Rousseau dans la Préface où il prétend excuser ses obscenes Epigrammes, dit avec raison : Les contes de la Fontaine tous licentieux qu’ils sont, sont incomparablement moins dangereux que les Eneïdes d’Ovide, & les Opéras de Quinaut, qui n’ont pourtant rien de licencieux, ni même d’équivoque ; mais, dit-on, ce ne sont pas ses propres sentiments qu’exprime l’actrice, ses propres foiblesses qu’elle détaille, ce sont ceux du personnage qu’elle joue ; qu’importe l’habit dont elle est couverte, le nom qu’on lui donne, est-ce moins l’objet du vice ? […] Ces mêmes choses n’étoient pas moins dangereuses pour les mœurs.
Et vous, manufacturiers industrieux, qui variez chaque jour vos tissus et donnez la vie et l’existence à tant de familles qui vous consacrent leur intelligence et leurs bras : vous tous qui disposez et tressez ces tissus légers, dont les grâces et la beauté se couvrent et se voilent, gazes transparentes sous lesquelles se cache le tentateur, brisez vos métiers, fermez vos magasins, renoncez à ces occupations profanes, dangereuses pour vous et pour votre prochain ; cessez enfin de vous rendre des instruments de mort spirituelle et de damnation éternelle… Que deviendront nos femmes, nos enfants, nos familles, direz-vous ? […] L’ordre le plus régulier y règne ; il n’est pas une place où la mère de famille ne puisse se montrer avec ses filles, sans craindre de dangereux exemples : l’œil du public pénètre partout, et des flots de lumière rendent facile et efficace la surveillance de tous sur chacun.
» « Les Auteurs concourent à l’envi […] à donner une nouvelle énergie et un nouveau coloris à cette passion dangereuse [l’amour] ; et, depuis Molière et Corneille, on ne voit plus réussir au Théâtre que des Romans [...]. »dv Racine, Crébillon, Voltaire, la Grange, Regnard, Destouches, Piron, Gresset, Marivaux, Boissy, vous n’êtes que des faiseurs de Romans. […] Si mon bras a fait choir ces têtes orgueilleuses, Qui fomentaient toujours des ligues dangereuses, Ce fut pour son bonheur que je les fis tomber : Tous ces Chefs ennemis l’auraient fait succomber Sous le poids accablant d’un joug dur et terrible ; Je prévoyais son sort, mon cœur y fut sensible : Les Dieux ont secondé mes généreux projets, Et la paix par mes soins règne sur mes sujets.
Saint Charles qui ne pouvant détruire les Théâtres, obtint qu’on les rendit moins dangereux, ne voulut jamais souffrir qu’on représentât des Histoires saintes et le savant et pieux Mariana Jésuite écrivit pour l’Espagne, qu’il valait encore mieux permettre aux Comédiens des sujets profanes, que de souffrir qu’ils en représentassent de saints. […] Que tout ce qu’on mêlera de galant dans les pièces les plus honnêtes soit préparé avec toute la délicatesse possible, le mal n’en est pas moins dangereux, et les Auteurs n’éviteront pas d’être mis au nombre de ceux à qui Saint Paul fait allusion, lorsqu’il dit aux Corinthiens 2 Corinth[iens]. 2. 17. 4. 2.
Ecole dangereuse pour la jeunesse, qui s’accoutume avec autant de plaisir à laisser croitre dans son cœur de véritables passions, qu’à en voir représenter de feintes sur le Théâtre ! […] On défend bien de lire la Bible en langue vulgaire, de peur que toute sainte qu’elle est, elle ne soit une occasion de scandale à quelques particuliers : à plus forte raison devrait-on pb n="49"/>interdire la Comédie, puisqu’elle cause des effets si dangereux sur quelques-uns, quand même ce ne serait que par accident. […] Tout ce qu’on peut répondre à cela, c’est que, dans un temps si saint, aussi bien que les jours de Dimanche, c’est la Police publique qui fait ouvrir les Théâtre pour y rassembler et y occuper une foule de gens oisifs, que le loisir et l’inaction jetteraient dans mille excès infiniment plus dangereux.
Paul même montre, qu’il a lu les Poètes, alléguant de leurs vers, et entre autres d’un Comiquew : je réponds, que cette permission de les savoir, n’infère pas la licence de les jouer, et que la connaissance en doit être rapportée à une fin, et usage tout autre, où visent les Théologiens, en lisant les écrits des hérétiques ; les Médecins, apprenant à connaître les poisons, et herbes dangereuses ; les Logiciens, étudiant aux Elenches sophistiquesx, etc. […] » Item, « Ecoutez, si votre entendement ivre des erreurs busch depuis si longtemps, vous permet de considérer quelque chose de sain : Les Dieux pour faire cesser la peste des corps, commandaient qu’on leur jouât des jeux : Mais votre Pontife Scipion, pour empêcher la peste des Esprits, défendait de bâtir un Echafaud : S’il vous reste quelque peu de lumière, pour préférer l’esprit au corps ; choisissez, à quoi vous devez servir ; Car pour avoir reçu cette plaisante folie, et rage des jeux Scéniques parmi le peuple, qui n’était accoutumé qu’aux jeux, qui se jouent en la lice ; la peste des corps n’a point cessé, mais l’astuce des malins esprits, voyant que cette peste-là cesserait, par le terme qui lui était ordonné, mit peine, de faire entrer par cette occasion une autre peste beaucoup plus dangereuse, non aux corps, mais aux mœurs, qui a aveuglé les âmes de ces misérables, par ténèbres si épaisses, les a souillées d’une telle difformité, que même à présent, après le sac de la ville de Rome, ceux que cette peste-là possède, et qui s’en étant fuis, ont pu arriver à Carthage, enragent tous les jours, d’envie qu’il ont, de voir les bateleurs aux Théâtres. […] » Ils considèrent aussi, combien sont dangereuses les moindre ouvertures qu’on fait au péché ; Toute corruption étant semblable à la fièvre hectique, qui du commencement est malaisée à connaître, aisée à guérir ; au progrès trop facile à connaître, impossible à guérir : tellement qu’il nous advient, enfin, comme dit quelque Ancien, que nous ne pouvons plus supporter, ni les vices, ni les remèdes ; voire on se moque des remèdes, quand ce qui était vice est devenu coutume.
Délices, richesses, grandeurs, vous étalez vos plus dangereux attraits : une indignation chrétienne, un noble mépris, une fierté plus qu’humaine vous foulent aux pieds. […] La Scéne antique, éteignoit dans, les Athéniens la soif de l’ambition, parce qu’elle la regardoit comme la plus dangereuse peste de la République : la Scéne Françoise souffle aujourd’hui dans les cœurs un double poison que nous devons regarder comme également funeste à la Religion & à l’Etat ; la vengeance & l’amour. […] Prenons-nous en même à ceux qui épargnant aux oreilles la grossiereté des paroles, s’étudierent à envelopper l’obscénité du voile transparent de l’équivoque ; sans faire réflexion que la plaisanterie, qui se cachant pour paroître, semble dire & ne dire pas, est plus dangereuse que la grossiereté exposée sans ombre de déguisement. […] Après tout, il faut plaire à des Spectateurs, injustes la plûpart, & moins disposés à goûter ce qui est utile & sain, que des mets nuisibles ou dangereux.
Il est vrai que Racine ne fit depuis que deux tragédies, Esther & Athalie, pleines de sentimens de religion, où il n’entre point de galanterie : mais tout est lié au théatre, d’une piece sainte on passe aisément à une piece profane ; & dans la piece sainte même, le goût du spectacle que l’on prend, la décoration mondaine qu’on étale, ne sont gueres moins dangereuses dans Esther & Athalie, que dans Phedre & Bérénice : Clairon est Clairon par-tout.
Revenons d’une erreur aussi dangereuse aux progrès des Arts & des Sciences, & nos Théâtres sembleront renaître.