Si l’on rencontre quelques fautes d’impression, c’est une suite de la promptitude avec laquelle les Ouvriers ont travaillé, je crois pourtant qu’elles y sont assez rares ; et; j’ai fait mettre à la fin du Volume un Errata pour corriger les plus grossieres. […] J’ai donc appréhendé de mêler des Dissertations de Dogme à l’examen des piéces de Théatre, je crois avoir eu raison. […] Quand un homme ne peut croire ce qu’il trouve absurde, ce n’est pas sa faute, c’est celle de sa raison ; et; comment concevrai-je que Dieu le punisse de ne s’être pas fait un entendement contraire à celui qu’il a reçu de lui ?
Que doit-il faire à l’egard de quelques autres qui disent : Ie quitterois volontiers cette occasion, je m’abstiendrois de bon cœur de cette frequentation ; mais si je le fais on en croira du mal, j’en seray deshonoré, ou je seray cause que cette personne le sera ? Le Confesseur leur pourroit dire : Ou l’on croit qu’il y a déja du mal, ou l’on ne le croit pas : si on le croid, il y a moins de scandale à vous en separer promptement, & si on ne le croid pas vous ne devez pas craindre que cette separation vous fasse aucun tort : mais quand elle pourroit faire soupçonner quelque mal, il faut preferer vostre salut à la crainte de ce soupçon. […] Il y a au contraire plus de dureté & plus de peril à precipiter l’absolution qu’à la differer, lorsqu’on n’a pas sujet de croire que le penitent soit assez bien disposé pour la recevoir avec fruit. […] Comment se doit conduire le Confesseur lorsqu’il rencontre un penitent qui ne s’accuse que de fautes fort légeres, & qu’il a sujet de croire qu’il est coupable de beaucoup d’autres pechez plus griefs, sçachant que c’est une personne dont la vie n’est point reglée ? […] Mais pour l’ordinaire il les doit croire dans l’accusation qu’ils font de leurs fautes ; puisque d’une part il n’y a point de personnes si saintes qui ne pechent plusieurs fois tous les jours, & que de l’autre ceux qui sont plus saints voyent mieux leurs pechez que les autres.
J’ai cru même qu’il était absolument nécessaire qu’ils fussent tels que je les avais composé ; le Lecteur va bientôt juger si je me trompais. […] J’ai cru ne devoir pas craindre les longueurs, quand il s’est agi d’écrire sur un Spectacle tout-à-fait nouveau pour nous. […] M’étant proposé d’aprofondir particulièrement tout ce qui concerne le nouveau Spectacle, j’ai cru que je devais insérer les louanges qu’on lui prodigue à côté des critiques qu’en font les gens éclairés ; afin qu’on ne pût rien m’objecter que je n’eusse déjà prévu ; & il m’a semblé que l’ironie me mettait plus à mon aise. […] Au reste, comme chacun a son sentiment particulier, duquel on ne s’écarte presque jamais parce qu’on le croit le meilleur, je dois m’attendre que les raisons que j’allégue dans ce Discours préliminaire, afin de me justifier, persuaderont peu de personnes : je dois peut-être penser aussi que je me trompe moi-même.
Croyez-vous qu’un Ballet profane et follement idolâtre soit bien propre à persuader au monde que M. le Cardinal Grimaldi ait été de ces Pasteurs négligents et lâches qui n’ont nul soin de faire la guerre aux vices, et qui au lieu de faire régner la paix et la vérité parmi leurs peuples les laissent assiéger, comme vous dites, et enchaîner par les vices ? […] Car on peut croire que l’estime que tous les gens de bien font de ce livre, a été une des principales causes qui a porté le Pape à le faire depuis peu Evêque de Vaison afin de lui donner moyen de pratiquer avec plus d’autorité les excellentes maximes, qu’il a enseignées dans cet Ouvrage. […] Le 1. renverse la plus certaine règle de la bonne conscience reconnue par les Païens mêmes qui n’ont pas cru qu’il fut permis de faire une chose que l’on doute si elle est juste ou injuste :17 « Quod dubites æquum sit an iniquum » : au lieu que vos Casuistes que suit M. […] Mais on a tout lieu de croire que ceux qui n’en connaissent que de plus sérieuses et de plus Chrétiennes, s’en affligeront et en gémiront devant Dieu.
Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat Je suis de l’avis de ceux qui pensent que les bons citoyens dans leur belles pièces sérieuses peuvent inspirer, entretenir et fortifier l’amour pour la patrie et des sentiments de courage, de justice, et de bienfaisance ; je crois de même que dans leurs pièces comiques ils peuvent inspirer du dégoût et de l’aversion pour la mollesse, pour la poltronnerie, pour le métier de joueur, pour le luxe de la table, pour les dépenses de pure vanité, pour le caractère impatient, chicaneur, avaricieux, flatteur, indiscret, hypocrite, menteur, misanthrope, médisant, en un mot pour tous les excès qui font souffrir les autres et qui rendent les vicieux fâcheux et désagréables pour plusieurs des personnes avec qui ils ont à vivre. Mais pour diriger les Poètes eux-mêmes, et leurs ouvrages vers la plus grande utilité publique, je crois qu’il est avantageux, 1°. […] Tout le monde sait ce que c’est que Médée ; cependant un Poète croit bien employer son esprit en lui faisant dire : « Et mon cœur était fait pour aimer la vertu. » En bonne foi, n’est-ce pas réellement blasphémer contre la vertu ? […] Je crois même qu’ils eussent aperçu et qu’ils eussent condamné dans les ouvrages de Molière un grand nombre d’endroits où quelques sentiments de justice et de bienfaisance sont dans la bouche de gens d’ailleurs odieux et méprisables ; je crois qu’ils auraient remarqué et blâmé des sentiments d’injustice dans la bouche de personnes d’ailleurs aimables et estimables et d’autres endroits où l’injustice jointe à l’adresse et à la finesse est louée, et où la vertu et la justice jointe à des défauts personnels est blâmée ou tournée en ridicule ; et voilà pourquoi il faut une compagnie de Censeurs moralistes et politiques qui ait soin de diriger suffisamment le Poète vers le but de l’utilité publique, tandis que son intérêt le dirige suffisamment vers l’agréable, c’est-à-dire, vers son utilité particulière. […] A l’égard du spectacle de l’Opéra, je crois qu’il n’est pas impossible d’en faire peu à peu quelque chose d’utile pour les mœurs ; j’avoue cependant que la chose me paraît très difficile en l’état de corruption et de mollesse où il est de mon temps ; mais après tout il ne faut à l’Académie des spectacles pour en venir à bout que deux moyens, le premier d’avoir un but certain où l’on vise, c’est de faire servir la musique et la poésie non à amollir les mœurs par la volupté, mais à les rendre vertueuses par l’amour de la gloire ; le second c’est de faire en sorte que ce perfectionnement soit presque insensible, car pour nous guérir de la mollesse, maladie enracinée depuis longtemps dans notre nation par une longue habitude, il faut pour ne nous pas révolter se servir d’une méthode qui procède par degrés presque insensibles, et je ne désespère pas que nos successeurs n’entendent chanter avec plus de plaisir les sentiments et les actions des grands hommes, que les maximes honteuses de la mollesse et les sentiments extravagants qu’inspire l’ivresse de l’amour.
J’aurais cru manquer à ce que je me dois, & aux personnes respectables de mon état, si je fusse resté muet aux imputations fausses de Jean-Jacques Rousseau. […] Pour moi la nature, seul organe que je consulte, & que je fais vanité de croire, crie au fond de mon ame que le mépris est le partage de ses pareils. […] « Il suffit qu’on soit homme, & qu’on soit malheureux. » Voilà ma façon de penser ; elle ne sera pas du goût de tout le monde ; on pourra soupçonner trop d’orgueil dans l’aveu que j’en fais, mais je répondrai que je ne la détaille pas pour en être loué : tant d’autres ont pris ce tour, que j’aurais mauvaise grace de m’enservir ; ce n’est point là mon caractère : non, Messieurs, & vous pouvez m’en croire.
Il y a de la témérité, de l'orgueil et de l'impiété à se croire capable de résister sans la grâce aux tentations que l'on rencontre dans la Comédie ; et il y a de la présomption et de la folie à croire que Dieu nous délivrera toujours par sa grâce d'un danger où nous nous serons exposés volontairement et sans nécessité.
Il y a de la témérité, de l'orgueil et de l'impiété à se croire capable de résister sans la grâce aux tentations que l'on rencontre dans la Comédie et il y a de la présomption et de la folie à croire que Dieu nous délivrera toujours par sa grâce d'un danger, où nous nous exposons volontairement et sans nécessité.
Mais j’ai de la peine à croire ce que nous dit un célèbre Rhéteur1, qu’on pourrait faire du Théâtre une très bonne école pour les mœurs. […] Croit-on nous persuader que s’il est des jeunes gens estimables par leurs mœurs, ils en sont plus redevables au Théâtre qu’à la Chaire ? […] N’ont-elles pas lieu de croire, que ce qui arrive sur le Théâtre, arrivera pour elles, et que tous les avis qu’on leur donne aboutiront au même but ? […] C’est à cette occasion qu’on pourrait dire justement, que beaucoup de préjugés dont on croyait ne jamais revenir, ont néanmoins été détruits par la suite. […] Il ne croit pas qu’il y ait au monde une personne assez simple pour prendre des chansons pour des vérités.