/ 521
23. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VI. » pp. 98-114

Quand on entend débiter de telles maximes par des Héros que l’on est forcé d’admirer, il est très-difficile d’en concevoir une juste horreur, & de désaprouver en sécret ce que l’on vient de canoniser au Parterre. […] Quels discours s’y font entendre ? […] La fureur des Duels vient de l’opinion fausse que l’on doit conserver son honneur aux dépens de la vie de quiconque ose le flétrir, & pour le réparer, qu’il est indispensable de tuer un agresseur : or, cette opinion, aussi contraire à la raison qu’à l’Evangile, est préconisée dans le Cid, & c’est un pere qui donne cette horrible leçon à son fils :               contre un arrogant éprouver ton courage, Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage, Meurs ou tue… On n’est pas moins choqué d’entendre dire à Chimene, s’adressant au meurtrier de son pere qu’elle va bientôt épouser : Tu n’as fait le devoir que d’un homme de bien. Je suis surpris, Mademoiselle, que Lopès de Vega dont Corneille n’étoit que le singe en cette Tragédie comme en plusieurs autres, n’ait pas été brûlé en Espagne, ou du moins qu’on ne l’ait pas fait pourrir dans les prisons de l’Inquisition ; il faut que ce Tribunal ne soit pas aussi sevére qu’on nous le fait entendre. […] On pourroit vous adresser, Mademoiselle, ainsi qu’à votre troupe, & à tous ceux qui accourent en foule pour vous entendre, ces paroles de l’Evangile, avec bien plus de raison qu’aux filles de Jerusalem : Ne poussez pas des gémissemens sur les autres, réunissez toute votre compassion sur vous-mêmes, & reservez toutes vos larmes pour pleurer votre propre infortune.

24. (1541) Affaire du Parlement de Paris « Procès-verbal de l’action intentée devant le Parlement de Paris par le procureur général du Roi aux “maîtres entrepreneurs” du Mystère des Actes des Apôtres et du Mystère du Vieil Testament (8-12 décembre 1541) » pp. 80-82

Secundo, les prédications sont plus décentes pour l’instruction du peuple, attendu qu’elles se font par théologiens gens doctes et de savoir, que ne sont les actes ou représentations qu’on appelle jeux, que font gens ignorants et indoctes, et qu’ils n’entendent ce qu’ils font ni ce qu’ils disent, représentant des actes des apôtres du vieil testament et autres semblables histoires qu’ils s’efforcent représenter. […] Ont choisi gens experts et entendus pour exécuter le mystère et sont quasi tous les rôlesbo faits, et jà partout publiébp que l’on doit jouer. […] Et pour ce requiert les défenses tenircb, jusques à ce que le procureur général aura averti le Roi et que, sur ce, il aura entendu son intention et vouloir. […] [NDE] Jusqu’à ce que le roi donne son sentiment après avoir entendu les arguments ci-dessus énumérés. […] [NDE] Après avoir entendu celui-ci (l’avis du roi).

25. (1758) Lettre à M. Rousseau pp. 1-42

Il entendra la voix de l’humanité ; il la distinguera de ce cri odieux que le faux zèle prêta si souvent à la satire, et qui tant de fois déja offensa ses oreilles, au lieu de convertir son cœur. […] il doit savoir écouter ; et je sens que je l’estime assez pour trouver dans mes sentiments le don de l’engager à m’entendre. […] Il ne peut l’entendre sans entrer dans des convulsions. […] Il entend leur voix enchanteresse. […] Il a respecté ma vertu ; il a craint ma pénétration ; jamais il n’osa me parler pour un sexe qui n’est fait que pour mon mépris… Non, Zima, il n’a pas craint de vous parler ; mais vous avez craint de l’entendre.

26. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [E] » pp. 399-406

Je sais qu’au-delà des monts, on a de beaux Opéras, dont on se soucie peu, & qui ne servent que de carcasse pour monter une belle Musique : c’est le chant seul qui attire le Spectateur ; le sens n’est rien ; on n’entend dans les chef-d’œuvres de Métastase que des syllabes sonores. […] Si je veux entendre de beaux sons vides de sens, supérieurs à la Musique Italienne & Française, plus expressifs que les modes Phrygien, Dorien, Ionien, Mixo-Lydien, Hypo-Eolien, &c. […] S’ils entendent par leur Théâtre, les Pièces libres dont j’ai parlé, ils ont raison, des Comédies sensées, touchantes, insipideraient bientôt des colifichets sautillans, qui n’ont qu’un air de libertinage, de vivacité, & rien d’intéressant, rien de solide. […] Ainsi, lorsque dans les Deux-Frères-Rivaux, Scapin menace sa sœur de la faire mettre entre quatre mutailles, & qu’Arlequin lui répond, qu’il vaudra mieux la faite enfermer entre quatre rideaux  ; l’on rit & l’on applaudit à la naïveté de la répartie, dans un balourd, qui dit bonnement ce qu’il pense sans y entendre finesse : au-lieu que dans un homme d’esprit qui la donnerait pour une pointe, elle serait sifflée avec raison. […] En demandant qu’on épure le Théâtre, je n’entendrai pas en bannir la gaîté, & moins encore la variété.

27. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — X. Ses impressions sont réelles, quoique non apperçues. » p. 22

L’empressement avec lequel on y court, l’avidité avec laquelle on reçoit ces leçons, l’approbation qu’on leur donne, le plaisir qu’on goûte à les entendre ; toutes ces choses ne le disent-elles pas assez clairement ? […] Quand vous entendez , disoit S. 

28. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE IX. Défauts que les Etrangers ont coutume de reprocher à notre Tragédie. » pp. 231-259

Voltaire soutient que Boileau n’avoit pas lu le Tasse qu’il ne pouvoit entendre : c’est, dit-il, ce que m’a assuré M. […] Je puis assurer à mon tour que mon Frere, qui après avoir passé en Italie assez de tems pour entendre les finesses de la langue, pensoit du Tasse tout ce qu’en a pensé Boileau, n’a pu dire à M. Maffei que Boileau n’entendoit pas le Tasse, que par politesse pour un Etranger, que rendent illustre des connoissances bien plus admirables & plus utiles que les talens d’un Poëte. […] Dans les Scenes non rimées, ce n’est plus Corneille que nous croyons entendre. […] Qui seroit venu l’entendre ?

29. (1666) Réponse à la lettre adressée à l'auteur des Hérésies Imaginaires « Ce I. avril 1666. » pp. 1-12

Le monde entend ce langage, et si vous n’avez que cela pour vous sauver, je vous tiens en grand danger. […] Je vois bien ce que vous voulez qu’on entende par là : c’est-à-dire que vous louez ce qu’il y a de bon, et que vous blâmez ce qu’il y a de mauvais. […] D'ailleurs, je crois qu’on aurait de la peine à vous faire entendre raison sur le sujet de l’auteur des Hérésies imaginaires. […] Si ce n’est là tout le contraire de l’Évangile, j’avoue que je ne m’y connais pas ; et il faut entendre la religion comme Desmarets entend l’apocalypse, pour trouver mauvais qu’un chrétien et un théologien étant obligé de parler sur cette matière, appelle ces gens-là des « empoisonneurs publics », et tâche de donner aux chrétiens de l’horreur pour leurs ouvragese. […] C'est le plus grand hasard du monde quand on applique bien ce qu’on n’entend pas.

30. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — Extrait des Registres de Parlement, du 22 Avril 1761. » pp. 210-223

Etienne-Adrien Dains, Bâtonnierdes Avocats, demandoit d’être entendu. […] Ce début audacieux découvre l’application fausse & injurieuse, qu’on entend faire de ce qui sera établi dans tout l’Ouvrage au sujet de l’Excommunication contre les Comédiens En abusant des maximes sages, & en confondant les objets, on attaque l’autorité de l’Eglise, & fait injure à celle du Souverain. […] Ledit Bâtonnier entendu. […] Après quoi le Bâtonnier, accompagné desdits anciens Avocats, étant rentrés, Monsieur le Premier Président leur a fait entendre l’Arrêt ci-dessus, & adressant la parole au Bâtonnier, leur a dit : Qu’ils trouveroient toujours la Cour disposée à concourir avec eux pour appuyer de son autorité le zéle public & la discipline du Barreau.

31. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XXVI. Sentiment de Saint Antonin. » pp. 93-96

« à chanter ou les louanges de Dieu ou les histoires des Paladins ou d’autres choses honnêtes en temps et lieu convenable.  » Un si saint homme n’appellerait jamais honnêtes les chants passionnés, puisque même sa délicatesse va si loin qu’il ne permet pas d’entendre « le chant des femmes » Ibid. […] On peut entendre par là ce qu’il aurait jugé de nos opéras, et s’il aurait cru moins dangereux de voir des comédiennes jouer si passionnément le personnage d’amantes avec tous les malheureux avantages de leur sexe. […] Et quia repraesentationes quae fiunt hodie de rebus spiritualibus miscentur cum multis joculationibus et trufis et larvis, ideo non congruit cas in ecclesiis fieri, nec per clericos… Sed cum histriones utuntur indifferenter tali exercitio ad repraesentandum etiam turpia, vel vituperandum et irridendum personas spirituales, vel sacramenta et divinum cultum, vel miscentur ibi superstitiones vel periculum vitae, ut tendere arcum super funem et hujusmodi, illicita est ars et eam oportet dimittere. » — D’où il suit que, dans la pensée de saint Antonin, histrionatus ars est bien l’équivalent de ludus scenicus, d’art dramatique, puisqu’il s’agit de repaesentationes, et comme, pour en parler, il s’autorise de saint Thomas, c’est donc qu’à son avis, celui-ci, par histrions, entendait aussi les comédiens.

/ 521