C’est ainsi, Grand Prélat, que le peuple raisonne Et fait une leçon aux Docteurs de Sorbonne : Pour imposer silence il faudrait réformer ; Nombre d’autres abus que je n’ose rimer.
Et ces saints Docteurs en déclamant contre le luxe et l’intempérance, ont-ils déclamé contre ceux qui s’habillent selon leur condition et qui vivent à leur aise ? […] On peut dire en passant qu’on ne voit guère de gens qui se piquent d’être Docteurs s’ils ne le sont pas ; vous avez confondu doctes avec Docteurs. En effet on voit beaucoup de gens qui veulent passer pour doctes, sans être Docteurs ni doctes, il ne vous est pas difficile d’en connaître. Mais combien en voit-on qui prennent la qualité de Docteurs, et qui se piquent de l’être, s’ils ne le sont pas ? […] Que Ceux qui l’ont véritablement, sont bien aise de la porter, on ne peut pas leur en faire un crime, ni se moquer d’eux en disant qu’ils se piquent d’être Docteurs, surtout s’ils le sont de Sorbonne.
Je voudrois les connoître, poursuivoit cet inflexible Docteur ; si je les connoissois, je les prierois de sortir de l’Eglise. […] Oui, c’est dans les Conciles, c’est dans tous les Saints Docteurs, qui tous ont prétendu qu’ils étoient véritablement condamnés dans l’Ecriture. […] Le théâtre est-il donc changé de nos jours, reprenoit un Docteur plus moderne ? […] Non, répond le saint Docteur, ils n’y sont pas expressément nommés : mais toute l’Ecriture ne tend-t-elle pas à les défendre ? […] Et c’est sur cette notion même du Christianisme, que je décide après tous les saints Docteurs, que le théâtre est criminel en soi.
C’est cependant ce que nous apprend le même Docteur : Salv. lib. […] Les Partisans de la Comedie me repliqueront peutêtre, que tous ces spectacles, dont parle ici le Docteur, faisoient partie du culte des faux Dieux ; & que c’étoit assés pour en inspirer de l’horreur aux Chrêtiens, & pour les condamner.
On supplie Messieurs les Docteurs de décider les questions suivantes. […] Les Docteurs en Théologie de Paris qui ont vu l’exposé ci-dessus, sont d’avis qu’on ne peut accorder les Sacrements à ceux qui jouent, ou qui font jouer la Comédie intitulée le Festin de Pierre, ils les en croient indignes, comme gens qui servent à entretenir le crime ; car ç’a toujours été une doctrine constante dans l’Eglise, que nul Chrétien ne peut ni représenter, ni même assister comme simple spectateur à la représentation des Pièces de Théâtre qui sont remplies d’intrigues amoureuses et d’impiété.
Que penseroit-on d’un Docteur, qui voudroit faire prendre à un malade, des remèdes qui ne seroient bons qu’à lui-même ?
A quoi il répond, qu’en effet elle n’est pas blâmable pourvu qu’elle garde les règles qu’il lui prescrit, « qui sont de ne rien dire et ne rien faire d’illicite, ni rien qui ne convienne aux affaires et au temps » : et voilà tout ce que l’on tire de ce saint docteur en faveur de la comédie.
Comme les Danses ne sont que des assemblées, où l’on donne des témoignages de sa joie, et de sa satisfaction sensible par le chant, ou par l’usage de quelque instrument de Musique, et par le mouvement du corps ; il n’y a rien qui nous empêche d’entrer dans le sentiment commun des Docteurs, et de dire avec eux qu’elles ne sont point mauvaises de leur nature ; mais qu’elles sont d’elles-mêmes indifférentes.
et ayant recours à une foule de Docteurs accommodants, ils fermeront l’oreille à la vérité pour ne la plus ouvrir qu’à de vaines fables et à des contes. »Ibid. 4. 3.