S'il se considère comme enfant de Dieu, comme membre de Jésus-Christ, illuminé par sa vérité, enrichi de ses grâces, nourri de son corps, héritier de son Royaume; il doit juger qu'il n'y a rien de plus indigne d'une si haute qualité que de prendre part à ces folles joies des enfants du siècle.
Ces Messieurs crurent qu’on ne pouvait les résoudre, sans en venir au fond, et sans examiner la question principale, qui est celle de la Comédie même ; ce qu’ils ont fait en appuyant leur résolution par les raisons qui font le corps de cet Ouvrage.
-à-d. vraie et profitable : Tellement qu’enfin, tout revient à un, de quelque matière que soit le corps, puisque on l’habille toujours de même étoffe, et de même façonai. […] Celui qui sans nécessité mangerait des chiens, ou autres immondices, serait à bon droit jugé malsain de corps, et d’esprit ; mais ce jugement n’a plus de lieu sur la mer, quand le biscuit est failli, ni quelquefois sur la terre, quand les munitions sont consommées. […] Ca. 5 bz , qui fit mettre secrètement sur l’Echafaud, le corps de son fils, mort peu auparavant, afin qu’étant incité par son propre deuil, il en représentât mieux celui, que portait son rôle ; ce qui lui advint, se trouvant saisi d’une si grande, et vive douleur, à la vue de ce corps mort ; qu’il en perdit contenance, et par ce moyen trompa généralement tous les spectateurs, les un en une façon, les autres en une autre : Tellement, que si c’est à bon droit, que Clément Alexandrinca, et quelques autres, appellent la peinture Art tromperessecb ; le métier des Comédiens mérite ce nom beaucoup plus justement ; Et si les Juifs comme témoigne Origène ne souffraient ni Peintre, ni Sculpteur, en leur République pour ne donner occasion à l’Idolâtriecc ; Les Chrétiens devraient encore moins endurer les farceurs en l’Eglise, pour ôter la matière, et l’occasion de tant de dissolution. […] » Item, « Ecoutez, si votre entendement ivre des erreurs busch depuis si longtemps, vous permet de considérer quelque chose de sain : Les Dieux pour faire cesser la peste des corps, commandaient qu’on leur jouât des jeux : Mais votre Pontife Scipion, pour empêcher la peste des Esprits, défendait de bâtir un Echafaud : S’il vous reste quelque peu de lumière, pour préférer l’esprit au corps ; choisissez, à quoi vous devez servir ; Car pour avoir reçu cette plaisante folie, et rage des jeux Scéniques parmi le peuple, qui n’était accoutumé qu’aux jeux, qui se jouent en la lice ; la peste des corps n’a point cessé, mais l’astuce des malins esprits, voyant que cette peste-là cesserait, par le terme qui lui était ordonné, mit peine, de faire entrer par cette occasion une autre peste beaucoup plus dangereuse, non aux corps, mais aux mœurs, qui a aveuglé les âmes de ces misérables, par ténèbres si épaisses, les a souillées d’une telle difformité, que même à présent, après le sac de la ville de Rome, ceux que cette peste-là possède, et qui s’en étant fuis, ont pu arriver à Carthage, enragent tous les jours, d’envie qu’il ont, de voir les bateleurs aux Théâtres. […] eg , et allègue les raisons, pourquoi il n’est loisible aux Chrétiens de s’y trouver ; à savoir ; parce que ce sont appartenances de l’idolâtrie ; parce qu’il s’y commet plusieurs maux, plusieurs péchés s’y engendrent, et le nom de Dieu est blasphémé ; parce que le Diable y règne, dont il récite l’histoire d’une femme, qui étant allée au Théâtre, pour y voir des jeux, s’en revient possédée d’un malin esprit, lequel étant adjuré et interrogé, pourquoi il était entré au corps d’une personne fidèle ; répondit, qu’il avait justement fait, l’ayant trouvée sur le sieneh.
» Que si la prière qui doit attirer l'Esprit de Dieu sur tout le corps de nos œuvres est elle-même souillée, que doit-on juger de tout le reste des actions ?
quand au lieu d’une jeunesse mâle et vigoureuse, on ne trouvera plus que de petits squelettes pâles, hideux, sans énergie dans l’ame comme sans force dans le corps ? […] L’esprit pût-il se soutenir contre l’infection des mœurs, le corps y succombe. […] Sans avoir vu l’ennemi, sans avoir approché des régions d’où l’insalubrité de l’air eût pu leur envoyer quelque germe de contagion, ces vastes corps se dissolvent pour ainsi dire par la corruption qu’ils portent en eux-mêmes. […] Rétablissez ces jeux virils, ces récréations actives et laborieuses, qui ont conservé si long-temps la valeur et la liberté dans Sparte et dans Athènes, qui ont formé les vainqueurs de Pyrrhus et d’Annibal ; auxquels Rome attribuoit toute sa gloire, et auxquels elle la devoit en effet20 : la course, la lutte, et tant d’autres exercices qui, en fortifiant le corps, donnent à l’esprit même un nouvel essor21. […] On verra renaître avec les mœurs l’énergie de l’ame, la force et la santé du corps ; les plaies de l’humanité se prêteront à un traitement vivifique ; le gouffre qui se préparoit à engloutir les générations, se refermera sur lui-même….
Louis Guyon, Médecin de Paris, a composé, & Lazare Meyssonier, Médecin de Montpellier, a commenté un grand ouvrage de médecine, intitulé Miroir de la Beauté, ou Médecine de la Beauté, ils y suivent les différentes parties du corps humain, & en détaillent les beautés, la forme, la couleur, les infirmités, les difformités ; ils donnent plusieurs recettes & remedes pour conserver les unes, & réparer les autres ; ce titre singulier, & cette marche intéressante sont une charlatanerie littéraire, pour piquer la curiosité, & donner de la vogue à leur livre, qui a eu plusieurs éditions. […] Jean Baptiste Porta, & tous les auteurs qui traitent de la phisionomie, s’arrêtent beaucoup sur la couleur du corps, sur-tout du visage & des cheveux, & la regardent comme une indication des vices & des vertus ; & une espece de diagnostic des maladies spirituelles. […] C’est que les couleurs des objets en se dispersant, se modifiant différemment, font corps avec le teint de la personne, & deviennent une espece de fard à des yeux savants, chaque situation donne une couleur différente. Tout ressemble au col des pigeons, aux étoffes changeantes dont la couleur se diversifie selon le point de vue ; toutes fixes & invariables que pariossent être les couleurs de certains corps, elles sont toutes mobiles, & reluisent avec plus ou moins de vivacité par tout ce qui les environne. Tous les corps se colorent mutuellement, l’assemblage des couleurs directes & refléchies, fait pour la vue ce que l’assemblage des tons, des odeurs, des assaisonnements font pour l’ouie, l’odorat, le goût.
» Que si leurs prières qui doivent attirer l'esprit de Dieu sur tout le corps de leurs œuvres sont elles-mêmes souillées, que doit-on juger de tout le reste de leurs actions ?
Si l’on prenoit soin d’inculquer de bonne heure, aux jeunes gens, qu’ils ne sont point faits comme de vils animaux, pour se procurer des sensations voluptueuses ; que leur raison est le flambeau qui doit les éclairer ; que cette raison a besoin d’être épurée ; qu’elle dicte des devoirs ; que la satisfaction qui provient des actions vertueuses, ou conformes à la raison, est le plus grand de tous les plaisirs & le seul permanent ; qu’un homme, qui néglige sa raison, est plus à plaindre que celui qui renonceroit volontairement à l’usage de ses yeux ; qu’il est aussi impossible d’être heureux, avec une ame souillée de vices, que de se bien porter avec un corps couvert d’ulceres ; que la Science est la source des biens, l’ignorance la source de tous les maux, &c. […] Enfin, pourquoi désespérerions-nous de voir revivre ces hommes rares qui s’étoient rendus si profonds dans la Science des Mœurs & du Gouvernement, à qui les Cités faisoient quelquefois des députations solemnelles pour les prier de leur donner des Loix, que les Particuliers alloient consulter sur l’état de leur ame, comme on consulte aujourd’hui les Médecins sur les maladies du corps ? […] Croit-on que si ces effets eussent été soigneusement recueillis par un génie observateur, savamment analysés & bien vérifiés par une chaîne d’expériences non interrompues, ils n’eussent pu former un corps de doctrine sur la culture de l’ame, plus intéressant & plus certain qu’aucun Traité que nous ayons sur la guérison du corps humain ?
Vous n’avez besoin pour le voir, ni des yeux du corps, ni des largesses d’un Consul. […] Contemplez ce bel astre qui répand la lumiere, & se levant & se couchant, nous donne tour à tour les jours & les nuits ; cet astre qui préside à la nuit, & qui par ses différentes phases nous enseigne le cours & la mesure des temps ; ces armées d’étoiles qui du plus haut des cieux brillent d’un si vif éclat ; cette terre avec ses montagnes, suspendue au milieu des airs avec un si juste équilibre ; ces fleuves intarissables, ce vaste océan avec ses immenses rivages, & l’harmonie merveilleuse qui unit constamment tous ces corps ; cette atmosphère de l’air qui pénètre tout par sa subtilité, & entretient tout par sa fécondité, qui tantôt rassemblant ses vapeurs en forme des nuées, & verse des pluies abondantes, tantôt les dissipant ménage la serénité d’un beau jour. […] Qu’étudie l’Astronome dans les cieux, le Navigateur sur les mers, le Botaniste dans les plantes, le Médecin dans la structure des corps, le Physicien dans les systêmes, Réaumur dans les insectes, &c. ? […] ) rapporte qu’un Ambassadeur de quelque peuple barbare ayant assisté aux spectacles, & vû la fureur avec laquelle les Romains y couroient, demanda fort sérieusement : Ces hommes n’ont-ils point des femmes, des enfans, des amis, des maisons de campagne, des exercices du corps, qui puissent les amuser, sans recourir à ces objets imaginaires ?