Aussi le même Auteur loue la rigide sévérité des Marseillais, qui ne donnaient aucune entrée aux Mimes, parce qu’ils craignaient que les spectateurs ne se portassent à imiter les désordres du Théâtre, « ne talia spectandi consuetudo, imitandi licentiam sumat. […] Il s’était introduit en Italie un désordre qui était devenu commun. […] Les Conciles avaient beau s’élever contre l’usage de faire des danses et de représenter des jeux dans les Eglises, ce désordre régnait toujours. […] Quand des usages même abusifs se sont établis, si l’on devait causer du trouble en les détruisant, il faut se contenter de gémir, et parce qu’on ne peut jamais approuver ce qui est un désordre, on ne peut se dispenser de dire que c’est un mal et un abus que de souffrir les spectacles aux jours de Fête et aux jours destinés par l’Eglise à la Pénitence. […] Chronograph. dit qu’à l’occasion d’un désordre arrivé sur le Théâtre à Antioche, Justinien défendit les spectacles.
C’étoit une société de débauchés, sa maison étoit une espèce de serrail d’hommes ; elle avoit à Stocholm des femmes auprès d’elle, c’étoient des Officières en charge, en quittant la Suède elle les congédia toutes, & ne voulut plus avoir que des hommes ; il est très-indécent que des femmes ayent des hommes pour les servir, comme il le seroit aux hommes de se faire servir par des femmes, des Baigneurs, des Tailleurs, des Valets de chambre, des hommes à leurs toilettes, & c’est un des plus grands désordres de Suède ; mais il l’est infiniment davantage de n’avoir que des hommes, les femmes le plus libertines, les Actrices ont des femmes de chambre pour le service ordinaire, mais où a-t-on vu qu’une Princesse n’en eut aucune & se fasse lever, coucher, habiller, déshabiller par des hommes ? […] Ces revers sont ordinaires, il n’y a guère d’Acteurs & d’Actrices dont tôt ou tard les désordres ne déshonorent les talens.
Quel désordre ! […] Le désordre que vous reprochez aux Actrices, n’aura pas lieu à Genève, lorsqu’on leur donnera la permission de passer pour honnêtes femmes. […] Vous voulez bien supposer qu’il soit possible de trouver jusqu’à trois Comédiennes qu’on puisse excepter du désordre général ; il ne falloit pas citer l’Épigramme de Boileau contre toutes les femmes de Paris, pour appuyer votre jugement. […] Tout le monde est trop prévenu contre cet abrutissement de la nature humaine, on en connoît trop les funestes effets, on a trop d’exemples des faussetés, des viols, des incestes, des incendies, des meurtres, et; de tous les désordres auxquels le vin a souvent donné lieu pour en entreprendre l’odieux détail. […] Toute femme jolie et; fêtée n’a pas beau jeu dans le cercle de sa voisine. » Je sens que dans une compagnie composée de femmes seulement, il faut bien chasser l’ennui aux dépens de la réputation du prochain, toutefois vous trouvez « qu’il y a dans cet inconvénient plus de bien que de mal, et; qu’il est toujours incontestablement moindre que ceux dont il tient la place ; car, demandez-vous, lequel vaut mieux, qu’une femme dise avec ses amies du mal de son mari, ou que, tête-à-tête avec un homme, elle lui en fasse, qu’elle critique le désordre de sa voisine ou qu’elle l’imite ?
Ne croyez pas, dit Saint Gregoire de Nysse1, que la pratique de l’Excommunication soit de l’invention des Evêques ; c’est la Loi de nos Peres, c’est la Régle de l’ancienne Eglise, qui a commencé dès Moïse, & qui a trouvé sa perfection dans l’Evangile : Saint Paul s’en servit contre un Corinthien engagé en un commerce incestueux avec sa belle-mere : j’apprends, dit ce grand2 Apôtre aux Corinthiens, l’horrible incontinence où l’un des membres de votre Eglise est tombé, c’est un désordre que les Gentils ne se pardonnent pas ; il a abusé de la femme de son pere, & vous n’en avez pas gémi devant Dieu, vous ne l’avez pas chassé comme une peste publique : quoique je sois absent de corps, je suis avec vous en esprit, & j’ai jugé ce coupable au Nom du Seigneur, je l’ai livré à Satan, pour votre édification ; car ignorez-vous qu’un peu de levain corrompt toute la masse, ainsi vous devez retrancher le mal, & l’éloigner de vous.
On n’est plus dans un âge qui donne prise à la tentation ; mais on autorise les autres par son exemple, ce sont des infirmes1 dont on accélere la chute ; la crainte de déplaire à Dieu les retenoit encore, un homme de poids qui assiste au Spectacle, suffit pour les rassurer, & dès-lors il attire sur soi les désordres où ceux-ci se laissent entraîner.
Or quelle honnête femme oseroit se montrer dans le désordre où on la représente.
La loi fut obligée d’employer toute sa sévérité pour arrêter un si grand désordre.
Les cendres d’un homme si rare, qui avoit causé tant de désordres, étoient conservées dans un tombeau de marbre, & les passans étoient par son Epitaphe invités à rendre leurs hommages à un tombeau qui renfermoit, suivant les expressions de Martial, toutes les Graces, tous les Amours, toutes les Voluptés, la douleur & la gloire du Théâtre Romain, & les délices de Rome.
« Qu'une femme fût dans le désordre, qu’un homme fût dans la débauche, s’ils se disaient de vos amis, vous espériez toujours de leur salut : s’ils vous étaient peu favorables, quelquei vertueux qu’ils fussent, vous appréhendiez toujours le jugement de Dieu pour eux.