Comédies à conserver. […] A la réserve donc de quelques pensées, et de quelques expressions, qui ont grand besoin d’examen et de correction, je crois que la Comédie du Misanthrope mérite d’être conservée, et qu’elle est très digne d’être admise au Théâtre. […] Molière dans le plus grand nombre de ses Pièces a été imitateur, il n’a inventé que la moindre partie de son Théâtre ; j’observe donc que lorsqu’il a imité, si la source où il puisait n’était pas pure, ses Comédies ne sont pas assez correctes : et de là vient qu’il nous a donné plusieurs Pièces où les bonnes mœurs ne sont pas toujours régulièrement conservées ; au contraire lorsqu’il a inventé, il nous a fait connaître combien il était exact observateur des règles de l’honnête homme, en respectant les égards de la Société civile, et en ne donnant que des Pièces utiles pour la correction des mœurs. […] Ariste qui donne de si bonnes Leçons aux Maris trop faibles pour leurs femmes, dans la conversation qu’il a avec son frère Chrisale, n’est pas un trait bien surprenant pour les gens du métier ; mais que Molière, pour conserver le caractère de Chrisale qui molit et qui tremble devant sa femme, ait trouvé le moyen de lui faire dire à sa femme même tout ce qu’un mari ferme par raison peut et doit dire en pareil cas, et cela par l’organe d’une autre personne telle que Martine : c’est un trait de génie incomparable, et je ne me souviens pas d’en avoir vu de pareil ni avant ni après Molière. […] Je suis donc d’avis de la conserver sur le Théâtre de la Réformation.
Prologuea Que sert aux Assyriens, aux Médoi[s]b, aux Perses, aux Macédoniens, et à cet invincible Sénat, d’avoir donné fondement aux Monarchies, amplifié ses bornes, établi l’état d’un admirable empire, subjugué la meilleure partie de la terre, conservé l’excellente dignité d’un noble gouvernement ; Si la postérité par l’agréable mémoire d’un Nine, d’un Arbaze, d’un Cyrec, d’un Alexandre, d’un César, et d’un Pompée ne les récompensait de leurs vertus, et ne mettait en évidence ces anciens courages doués d’une louable magnanimité ? C’est à l’histoire, généreux Héros, que vous et nous tout ensemble devons mille millions de grâces, lui présentant les plus zélés de nos vœux, pour nous conserver ce que la longueur du temps pouvait ensevelir dans un injuste oubli. Et ce qui semble prodigieux, les antiquités se consomment par la suite des ans, agitées par le jouet de fortune, ébranlées par les hasards, et tenues par la négligence : la seule mémoire de vos actions, célébrée par tant de bouches, honorée par tant de plumes, et conservée par le soin de l’histoire, qui remplit un monde du bruit de vos conquêtes, a pour conservateur le temps, qui dissipe toutes choses.
3.° La beauté du corps doit être conservée & augmentée comme les beautés de l’ame. […] Sa portion légitime dans l’héritage ; les femmes peuvent le conserver comme les autres biens, elle fait leur force & leur autorité, elles la maintiennent comme un Prince maintient la sienne ; mais comme il n’est pas permis de conserver son bien, son autorité par la fraude, par la dissimulation, par le crime ; il ne l’est pas non plus de maintenir la beauté par l’artifice, par le fard. […] Le fard tient à notre personne, c’est conserver une partie de nous-mêmes que de nous farder ; il est permis d’avoir des habits, des meubles, donc du fard. […] Le Perruquier Debord si renommé par son essence de beauté pour conserver le tein frais, préserver des boutons, empêcher le rouge de gâter la peau, entretenir les mains dans la plus grande blancheur. […] doit-elle servir à conserver ou à réparer la virginité ?
L’Œdipe de M. de Voltaire, avec les changements que je propose, serait peut-être une des meilleures Tragédies que l’on pût conserver. […] Je suis même persuadé qu’il y a encore aujourd’hui bien des personnes qui, par les mêmes motifs, jugeront que je pouvais la mettre, telle quelle est, dans la classe des Tragédies à conserver. […] Il est vrai que, malgré toutes ces raisons, je n’ai pas osé non plus placer cette Pièce dans le nombre de celles que l’on peut conserver. […] Lorsque la Tragédie de Romulus sera lavée de ces sortes de taches, je croirais qu’elle pourrait se conserver pour le Théâtre de la Réformation. […] Enfin, Amasis est une bonne Tragédie, et qui, de toute façon (après les petites corrections dont nous venons de parler) mérite d’être conservée pour le Théâtre de la Réformation.
On croit que c’est cet Acteur qui s’est conservé dans l’Italie sous le nom d’Arlequin. […] Les cendres d’un homme si rare, qui avoit causé tant de désordres, étoient conservées dans un tombeau de marbre, & les passans étoient par son Epitaphe invités à rendre leurs hommages à un tombeau qui renfermoit, suivant les expressions de Martial, toutes les Graces, tous les Amours, toutes les Voluptés, la douleur & la gloire du Théâtre Romain, & les délices de Rome. […] La Passion des Romains pour les Jeux devint si grande, que dans une famine qui affligea Rome sous Gratien, tandis que pour conserver les Citoyens naturels, on fit sortir tous les Etrangers par une barbarie qu’Ammien, Historien Payen, a condamnée, on conserva trois mille Comédiennes avec tous ceux qui contribuoient aux divertissemens des Théâtres. […] Le Romain dans ses paroles comme dans ses actions, avoit toujours un air de grandeur : mais cette antique fierté qu’il conserva, fut cause qu’il conserva aussi un secret mépris pour tout ce qui n’étoit pas gloire militaire. […] On voit par la maniere dont il a parlé de la Tragédie & de la Comédie, qu’il a senti toute la difficulté d’exceller dans la Poësie Dramatique : & comme il connoissoit les caprices du Peuple, il prioit Auguste, qui aimoit les Spectacles, & protégeoit les Poëtes Dramatiques, de conserver aussi quelque bienveillance pour ceux qui aimoient mieux, comme lui, se borner à plaire à des Lecteurs, que de s’exposer aux dédains d’un Spectateur difficile, Quàm spectatoris fastidia ferre superbi.
L’Allegorique tout au contraire doit faire regner l’allegorie, & faire les applications à l’Histoire & à la verité par accessoire, pour conserver toûjours le tout, & le dessein en son entier. […] Il seroit à souhaiter qu’on observast cette coûtume des Romains d’eriger des Arc triomphaux solides & durables, pour y conserver contre les temps le souvenir des belles actions & du merite des Heros.
Comme innocents, si par sa miséricorde ils ont conservé la grâce qu’ils avaient reçue dans leur Baptême ; ou comme criminels, s’ils l’ont perdue par quelque péché mortel. Il est rare, dans l’horrible corruption où est à présent le monde, de trouver des personnes qui aient conservé leur grâce baptismale. […] Il est donc indubitable qu’un Chrétien qui a conservé son innocence baptismale, ne doit aller ni à la Comédie, ni a l’Opéra, parce qu’il ne doit nullement s’exposer au danger d’offenser Dieu. […] Un Chrétien se distingue de l’Infidèle, en ce qu’il ne met sa joie qu’en Dieu ; et le pécheur converti doit se distinguer de celui qui a conservé son innocence, en ce qu’il se prive des plaisirs même légitimes et permis, pour venger en lui ses joies déréglées, et ses plaisirs criminels. […] Et si jusqu’ici nous avons eu tant de peine à conserver un peu de pudeur, de modestie et de retenue, par des exercices honnêtes ; comment sera-t-il possible de le faire dorénavant parmi tant de pièges dont ces vertus seront attaquées ?
Le Sauveur du monde les a déchargées des preuves auxquelles les maris avaient droit dans le Judaïsme, contre celles qui n’avaient pas conservé pour le mariage leur cœur tout entier et leur premier amour : Et ce défaut de sagesse aussi bien que de justice envers un mari qu’on avait trompé en l’épousant, n’était pas seulement un empêchement dirimanta du mariage ; il était même puni de mort, conformément à la loi qui condamnait ces jeunes et secrètes pécheresses à être lapidées. […] Non, je ne l’avais pas ouï dire depuis ces deux détestables filles qui y réussirent ; avec cette différence, qu’elles y conservèrent leur raison en y perdant la pudeur ; et que celles dont nous parlons y perdant ordinairement la raison, ne sont plus en état d’y conserver la pudeur. […] Premièrement, puisque la grâce de Jésus-Christ, laquelle suppléait abondamment à la rigueur des lois de Moïse pour conserver dans ce Sexe l’honnêteté des mœurs, est maintenant si violemment contredite, et combattue par une conduite libertine ; Je voudrais sans en revenir à toute la sévérité Judaïque contre les filles et les femmes, que l’on fît trois ou quatre règlements bien appuyés de l’autorité Episcopale, et bien déclarés aux personnes intéressées.
L’amour de Cléante et de Marianne peut être conservé tel qu’il est dans Molière, en tâchant seulement de le rendre encore plus pure et plus innocent. […] Avec les corrections que je propose, ou de semblables et surtout de meilleures que tout autre pourrait imaginer, je crois que la Comédie de l’Avare peut être conservée pour le Théâtre de la Réformation. […] Racine, avec tout l’art dont il était capable, a tourné ces deux passions en ridicule ; en forte que depuis Molière, j’ai peine à croire que le vrai style de la Comédie se soit conservé nulle part aussi bien que dans la Comédie des Plaideurs.