1760) Sur l’atrocité des paradoxes « Sur l’atrocité des paradoxes —  J.J.L.B. CITOYEN DE MARSEILLE, A SON AMI, Sur l’atrocité des Paradoxes du Contemptible J.J. Rousseau. » pp. 1-128

qu’elle corrompit les victoires, & qu’elle gouvernait avec un empire qui n’a point d’exemple dans l’Histoire ? […] L’homme a besoin d’exemples frappans. […] Une heure de travail suffirait pour en donner cent exemples. […] Ton exemple leur a, pour ainsi dire, donné l’être. […] Combien n’aurais-je pas d’exemples à citer sur cette matière si je le voulais.

69. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — [Introduction] » pp. 2-10

Voilà ce qu’il faudroit corriger, plutôt que l’esprit de chevalerie ; & c’est cette malignité dont on donne des leçons, des modeles, des exemples On fait un mal très-réel, pour acquérir, dit-on, un chimérique bien. […] La comédie doit être un tableau de la vie humaine, un exemple pour la conduite des mœurs, un image de la vérité ; je vois cependant qu’elle ne représente aujourd’hui que des extravagances, qu’elle propose & autorise de mauvaises actions, & qu’elle est presque toujours l’image d’une sale volupté. […] Tels sont la fuite des occasions du péché, la contagion des mauvais exemples, le poison d’une danse & d’une musique voluptueuses, les attraits séduisans des femmes étalés sur la scène, les traits perçans, des discours, des gestes, des intrigues galans, la licence des compagnies, les dangers d’une vie oisive, dissipée, frivole, tous ces traits épars dans une forêt, ou plutôt un labyrinthe d’extravagances, sont la condamnation évidente du théatre.

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