Ils m’apprendroient que d’abandonner ces spectacles et ces assemblées, dans les premiers siecles de l’Eglise, c’étoit une marque de religion, mais une marque authentique ; et qu’en particulier ils ne blâmoient pas seulement le théatre parce que de leur temps il servoit à l’idolâtrie et à la superstition, mais parce que c’étoit une école d’impureté. […] Mais vous le sçavez : prédicateurs dans la chaire, directeurs dans le tribunal de la pénitence, docteurs dans les écoles, pasteurs des ames, ministres des autels, tiennent tous encore le même langage, et se trouvent appuyés de tout ce que l’Eglise a de vrais enfants et de vrais fideles.
La volupté étoit presque le seul arbitre qu’on consulta sur l’usage qu’on devoit faire de l’une & de l’autre ; & le Théatre devint une école de toutes sortes de vices, d’autant plus dangereuse qu’en perfectionnant l’imitation, l’on s’étoit mis en état d’y peindre ces mêmes vices des couleurs les plus vives & les plus capables de porter la contagion dans les cœurs. […] Les écoles de Pylade & de Bathyle, dit Séneque, subsistent toujours, conduites par leurs éleves, dont la succession n’a pas été interrompue. […] Cette passion des Romains pour les Pantomimes devint même si indécente, que dès le commencement du regne de Tibere, le Sénat fut obligé de rendre un décret pour défendre aux Sénateurs de fréquenter les écoles des Pantomimes, & aux Chevaliers de leur faire cortege en public17.
Les Maîtres & Maîtresses d’Ecoles dans le mêmes principes n’en parlent guere, on ignore jusqu’au nom de Catéchisme & on le méprise ; à peine, dit-on aux Eléves, qu’il y a un Dieu.
On s’amuse à recopier le Petit-maître, sur lequel tous les traits du ridicule sont épuisés, & dont la peinture n’est plus qu’une école pour les Jeunes-gens qui ont quelque disposition à le devenir : cependant on laisse en paix l’Intriguante, le Bas-orgueilleux, le Prôneur-de-lui-même, & une infinité d’autres dont le monde est rempli : il est vrai qu’il ne faut pas moins de courage que de talent pour toucher à ces caractères ; & les Auteurs du Faux-Sincère & du Glorieux ont eu besoin de l’un & de l’autre : mais aussi ce n’est pas sans effort qu’on peut marcher sur les pas de l’intrépide Auteur du Tartufe.
Ils appellent ces assemblées des écoles et des sources publiques d’impureté ; ils les décrient comme des fêtes du diable ; ils obligent ceux qui y ont assisté à se purifier par la pénitence avant que d’entrer dans l’Eglise ; enfin ils font des peintures si tristes et si horribles de l'état où l’on se trouve au sortir de ces divertissements, qu’on ne les peut voir sans frémir, et sans s’étonner de l’effroyable aveuglement des hommes, à qui les plus grands crimes ne font horreur, que quand ils ne sont plus communs, et qui non seulement cessent d’en être choqués, mais souvent même les font passer pour des actions innocentes.
Mais que trouvez-vous au Théatre, qu’une école d’intemperance, qu’une académie de dissolution, que des moyens surs de vous perdre, que les préparatifs à toute sorte de déreglements. […] Le monde ne se rend pourtant pas, & il soûtient au contraire, que le Théatre que l’on blâme si fort, est une école de vertu.
La petite farce l’Assemblée, n’est rien moins qu’une nouveauté, ce n’est qu’une foible imitation de la critique de l’Ecole des Femmes, & de quelqu’autres divertissemens, où les comédiens se jouent eux-mêmes ; bien des poëtes en ont fait, c’est un dessein trivial ; le théatre représente la salle d’assemblée où les comédiens tiennent leurs assises, pour juger les piéces qu’on leur présente. […] Les écoles de l’Université embarrassées de bancs & de chaises, ne permettent pas de déployer la majesté du sénat scholastique ; on eut recours aux Cordeliers, autrefois Observantins, aujourd’hui Conventuels ; on se rendit dans leur grande Eglise pour tenir ce religieux Chapitre, auquel Saint François n’avoit pas pensé.
Cette expression ne prouve rien pour l’Acteur, il seroit ridicule de penser qu’il fût possible que l’héritier présomptif d’une couronne n’eût d’autre exercice que l’emploi de Comédien ; mais avec quels applaudissemens, avec quelle satisfaction, avec quels transports de joie les spectateurs verroient des jeunes élèves de l’Ecole Militaire & de S. […] Le produit excédant de beaucoup les frais du Spectacle, le surplus alors pourroit être employé au soulagement du malheureux contribuable des campagnes, & à l’extinction de la dette nationale, tandis que d’un autre côté, les pièces ramenées à la pureté de l’ancien Théâtre des Grecs, & la comédie devenue réellement l’école du monde, l’amour, peint alors avec les traits du plus pur sentiment, remettroit en honneur le mariage un peu déchu de son ancienne considération : & c’est ainsi que l’exécution de ce projet serviroit au bien & à l’avantage général de la Nation.
Marseille fut autrefois célebre par la sévérité de ses mœurs, & singuliérement par l’éloignement du théatre, qu’elle a pendant plusieurs siécles réfusé de recevoir, malgré la fureur qu’avoient pour lui, les Grecs d’où elle tiroit son origine, & les Romains qui étoit devenus ses maîtres, parce qu’elle le régardoit comme l’école du vice, funeste sur-tout à la jeunesse, à laquelle ses loix l’avoient absolument interdit.