Il n’y à point d’Ordre quelque austère qu’il soit, si on en excepte celui de la Trappe, qui n’ait des heures de récréation et des journées de relâche, tant pour le corps que pour l’esprit. […] A votre avis quelles grandes fatigues de corps ou d’esprit ont souffert tous ces jeunes gens qui vont se donner des airs de Théâtre, dont ils font la plus riche décoration ? Quelles grandes fatigues de corps ou d’esprit ont souffert tant de Dames mondaines qui vont y remplir les loges ? […] Enfin quelles grandes fatigues de corps ou d’esprit ont souffert la plupart de ces personnes qui grossissent et font regorger le parterre ? […] Thomas, Summa theologica, 2a 2ae, q. 168, article 2 (dans le corps de l’article).
Ce jour à jamais mémorable étant venu, tout le corps illustre des comédiens fut en mouvement, les trois théatres se réunirent, danseurs, danseuses, musiciens, musiciennes, officiers, jusqu’au moucheur des chandelles, le grave conseil en robe, tous les acteurs dans leurs plus beaux habits, & leurs plus riches parures ; la plus élégante toillette avoit prodigué ses trésors, la décoration étoit la plus brillante, & les amateurs sans nombre, tous s’écrioient en chœur : Grand Voltaire ce jour est un grand jour pour vous. […] Les adorateurs de Voltaire ne traiteroient pas mieux, s’ils en étoient les maîtres, ces sacriléges grenouilles, qui, du milieu de leur sange, croassent stupidement contre lui, & assurément un Ange ne viendroit pas éteindre les flames ; il manquoit cependant à cette pompeuse solemnité, des députés de l’Académie : ce qui est d’autant plus singulier, que Voltaire est un des quarante, & qu’on l’a laissé dans sa place d’Académicien, quoique le Roi lui ait ôté celle de son Historiographe, sans s’embarrasser de sa réligion & de ses mœurs, qui n’illustre pas l’Académie ; mais ce corps illustre, qui ; quoiqu’à demi Episcopal, aime & protége assez le théatre, à l’exception de l’Archevêque de Sens, M. Languet, pour adopter comme des sujets dignes de lui, & combler d’éloges tous les poëtes tragiques & comiques de quelque nom ; ce corps plein de sagesse & de réligion, est dans le principe de ne louer ses membres qu’après leur mort, à la reception de leur successeur, & la statue est dédiée à Voltaire pendant sa vie. […] Ce char étoit tiré par quatre bufles, & étoit surmonté d’une figure de la mort, tenant une faulx à la main, qui fauchoit tout : elle avoit à ses pieds plusieurs sépulchres à demi ouverts, d’où sortoient des corps décharnés, comme dans le tableau du jugement, de Michel Ange. […] Alors le char & le cortege s’arrêtoient, les sépulchres s’ouvroient, les corps morts en sortoient comme à la résurrection des morts ; ils chantoient d’un ton lamentable, pénitence, pénitence : ensuite venoit un corps de cavaliers, déguisés en morts, montés sur des chevaux comme ceux de l’apocalypse, les plus maigres qu’on avoit pu trouver.
Il vous donne aussi, Mademoiselle, quelques coups d’encensoir, & comme s’il avoit tout le corps épiscopal & tout le peuple chrétien dans la cervelle, il assure positivement que la consultation vous rend digne des éloges de l’Eglise elle-même. […] Les fidéles particuliers ne font point un corps sans leur Chef, ou bien c’est un corps acephale que cette maniere d’Eglise.
Et en ce que selon l’ordre de l’Eglise, nous faisons des Processions, où le Chant est accompagné du mouvement du corps, qui même en quelques endroits se fait avec plus de règle, et avec plus de mesure. […] Néanmoins comme on ne peut point nier qu’on ne puisse prendre innocemment quelque sorte de récréation, pour délasser l’esprit par le Chant, ou par le son des Instruments, et par le mouvement même mesuré du corps, nous ne prétendons pas conclure par ce que nous avons dit, que la Danse soit d’elle-même criminelle.
Je crois même que la débauche ruine autant & plus des corps que les assassinats, avec d’autant plus de facilité, qu’on n’est point en garde contre ses traits. […] Les dépenses qu’on fait pour les funérailles s’étendent jusqu’aux Perroquets, l’amitié singuliere du grand Prince pour un de ces oiseaux, fit croire que l’ame de quelque Monarque avoit passé dans son corps, qu’il falloit lui rendre des honneurs proportionnés à sa dignité, on éleva une grande pyramide où l’on montoit par degrés, il y avoit au haut une plate forme ; pour y brûler le corps de l’oiseau, qu’on y porta dans une cage d’or. Cette Fête dura huit jours, pendant lesquels les Talapains se succédoient pour faire leur priere, on jettoit au peuple des piéces de toile, des vases de cuivre, des miroirs de la Chine ; enfin la fête se termina en réduisant en cendre le défunt Perroquet, dont les funérailles surpasserent en magnificence celle des principaux Officiers de l’Etat, son ame passa sans doute dans le corps de quelque Monarque. […] Il étoit d’ailleurs en procès contre son Chapitre, pour des intérêts temporels, & le Théologal le plus habile & le plus ferme de son Corps, en soutenoit vivement les droits. […] Aujourd’hui on prend d’autres mesures, on bâtit exprès un corps de maison pour le théatre, dans le plan d’un hôtel.
Prétendre que son concours soit utile ou indifférent dans cette circonstance, c’est prétendre qu’il est salutaire ou indifférent pour les maladies du corps de livrer les malades à toute la malignité du plus actif poison. […] Les seconds sont incomparablement plus dangereux, parce qu’il faut qu’ils nous passent sur le corps pour arriver à notre argent, etc. […] pourquoi n’appliqueraient-ils pas leur zèle à se mettre en mesure de diriger avec prudence et d’une main ferme contre tel individu pervers les traits qu’ils lançent si malheureusement contre le corps auquel il appartient ? Qu’ils réfléchissent donc combien il y a de lâcheté à craindre d’attaquer un membre certainement coupable et vil, lorsqu’ils ne craignent pas de frapper cruellement sur le corps entier qui renferme beaucoup d’honnêtes gens. […] Pour dissiper parfaitement et sans retour les anciens préjugés existants contre cette profession diffuse et disloquée, et en ennoblir les fonctions, donner toute considération à ceux qui les exerçent, et les mettre dans la seule situation propre à en remplir dignement le plus important objet, en un mot, pour arrêter dans sa principale source le mal que les spectacles font, je ne crois pas qu’il y ait de moyen plus naturel et plus sûr que d’affilier ou aggréger l’école théâtrale au grand corps d’instruction et d’éducation nationales, à l’université, qui doit en effet toujours être le centre, former l’unité de toutes les écoles publiques de morale.
On leur a tantôt donné un corps d’oiseau, tantôt un corps de poisson ; leur mère Terpsichore, qui les avoit si bien formées, & qui étoit elle-même si habile danseuse, méritoit bien les honneurs du Parnasse. […] Qu’à la bonne heure il l’appelle un amusement agréable, un exercice du corps, utile à la santé, qui donne de l’agilité & des graces, pourvu qu’il soit renfermé dans de justes bornes. […] Il avoit ailleurs fait danser dans le ciel les étoiles & les planètes (c’étoit sans doute une danse ronde), & assure que les Prêtres Egyptiens en avoient imaginé une très-ingénieuse pour représenter les mouvemens mesurés des corps célestes. […] Il y renferme tous les mouvemens du corps qui peuvent peindre & représenter, la déclamation oratoire, l’art des pantomimes, &c. […] Cicéron, Quintilien, traitant de la prononciation, Dinouart dans son Eloquence du corps, ont fait des traités de danse.
du Temps, dit, « Que danser c’est tourmenter son corps » : et appelle les danses, « des actions horribles » ! […] Dieu, dit-il, ne nous a pas donné des pieds pour sauter comme des chameaux : mais pour marcher modestement en la présence des Anges : et si le corps devient difforme en dansant, combien l’âme en est-elle défigurée davantage ? […] Les filles sont ravies d’aise, de voir que la légèreté de leur corps seconde celle de leur esprit, et croient être plus parfaites de savoir bien danser, que de savoir bien vivre. » Voila le jugement de ce grand homme sur les danses qui se faisaient de son temps, lesquelles n’étaient pas assurément plus criminelles que celles d’à présent.
Il en est à peu près de notre Esprit comme de notre corps ; Dieu a attaché un sentiment plus agréable au mouvement de l’un & de l’autre qu’à leur repos : il étoit de sa sagesse d’en user ainsi, parce que le mouvement leur est bien plus utile pour leur perfection. Notre corps tombe dans une espece de langueur & d’abbattement, nous ne le sentons presque plus, & à peine croyons-nous vivre lorsqu’il demeure trop longtemps dans une entiere inaction : il en est de même à proportion pour notre ame & encore plus que pour notre corps ; elle n’est par sa nature qu’une pensée & une volonté toujours subsistante, & par conséquent toujours agissante ; son repos n’est, à proprement parler, qu’un moindre mouvement. Notre corps peut subsister sans aucune action extérieure, mais l’action est tellement de l’essence de notre ame, qu’elle cesseroit absolument d’être, si elle cessoit d’agir. […] Notre corps tombe dans une espece de langueur & d’abbattement, nous ne le sentons presque plus, & à peine croyons-nous vivre lorsqu’il demeure trop longtemps dans une entiere inaction : il en est de même à proportion pour notre ame & encore plus que pour notre corps ; elle n’est par sa nature qu’une pensée & une volonté toujours subsistante, & par conséquent toujours agissante ; son repos n’est, à proprement parler, qu’un moindre mouvement. Notre corps peut subsister sans aucune action extérieure, mais l’action est tellement de l’essence de notre ame, qu’elle cesseroit absolument d’être, si elle cessoit d’agir.