106 Il commence par des éclaircissemens sur les trois genres de Drames principalement en usage sur nos Théâtres, & l’on renvoie aux Notes [B] 379, [C] 390, [D] 398, [E] 399, [F] 407. […] 123 On parle dans le Préambule, 1. des qualités constitutives d’un Drame utile. […] De la vraisemblance extérieure du Drame, ou des Modelemens. […] De cinq degrés de vraisemblance pour le fond du Drame. […] Ce mot a deux aceptions différentes dans les Auteurs : il signifie ordinairement un Dramatiste ; mais il designe encore l’auteur d’un Ouvrage sur les drames & sur les acteurs : c’est le sens qu’il prend ici.
On trouvera que j’ai eu tort de mêler ce qui concerne la Comédie chantante, ou Opéra-Bouffon, avec les règles des différens Drames : on dira que j’aurais mieux fait de traiter à part ce nouveau genre de Poème. […] Le dessein que je me propose est découvert au commencement de mon Ouvrage ; je dirai seulement ici, que je serais charmé d’avoir écrit en abrégé tout ce qui concerne les différens Spectacles ; & d’avoir prouvé que la Comédie-mêlée d’Ariettes est susceptible de toutes les règles, puisqu’on l’appelle un Drame. […] Le Spectacle moderne me fournit tout ce que je pouvais désirer pour rendre mon Ouvrage singulier, & pour faire des remarques sur le Drame, sans répéter tout-à-fait ce que les autres ont dit. […] On a donc tort de composer des Drames qui s’écartent des principes reçus, puisque ces principes sont fondés sur ce qu’éprouvent les hommes.
or, s’il est prouvé, que nos Drames ne peignent que des chimères, quelle sera leur utilité ? […] Mais comme l’a pressenti monsieur Des Arcis, l’amour, dans les Drames Tragiques ou Comiques, n’est point contraire aux mœurs parmi nous. […] Le plus grand nombre de nos Drames Comiques déposerait le contraire. […] Le reste de cet Article est vrai : mais le poids de la critique ne tombe que sur les Drames que le Projet propose de rejetter ou de corriger. […] Mais où Eschyle puisa-t-il l’idée du Drame tragique ?
C’est pourquoi le plaisir qu’on éprouve à quelques uns de ses Drames, nous remplit de cette douceur délicieuse qu’on ressent à con templer des objets réels, qui nous occupent & nous attachent. […] Les contes avec lesquels on berce les enfans sont moins incroyables que les Épisodes & souvent le sujet de ses Drames ; les Diables y dansent, les Dieux y radotent. […] On croit voir & entendre l’Ouvrier, le Manœuvre, qu’ils placent dans leurs Drames.
L’imagination la plus bornée n’est-elle pas révoltée à la vue des disparates continuelles de ces drames ? […] Durozoi a joint à son drame une dissertation sur le drame lyrique, dédiée au Docteur D…., & une épître dédicatoire aux Mânes de son Amie : dédicace lugubre & fort peu intéressante. […] Ce petit drame est suivi d’un Traité sur l’art, selon l’auteur, nouveau de faire des proverbes. […] La vie de ce Prince pleine de galanteries & d’aventures, de déguisemens, de plaisanteries, peut fournir la matiere de vingt drames. […] Je ne veux arracher aucun fleuron de la couronne qu’ont obtenu les drames de Henri IV : voici un trait des plus glorieux.
Que les nouveaux Drames sont susceptibles de règles, ainsi que les autres Poèmes. […] S’il est démontré que les Drames modernes sont remplis de difficultés, il est clair qu’ils éxigent des règles, un art inconnu du vulgaire qu’on ne peut se dispenser d’apprendre ; faut-il donner la torture à son esprit pour tirer cette conséquence ?
Les uns n’ont que le dernier rang dans un Drame, & les autres en sont ordinairement les principaux personnages ; mais c’est une nouvelle découverte de l’esprit humain : on peut aussi bien rire des plaisanteries d’un savetier, que des ruses & des souplesses d’un valet intelligent. […] Je remarquerai pourtant qu’il est nécessaire de bien écrire un Drame au risque de n’être pas entendu pendant la représentation, ainsi que je le prouverai ailleurs. […] « Une pièce de Théâtre, dit Aristote, doit pour être bonne remporter les suffrages des savans & des ignorans6. » Les Drames du Spectacle dont je parle, ont le bonheur de satisfaire à ces conditions. […] On commence, il est vrai, à jetter dans les Drames du nouveau Théâtre des personnages relevés. […] Les Grecs & les Latins, il est vrai, ne donnaient guères à leurs Drames des titres plus relevés.
« Ce fut encore plus par l’habileté des acteurs que par le mérite des drames que le théâtre des Romains attirait tant de spectateurs. Quintilien dit que les comédiens embellissaient les pièces des plus mauvais poètes avec tant de succès, que celles qu’on n’aurait pas voulu placer dans une bibliothèque étaient jouées avec applaudissementsat. » Il n’est en effet point de drames, quelque parfaits qu’ils puissent être, qui ne soient dépendants du jeu des acteurs.
S’il affirme à la lettre ce que ces paroles éxpriment, il est facile de montrer son erreur en nommant après la Comédie & la Tragédie, la Pastorale & l’Opéra-Sérieux, Drames qu’il devait connaître. […] Le stile en est bas, les plaisanteries populaires, & l’action serrée & peu importante ; c’est un Drame singulier qui nous plait d’avantage dès qu’il se rend plus ridicule. […] Il résulte de tout ceci qu’Opéra-Bouffon veut dire un Spectacle de choses communes, de pures frivolités ; une éspèce de Drame où l’esprit ne se montre guères, où l’oreille seule est enchantée par les sons de la Musique ; & enfin un lieu dans lequel s’assemblent en foule des Spectateurs plus avides de nouveautès passagères que du sublime & du vrai beau ; & plus curieux d’images basses & populaires que d’un Tableau noble & d’une vaste étendue. »** Quoique St Evremont n’en ait point voulu parler, il semble pourtant le définir assez, tel qu’il parait au prémier coup-d’œil, dans ce qu’il écrit au sujet de l’Opéra Sérieux.
Au spectacle d’un beau drame, le sentiment s’éveille, digére pour ainsi dire, & met dans la balance du goût, les traits qui le frappent. […] En augmentant le nombre des bons Drames, on forme des grands Poétes. […] Nous ne donnons point les loix du Drame, mais les accessoires qui nuisent à ses progrès.
& Sully, Drame en 4 Actes, en Prose, disoit à la tête de cet Ouvrage dans son Avertissement. […] Néanmoins le tripot Comique a le droit, quoique mal acquis, d’accepter ou de refuser les Drames ; & l’Homme de Lettres ressemble à un Vassal de Fief qui va faire foi & hommage à son Seigneur suzerain. […] Après avoir démontré tous les risques qu’il y a de charger un Comédien d’examiner votre Drame, pour savoir s’il est digne d’être lû à l’assemblée générale, cet Auteur profond dit : « C’est dans ses mains, que votre sort est remis ; il peut à son gré vous fermer ou vous ouvrir les premieres avenues du Temple de Mémoire : reste à savoir s’il est assez éclairé pour juger de l’effet que la Piéce peut produire au Théâtre, si elle est dans le genre qu’il aime, &c. » Et plus bas il ajoute. […] Voici donc ce qu’on lit dans son Discours préliminaire des deux Reines, Drame en quatre actes, en prose, belle édition avec gravures, 1769.
On cite encore tous les jours les drames des grecs comme des chefs-d’œuvres qui doivent servir de modele. […] L’Académie, qui ne parut pas, auroit pu composer le drame : elle en laissa la gloire aux comédiens. […] Ici un portrait est l’objet unique, l’intrigue, le dénoument & toute la piece : c’est peut-être la premiere fois qu’on a fait une pareille entrée & un pareil drame. […] Voici la distribution de ce drame singulier en cinq actes. 1°. […] Ce drame national réussit dans sa nouveauté.
Il est si vrai que le Compositeur doit chercher à peindre dans ses accompagnemens, aussi-bien que dans les paroles du chant, qu’on veut que le morceau de musique par lequel il est d’usage de précéder les Pièces chantantes en tout genre, & qu’on appelle Ouverture, soit un tableau de ce qui doit se passer dans le cours du Drame. […] Ce ne fut qu’insensiblement qu’on lui désira une analogie entière avec le Drame qu’elle précède.
J’essaierai de résoudre une question aussi grave, aussi éminemment morale et politique, en invoquant l’autorité des faits accomplis, et en présentant, avec l’action du drame sur les mœurs, la réaction des mœurs sur les compositions dramatiques. […] Ainsi donc, l’objet du drame aujourd’hui n’est pas de peindre les mœurs, ni de les épurer, mais d’en exagérer la perversité au point que le plus grand scélérat sortant du spectacle serait content de lui. […] Les deux grandes figures de ce drame sont Marguerite et Buridan, son premier amant. […] » Nos auteurs en s’écartant d’une route suivie par nos grands maîtres, s’éloignent aussi de l’objet du drame, qui ne doit être qu’une école de civilisation. […] L’accueil fait à ce vaudeville, et à tous nos drames modernes, constatant l’influence expansive de la scène sur les sensations du spectateur, il ne reste plus qu’à rechercher l’effet qu’elle peut produire sur les mœurs.
Cet ouvrage contiendra donc tout ce qu’on peut dire de plus important sur chaque espèce de Drames ; il donnera aussi une idée de l’art que chaque Peuple éxige de ses Auteurs Dramatiques. […] La Musique est devenue de nos jours une partie éssentielle du Drame.
Les Drames des Théâtres ordinaires n’ont besoin que des talens d’un seul Auteur ; la plus-part n’enrichissent la République des Lettres que d’un seul homme de génie. […] Les Drames de notre Opéra jouiront d’un pareil destin.
Les ouvrages d’un homme si respectable, paraitront les archives de l’hôtel, & quoique les drames ingénieux de ce jeune viellard ne soient pas des chefs d’œuvres son suffrage & son exemple sera cité par les apologistes du théatre. Quoique nous ayons déjà parlé de son théatre françoit, la célébrité de cet Auteur nous sera pardonner quelque répétition : c’est une suite de dialogues sur l’histoire de France, qu’il appelle drames, parce que les acteurs du tems, c’est-à-dire, ceux qui ont part aux événemens en sont les interlocuteurs : on peut traiter de même toutes les histoires, faire de tout l’univers un théatre, de tous les siecles une comédie ; ce seroit une bibliotheque théatrale, immense, dans cette suite de conversations appellées des scenes, sans observer aucune unité de tems & de lieux ; mais seulement d’action ; tout ce qui eut part aux affaires passe en revue, ses drames doivent être d’une longueur fort inégale, puisqu’elle dépend de l’importance & de la durée des événemens. […] Ces drames historiques seroient plus faciles que les drames réguliers, où l’on doit former un plan, nouer une intrigue, lier & filer les scénes, ménager un dénouement, inventer, nuancer, soutenir, contracter des caractères que l’histoire leur donne, & les circonstances où elle les place, comme l’ont fait dans leurs dialogues des morts, Lucien, Fenelon, Fontenelle. […] Un tel Drame ne seroit-il pas siflé ? […] Ils étoient vainqueurs, & plusieurs des spectateurs avoient eu part à la victoire, & voilà précisément ce qui faisoit la fortune de ces Drames si imparfaits.
On a tâché sous ce masque de désigner les Prêtres catholiques ; tels sont les drames d’Ericis, d’Eugenie, de Cominge, les Guebres, &c. […] On disoit de lui deux mois après l’impression de son théatre, comme on le disoit à la représentation de ses Drames, & on en a fait son épitaphe. […] Quelles leçons pour nos Abbés comédiens, qui ne rougissent pas d’allier l’Autel & les coulisses, reçoivent de la même main le patrimoine des pauvres & la portion d’une representation de leurs Drames ! […] Calderon fut un Poëte Dramatique inépuisable, il étoit si fécond, que, quoiqu’il n’ait travaillé qu’assez tard, il a rempli de ses Drames neuf gros Volumes in-4°, & autant qu’on n’a pas jugé digne de l’impression ; il avoit servi avec distinction ; Philippe IV l’aimoit & lui donna ce Canonicat. […] Garik imagina une piece singuliere en fragment, composée des lambeaux de chacun des Drames de son héros ; Tragédie ou Comédie, il en détacha les Scènes les plus intéressantes, le principal personnage, & les autres Acteurs habillés comme l’exigeoit leur rôle, le représenterent ; la décoration changea de même à chacune.
Les comédiens s’étant arrogés le droit de prononcer sur le drame avant qu’on le représente ; & dans leurs assemblées particuliéres décident souverainement de son sort : ces Iuges sont peu integres & peu éclairés. […] C’étoient à Athènes & à Rome des juges préposés pour décider de la bonté des drames qu’on y proposoit, les rejetter ou les admettre. […] Un Auteur fait fort bien de lire sa piéce à quelque Lecteur habile qui peut lui donner de bons conseils ; mais l’établissement d’un Tribunal en forme, des séances réglées, la nécessité d’y faire examiner les piéces, l’impossibilité de la faire jouer, si elles ne leur plaisent, la souveraineté de la décision sur le mérite du drame, c’est le comble du ridicule & de l’injustice. […] Ce n’est pas tout-à-fait aux auteurs qu’il faut s’en prendre, si l’amour doit jouer le grand rôle dans tous nos drames.
Quand un Comédien s’en fait honneur, ou il se borne à l’art de la représentation, c’est-à-dire, à tout ce qui convient à soi-même, ou à la scène, pour bien imiter ses personnages ; ou il entend par là, l’art du Drame, qui lui-même comprend la critique. […] Le flambeau de l’usage ne peut découvrir les ressorts du Drame. […] Un Drame n’est fait que pour le cœur.
On l’a mis en drame, on en a fait des suites de tapisseries, de tableaux, d’estampes. […] C’est une longue comédie : on n’a qu’à la partager en actes & en scènes, & supprimer les liaisons, on auroit sans peine vingt drames tout faits. […] 44, une critique judicieuse des drames espagnols, qui ne tombe pas moins sur les pieces françoises ; où, selon les brochures innombrables qui tous les jours innondent les théatres de Paris, se trouvent les mêmes défauts & de plus grands qu’à celui de Madrid, l’auteur se jette sur la morale, & dit : L’aversion que j’ai pour les comédies de notre temps, n’est pas moindre que celle que j’ai toujours eu pour les livres de chevalerie.
Son sentiment sur les Drames appellés Saints, 386. […] Ses réflexions sur le jugement des drames proposés aux Comédiens, 492. […] Son sentiment sur l’objet moral de nos Drames comiques, 423. […] Il en résulte que le Drame que M. […] Son sentiment sur le caractere dominant de nos Drames, b, 330.
L’histoire de France lui a fait voir plusieurs évenemens tragiques & comiques qui peuvent fournir la matiere d’un drame régulier. […] Vouloir mettre l’histoire en drame ; c’est vouloir mettre toutes nos provinces en jardins. […] Jamais Drame régulier n’a fait agir vingt-trois Acteurs : Nec quarta loqui persona laboret. […] Ce ne sont pas de vrais Drames, pourquoi donc leur en donner le nom ? […] Ce drame a peu de variété ; ce n’est qu’une idée, un sentiment, très-beau à la vérité, mais répété à tout moment.
N ous avons dit que la Poësie de style ne fait pas seule le mérite du drame, mais sans l’en exclure ; elle lui sert au contraire d’un merveilleux accompagnement. […] On a peu de paroles, quand on a beaucoup d’idées : au Théâtre parler, c’est agir ; & quoi qu’il y ait peu d’actions réelles dans un drame, tout y est action, parce que tout ce qu’y disent les personnages, exprime leur action.
Gesner, apparemment peu instruit, prend son pöeme pour un drame : en effet, ce n’est qu’une suite de conversation, qu’il promene dans la campagne, entre six personnes dont le verbiage ne finit point. […] Ces drames présentent l’Histoire sainte par les endroits les plus saillans (en font des romans). […] Il avance de bonne foi qu’un poëte médiocre pourroit, par des pareils ouvrages, plutôt nuire à la Religion de la servir : cet aveu suffit pour proscrire ces sortes de drames. […] Le reste des ouvrages de Gesner sont de longues idilles, qu’il appelle drames, parce qu’elles sont coupées en actes, en scènes, & des petits drames, qu’il appelle encore idilles, qui tous ne sont aussi que des conversations entre des bergers & des bergeres : il auroit dû les nommer Eglogues. […] Il n’est pas surprenant qu’on y ait puisé cent sujets de drames pour tous les Théatres.
Ne seroit-il pas de l’intérêt de l’état, du public & des mœurs, qu’a la place des pieces des boulevards, a plupart obscenes & mauvaises ; on y jouât des drames decens & instructifs ? […] Malgré la liberté qui regne dans les Opéra-comiques, ils sont moins dangereux que les drames dont l’intrigue & le dénouement ne sont pas d’un trop bon exemple, on s’y porte pourtant en foule, & nos prudes n’ont ni assez d’yeux, ni assez d’oreilles pour Isabelle & Gertrude. […] Ses drames sont ennuyeux. […] Heureux si un sincere repentir lui a obtenu le pardon de tous les drames & frivoles poésies dont le juste Juge, malgré leur célébrité, puniroit éternellement le scandale. […] Il fait voir d’ailleurs, par ces trois drames, qu’il entend le Théatre mieux qu’Hypocrate : ce qu’aucun Medecin ne lui conteste.
Epigène ayant le premier fait jouer un drame dont le sujet était étranger à Bacchus, les spectateurs s’écrièrent : « Il n’y a rien là qui regarde Bacchus » : ce qui devint dans la suite un proverbe que l’on appliquait à ceux qui ne traitaient pas la matière qu’ils devaient traiter. […] Le chef de cette troupe s’appelait le Prince des sots, et leurs drames étaient intitulés la sottise. […] Les comédies de Molière, né en 1620 ; les drames de Racine, né en 1659 ; de Régnard, né en 1647, et de Voltaire, né en 1694 ; les représentations lyriques de Lully, né en 1633, et de Quinault, né en 1635 ; enfin, la gaîté de la comédie italienne augmentèrent la séduction des partisans des théâtres.
Nougaret, la vue des actrices, les femmes qui remplissent les loges, tout porte assez à l’amour, sans qu’il soit nécessaire de composer des drames dont l’intrigue agréable & galante, le style léger & délicat nous invitent à nous livrer à cette passion. Je fais une remarque : je suis un des premiers Poëtes qui en parlant des drames, ait averti d’en bannir la licence. […] Tout dans les drames de ce Théatre conspire à faire rougir la pudeur : le sujet est contre la décence. […] L’objet de la plupart des drames même les plus estimés, n’est-il pas de nous peindre sans cesse des intrigues amoureuses, des vices que l’on s’efforce de rendre aimables, des désordres faits pour séduire la jeunesse inconsidérée, des fourberies capables de suggérer les moyens de mal faire ? […] Quelles impressions peuvent faire sur le cœur novice & tendre d’une jeune fille les exemples séducteurs que lui montrent tant de drames, à la représentation desquels ses parens ont eux-mêmes la folie de la conduire ?
La Pastorale & la Parodie lui conviennent mieux qu’aux autres Théâtres : observations particulières sur tous ce qui concerne le genre de ces deux espèces de Drames.
Des Arcis continue de lire] : Comédie-Ariette : Opéra-comique ; Drames d’un genre mixte, qui tiennent de la Comédie & de l’Opéra ; mais qui n’ont ni le naturel de la première, ni le merveilleux du second. Leur but est (ou devrait être) la Satyre des mœurs, des usages ridicules ou des modes extravagantes : ils peuvent embrasser la Parodie, la critique des Drames de tous les genres, les intrigues populaires & bourgeoises, l’allégorie, la Pastorale, même le Comique-Larmoyant, & la Tragédie, si l’on voulait ; enfin célébrer les événemens du jour. […] Ajoûtons que le Vaudeville étant né en France, un Spectacle animé par lui seul doit nous plaire, dès que les Drames seront faits avec intelligence.
Ils ne seront pas Citoyens : ce seront des hommes & des femmes destinés à nous donner les plaisirs de l’imitation de la nature : ce seront des Esclaves publics, qui mettront en action, l’ouvrage d’un homme libre, d’un Citoyen distingué : on ne verra plus que l’Auteur dans le Drame ; la vileté de l’Acteur & de l’Actrice ne préjudicieront en rien à la sublimité des maximes, au pathétique des situations, à la grandeur des Héros, à la noblesse de l’ensemble ; parce que l’Acteur disparaîtra. […] Ainsi, après les Etudes ordinaires, il y aura tous les jours trois heures destinées à celle des Drames Comiques, Tragiques & Lyriques, & l’un des Acteurs-Régens & une des Actrices, se rendront au Collége pour faire répéter. […] Sarrazin, 1729 : les Rôles de Vieillard dans le Tragique, dans le Haut-comique & les Drames du genre moderne. […] LEKAIN, début en 1751 : excellent Tragédien : on trouve qu’il joue ses rôles parfaitement dans les mêmes apercevances, que l’Auteur doit avoir eues en composant le Drame. […] Cet excellent Acteur rend supérieurement quelques rôles de fripon : mais dans ceux d’honnête bonhommie des Drames nouveaux, on sent qu’il joue d’après son cœur, & les larmes qu’il fait verser sont délicieuses.
La Miladi théologienne, qui trouve dans Shakespear un traité complet de morale, prétend avec raison que l’exemple fait plus d’impression que les préceptes, & qu’un drame offre l’un & l’autre (& même étaie l’un par l’autre). […] Le drame des bâillemens eut les mêmes scènes. […] Deux objets donnoient un air comique à ce drame cruel : d’un côté sur le théatre, un homme sérieux, sombre, refrogné, chagrin de n’être point un des acteurs, jugeant de leurs coups, & croyant bien les valoir. […] Ce sont les drames qui roulent sur des enchantemens, des Magiciens, des Fées, des Génies, des Sylphes, Salamandres, &c. à l’occasion d’une comédie du grand Shakespear, intitulée l’Isle enchantée, mise depuis en meilleure forme par le poëte Driden. […] L’auteur par des jeux de mots se moque des poẽtes comiques : leurs drames sont si froids que les feuilles de leurs livres découpées en flocons, servent de monceaux de neige.
Peu après se formerent les regles, & l’on vit éclorre l’art de la composition des drames. […] L’Europe savante y applaudira, l’Europe ignorante en cueillira les fruits dans les drames admirables que les regles de Moliere vont produire. […] Mais dans ces nouveaux drames il n’y aura point les trois unités. […] Mais ces drames sont dépourvus de galanteries ; quel rôle réserve-t-on aux Divinités des coulisses ? […] Les aventures de chacun de ces romans mis en drames feroient vingt fois plus que toutes les œuvres de Moliere.
Or quelle sera celle d’un Drame fait pour un Acteur ? […] J’ai dit qui sembloit en repos : car un connoisseur n’a pas besoin du secours du Comédien pour voir agir les personnages d’un Drame.
D’ailleurs ; des détails sur tous les genres de Drame, sur la Comédie, la Tragédie, l’Opéra, la Comédie-Ariette, la Parade, la Parodie, les Ballets, eussent trop retardé la marche du Projet de Réformation.
Si les drames sont des imitations, on y doit montrer dans tous les accessoires, la plus parfaite ressemblance qu’il est possible. […] Si on peut s’écarter de la vraisemblance en ce point, on le pourra en mille autres, & les drames ne se ressembleront plus à eux-mêmes.
L’épidémie des drames , dit le Journal de Trévoux, février 1775, a gagné l’Allemagne. […] Le sieur Diderot, malheureux sur la scène françoise, où il a donné des drames qui ne sont pas, dit-on, à la Moliere, est allé se consoler à Petersbourg. […] Voltaire convient des défauts de ses drames, quoique la plupart meilleurs que ceux de nos jours : mais cet aveu, qui lui a coûté, il ne le fait qu’aux dépens des amateurs. […] Le poëte Jonson composoit les drames, Jones étoit chargé des décorations, un autre de la musique. […] Elle est prise d’un conte de Marmontel mis en drame, &, ce qui ajoute bien à la farce, un conseiller au parlement de…….. l’a composée, l’a fait jouer & imprimer.
Cent fois brouillés & raccommodés, l’insultant & lui demandoit pardon à genoux, comme Georges Dandin dont il étoit l’original, ne pouvant vivre, ni sans elle, ni avec elle, il composa & joua d’après nature une partie de ses drames. […] Le Théatre grec & romain l’étoit beaucoup moins ; les expressions qu’on s’y permettoit quelquefois étoient plus grossierement licencieuses ; leur religion, leur langage, leurs mœurs ne connoissoient pas les bornes que la politesse françoise ne permet pas de franchir : mais ce n’étoit que des momens de brutalité ; le fonds de leurs scènes, le cours de leurs drames, leur esprit, leur langage, à travers ses saillies de vice, étoient moins pêtris de corruption que le Théatre françois, qui ne respire autre chose. […] Il s’introduit une mode inconnue à tous les autres Théatres, de mutiler les pieces, d’en rassembler les membres épars, pour en faire un drame nouveau composé de pieces rapportées, de les dénaturer même, & de transporter d’un genre à l’autre, des tragédies de Corneile & de Racine en faire des opéras. […] Mercier, pour lui faire honneur, & se réconcilier avec les comédiens, en célébrant leur père, a exposé ses turpitudes sur le Théatre François, en traduisant la comédie-satyre de Goldoni & Moliere, & même y ajoutant & changeant des scènes, sous le titre de Moliere, drame en cinq actes, imité de Goldoni, par M. […] Le Journaliste ajoute qu’il y auroit bien de critiques à faire de ce drame, il en fait quelqu’une, en insinue d’autres, & il termine tout par l’excuse ordinaire, qu’ un plus grand détail excéderoit les bornes d’un Journal .
Et je ne sais quelle des deux actrices joue le mieux, quelle des deux piéces est la plus mauvaise ; la coquetterie ou le drame, le langage des yeux ou celui des personnages ; quel des deux rouges est le plus vif, quelle attitude est la plus indécente, & des conversations la plus licentieuse.
Quinault a prouvé depuis long — tems l’énergie & la légèreté dont elle est susceptible ; ses Drames sont aussi lyriques que ceux des Italiens. […] Il est singulier qu’un Italien ait mis avec beaucoup de succès plusieurs de nos Drames en musique, & que des Français s’éfforcent ensuite de soutenir que leur Langue n’est susceptible d’aucune harmonie ; ils veulent encore qu’il n’y ait que la musique Italienne de passable, sans considérer que c’est directement des Italiens qu’ils tirent la leur. […] On peut comparer notre chant gracieux, enjoué, aux morceaux lyriques les plus fameux qui sont répandus dans les Drames bouffons de nos Rivaux. […] Il serait trop long de citer d’autres Drames.
On doit présumer que ce drame répondoit au mauvais goût du douzieme siecle. […] Le Chef de cette troupe s’appelloit le Prince des Sots, & leurs drames étoient intitulés, la Sottise. […] Aussi ne faut-il comparer les drames modernes avec les anciens, que pour le style & la construction artificielle. […] Mais, quant à l’intérêt du Drame & aux ressorts employés, il n’y a plus de comparaison à faire ; ou si on la fait, on reconnoît que nous avons rendu l’Art dramatique encore plus nuisible, en ne le réduisant qu’à des Scenes amoureuses. […] Nos Drames ne pourroient tout au plus être comparés qu’avec ceux du plus mauvais âge de l’antiquité, c’est-à-dire avec ceux où, comme de notre temps on ne cherchoit qu’à flatter les sens des Spectateurs, qu’à amollir l’ame, & qu’à corrompre les mœurs.
Il pouvoit ajouter Dom Quichote de la Manche, le meilleur des romans, qu’on a mis tout en drames. […] Ne pourrons-nous pas travailler sur leurs drames nos manufactures de théatre ? […] Plusieurs célebres anglois, Grai, Pope, Venburton, avoient donné des observations sur des drames de Shakespear, personne n’avoit embrassé tout son théatre ; un allemand vient de faire pour lui ce que Voltaire a fait pour Corneille, une nouvelle édition de ses œuvres, avec un commentaire perpétuel, dix fois plus long que le texte, tels qu’étoient autrefois ceux de Saumaise, de Scaliger, de Lambin, sur les anciens auteurs, où le texte étoit noyé. […] Dans ce drame italien il n’y a que le rôle de Biblis qui soit bien rendu, tous les autres, même celui de Caunus, sont froids, sans élévation, sans pathétique. […] Le bon Cardinal vouloit paroître savoir tout, & ne connoissoit que la politique, surtout en poésie, où ses vers sont pitoyables, ses drames méprisés.
Les piéces de Destouches n’étant la plûpart que des avantures réelles mises en drames, & non des inventions de génie, il en est plein, parle de l’abondance du cœur, & devient froid. […] Il n’est rien moins que créateur, tout est jetté dans le même moule, il se repette sans cesse, & à peu de chose près, tous ses drames ne sont qu’un drame. […] Tous les auteurs, tous les drames ne sont pas également repréhensibles ; mais dans le spectacle public l’assemblage de ce qu’on y voit & qu’on y entend, la compagnie, les objets, les exemples, font un très-grand danger pour les mœurs dans les pieces même les plus châtiées ; à plus forte raison dans les autres, qui font incomparablement le plus grand nombre.
Outre que la représentation, pour nous renfermer dans le Théatre, en mettant sous les yeux tous les ressorts, toutes les machines d’un Drame, affecte plus distinctement que la lecture ; il nous semble que le public est, dans son état naturel, éclairé par un guide plus fidéle que celui des Gens de Lettres. […] Que seroit-ce, si cette multitude de Livres, qui traitent des principes du Drame, tomboit entre les mains du public ?
De pareilles Scènes jettent beaucoup de confusion & de désordre dans le Drame ; il est aisé de perdre le fil du dialogue ; & un mot mal entendu, mal-compris, fait souvent un mauvais éffet.
Ils se plaisent & réussissent à représenter des drames à leur maniere sur des théatres particuliers qu’ils dressent promptement, & sans beaucoup d’appareil, dans leurs maisons. […] Sophocle, Euripide, Aristophane, Plaute, Térence, Sakespear, &c. n’ont fait que des drames. […] On ne réussit pas même dans tous les genres de drames. […] Ainsi consume-t-on au théatre son temps, son argent, son devoir, son honneur, la conscience, pour n’en tirer que de la fumée. 2.° Que les anciennes représentations des Mysteres & des Martyres valloient mieux que nos drames. […] A en juger par notre bel esprit, nos drames ont plus d’attraits, souvent des tirades indécentes, impies, scandaleuses, quelquefois la piece entiere, des maximes hardies qui attaquent le Trône & l’Autel ; des termes licentieux, équivoques, qui corrompent les mœurs, mais que la dépravation du siecle applaudit.
Les Farces qu’elles représentaient jadis, & celles de nos jours, ont une grande analogie avec les Drames de notre Théâtre. […] Il est du moins certain que Molière lui-même travailla, sûrement sans y penser, dans le goût des Drames qui sont l’objet de notre estime.
Ces trois Acteurs convenoient que pour sauver leur art, il falloit, réformer & les Drames & ceux qui les représentent. […] Il parle de l’abus des Drames appellés Mysteres, & de ces Farces, où en personnifiant des êtres métaphysiques, on mettoit des principes de morale en action. […] Tous ses Drames respirent l’obscénité qu’il prétendoit favoriser impunément pour plaire à la multitude. […] C’est une censure appuyée sur l’examen des Drames qui avoient pour lors le plus grand cours. […] sur l’efficacité des maximes amoureuses de nos Drames, & surtout des Opéra de Quinault qu’il protégeoit singuliérement.
Ce débat, épisode fort étrangere à Moliere, seroit trop long dans une piéce de cinq actes, que sera-ce dans un petit drame, dont il tient le quart ? […] Le second drame appellé la Centenaire, quoi qu’assez mal conçu, est mieux entré dans cet esprit, il est plus ingénieux dans le détail, c’est le revers de l’ombre de Moliere que l’auteur a voulu imiter ; celle ci, quoique peu de tems après la mort du poëte, suppose tous ses personnages morts comme lui, pour les avoir tous dans ses enfers, & les fait venir l’un après l’autre au tribunal de Pluton, accuser les critiques de Moliere, & par les réponses & le jugement du tribunal, fait indirectement la justification & l’éloge de l’accusé, ce qu’il fait souvent avec esprit. […] Un Etourdi, un Misantrope, un Avare, un Tartuffe, un faux Savant, un Médecin, un George Dandin, un Bourgeois Gentilhomme passent en revue, tiennent des discours, & font des actions qui les caractérisent, & donnent une idée de la piéce, dont ils sont le sujet ; ils ajoutent même des traits de la façon de l’auteur, souvent assez heureux, ce qui forme un spectacle assez varié ; comme le Facheux, la Femme d’intrigue, & tant d’autres drames à tiroir. […] Veut-on se moquer des Dieux du théatre, en les faisant composer des drames, leur indiquant des sujets, en faisant voir leur indigence ? […] Les Princes y dansoient, on composoit pour eux de mauvais vers, selon le goût courant ; c’étoit une espece de drame représenté, en masque ; Benserade & plusieurs autres s’y sont exercés, & ont été bien payés ; c’étoit toujours quelque galanterie, souvent très-licencieuse.
Lonvai essuya pendant quatre ans tant de difficultés qu’il renonça à la représentation, & fit imprimer son drame, qui fut fort bien reçu. […] Le fonds & le plan de ce drame sont très-communs. […] &c. drames tous faits contre la Religion. […] Natalie, drame en quatre actes, contre le précepte d’Horace, qu’on a refusé, méritoit quelque grace de Nosseigneurs du Thalie. […] Tous les Drames du sieur Mercier respirent la morale la plus honnête & la plus pure.
Il y a peu de drames aussi mal versifiés qu’Inès de Castro. […] On ne la joue cependant plus guère : toute la réputation de l’Auteur n’a pu engager le public à voir ce drame en faveur du style.
Il est singulier que les comédiens ne se soient pas empressés à jouer les Drames de son Altesse. […] On s’est avisé depuis peu de faire un Drame d’une chasse de Henri IV. […] Si quelquefois on représentoit des Drames ; on construisoit pour le moment un théatre, qu’on démolissoit après la Fête ; mais on n’imaginoit pas d’en construire un à demeure, comme le plus bel ornement d’une maison Royale.
Il faut composer un roman pour en faire un drame, le fond en est même opposé à nos mœurs & à nos manieres. […] Velli, en drames, devoit-il choisir un fait si peu honorable aux François ? […] L’un a composé beaucoup de drames, l’autre en a beaucoup représenté ; sur le théatre de Sceaux, à la Cour de la Duchesse du Maine, c’étoit Racine & la Chammêlé, & je ne sai quel de deux vaut mieux dans son genre. […] Depuis qu’il a abandonné le théatre, il a fait vingt drames, personne n’est plus jaloux que lui de ces triomphes vains, dont son cœur n’est plus touché ; je ne sai ce que c’est que les feux de la clarté : la clarté ne frappe que la rue.
Je ne sais s'il a jamais paru sur le théâtre rien de si monstrueux que la tragédie du sieur Arnaud, les Amants malheureux, ou le Comte de Commenges, qu'on prétend donner pour modèle d'un nouveau genre de drame, le sombre pathétique. […] Car que conclure de ce drame impie ? […] Les deux héroïdes ne valent guère mieux : le drame a des beautés, des situations touchantes, de beaux sentiments, de beaux vers. […] L'Auteur du drame ne pouvant s'en dissimuler le scandale et l'absurdité, quoique fort content de lui-même, dit modestement dans sa préface pour s'excuser : « Le génie doit s'élever au-dessus des règles pour produire des beautés.
quel débouché pour leurs drames ! […] Il a paru dans le même temps un nouveau drame, la Dame de charité, la Sœur grise. […] On croyoit avoir rencontré fort heureusement, parce que dans ces drames il est question de procureur, de juge, d’avocat. […] Qu’on ne dise pas que ce sont des folies de jeunesse ; ses drames, son poëme des Saisons, fruits d’un âge mûr, comme il l’avoue, renferment beaucoup de tableaux tracés par un pinceau voluptueux, qui n’est rien moins que dirigé par la saine morale : ce n’est pas le hasard ou quelques saillies qui défigurent ses œuvres par la licence des images. […] Le Journal des Savans, octob. 1776, fait un éloge outré de tous ces drames ou farces : c’est sans doute quelque ami de l’auteur qui a fait cette oraison funebre.
Le Journal des Savans (Août 1770) a prétendu faire l’éloge de Mélanie, & il fait sa condamnation : Le génie de ce drame & la qualité de quelques-uns de ses personnages lui a enleve l’avantage de briller sur le Théatre. C’est-à-dire que c’est un drame impie qui joue l’état religieux & les Ministres des Autels, les fait paroître sur la scène contre le respect qui leur est dû, contre les loix de la décence & les dispositions des ordonnances, & les y fait parler d’une maniere indigne d’eux. […] La fable de ce drame est prise de ce mauvais livre, a quelques circonstances près, qu’on a changées pour l’accomoder au théatre. […] Les aventures de Constance & d’Herigene sur la fin du premier tome sont le fond de Melanie & des invectives contre les Moines, mais moins téméraires que dans ce drame, puisqu’on n’y attaque pas les vérités de la religion, mais seulement les mœurs des Moines. […] Certainement le ton en paroît mieux assorti à la nature du drame.
Si Aristote vivait, il eut écrit sur le nouveau Drame.
Il aurait bien dû considérer qu’elle va à son but d’une manière enjouée, & en répandant sur tous les objets un air de plaisanterie, afin de faire une impression plus facile, plus douce, ou qui soit différente de celle qu’on éprouve aux Drames des Corneille.
Bien des drames restés au théatre ne la valent pas. […] Que se propose-t-on dans ces drames monastiques ? […] Ce drame est imprimé sans approbation ni privilege ; le Censeur chargé de la partie des spectacles la lui refusa : il ne fut représenté à Paris que sur des théatres de société, où la police, la religion, la décence ont peu de crédit.
On peut dire de lui, comme Boileau dit de Regnier : Du ton hardi de ses rimes ciniques, Il allarme souvent les oreilles pudiques, Malgré ce double assaisonnement, qui est d’un grand mérite au théatre, ses drames ne réussirent pas. […] Il n’en coûta rien à l’Arétin de faire ce mauvais drame ; c’étoit un hypocrite qui prenoit toutes sortes de formes ; sa plume étoit également vendue à la piété & à la licence ; il passoit avec la même facilité & la même hardiesse du saint au profâne, que de l’adulation à la satyre ; aussi outré dans le panégyryque que dans la calomnie. […] Il s’avisa de faire un drame où, sous des noms empruntés, il chantoit ses amours, louoit la princesse, & satyrisoit le ministre. […] Ce fut une pastorale intitulée, Aminthe, le premier drame, dit-on, qui ait paru dans ce goût. […] Son Roland est un vrai répertoire de théatre : on en a tiré une foule de drames, Alcine, Renaud, Bradamente, Roland, Camille, on en tireroit mile.
Mais, de crainte d’ennuyer par un détail trop long, car je crois que cet examen seul ferait la matière d’un gros volume, je me suis restreint à un petit nombre de Pièces, qui suffiront cependant pour donner une idée des trois genres différents, sous lesquels les Drames de tous les Théâtres de l’Europe peuvent se ranger.
Le théatre Italien, celui de la Foire, de Poisson, de Dancourt, de Vadé, &c. ne sont que des ramassis, de petits divertissemens, des farces, des drames d’un acte ; c’est une boutique de bijoutier. […] Ces petits soi-disans drames de trois ou quatre scènes, qui dans une action d’un quart d’heure forment un croquis d’intrigue, se rapportent, dit-on, à une sentence ou proverbe (& pourroit se rapporter à trente), qui est l’ame, dit-on, le fonds, le mot de l’énigme ; comme presque toutes les fables d’Esope, de Phedre, de la Fontaine, qu’on commence ou termine par quelque trait de morale, elles forment chacune un petit drame, qu’il ne faudroit qu’étendre pour en faire des Proverbes dramatiques.
Mais Corneille, Racine, Molière, Voltaire et tous les poètes modernes ne se sont occupés dans leurs drames qu’à exciter l’amour. […] » Quand l’intrigue agréable et le style léger et délicat des drames n’inviteraient pas les spectateurs à se livrer à l’amour, la magie du spectacle, la vue des actrices et des femmes qui remplissent les loges, ne les portent-elles pas déjà trop efficacement à cette funeste passion ?
La Fontaine, cet homme si doux & si simple, presque bête, disoit-on, avoit convenu avec Lulli, d’une somme pour un opéra ; Lulli n’en fut pas content, & ne voulut pas le payer ; la Fontaine pour se venger, composa la comédie le Florentin, c’est un de ses contes mis en drame, le premier à qui on ait accordé l’honneur du théatre, ce qui a été depuis trop souvent imité, & a donné encore plus de cours à ces ouvrages licencieux, & les a rendus plus séduisants, par tous le agréments de la scéne. […] L’Académie de Parme distribue plusieurs prix, elle a donné en 1770, pour prix de l’architecture, le plan d’un théatre magnifique, propre à toute sorte de représentations, qui réunisse les différences parties de la distribution, & décoration antérieure & extérieure, la forme & les dimensions de l’orchestre, des loges, de l’amphthéatre, pour les changements de scéne, la pompe de la représentation dans toutes sortes de drames liriques, tragiques & comiques ; tout le théatre est mis sur le trône littéraire. […] Les drames Espagnols ont un grand avantage sur les nôtres, les mœurs & la Réligion y sont toujours respectées, & si elles ne suivent pas les regles que prescrit Aristote, qui ne sont que de fantaisie quoiqu’en disent les amateurs, du moins ils suivent celles de la décence, dont un chrétien ne doit pas s’écarter.
Si on veut y réfléchir, cette unité, n’est pas moins essentielle au drame, que les trois autres, dont on a formé son être.
Comme il entroit des démons dans plusieurs mysteres, il fallut les faire paroître sur la scène pour jouer leurs rôles : il y eut même divers drames où ils paroissoient seuls ; ce qu’on appelloit des Diableries.
La fécondité du théatre Italien seroit étonnante si les drames étoient des piéces regulieres. […] J’ai vu des écoliers de seconde & de réthorique, après avoir vu représenter quelques pieces, se dire comme cet ancien, & moi aussi je suis peintre, & composer des drames, qui valoient beaucoup, de ceux qu’on donne au public. […] Les suppots de Thalie sont Politheistes, leur Réligion admet la pluralité des Dieux ; ils adorent bien les actrices, ces divinités si bienfaisantes ; on veut adorer plusieurs Génies aussi : chacun le sien, l’Infant Duc ne prétend point de privilege exclusif, cette déification est singuliere ; on n’avoit point fait encore de pareilles apothéoses ; être divinisé pour avoir donné des prix à quelques Drames, & formé une école de comédiens ; c’est acquerir la Divinité à peu de frais : mais je crois que sans prendre un si grand essor, ni vers les Grecs ni vers l’Olimpe ; on peut faire honneur à la France, de ses divers établissements. […] Cet Ecrivain fécond faisoit chaque année deux drames, malgré ses immenses occupations, comme Andre Tiraqueau faisoit chaque année un livre ; il brille ; sur-tout par la force, & le naturel, par les expressions les sentimens & les images, par l’invention des desseins, des caractères, & des situations théatrales ; supérieur en ce point à son Disciple Metastasio.
En 1716, du temps de la Princesse Russe Natalie, on vit une vaste grange rangée en salle de spectacle ; cette illustre Princesse se donnoit la peine de travestir elle-même la bible en drame ; il suffisoit de pouvoir apprendre un rôle par cœur pour représenter un personnage respectable de l’ancien testament ; mais il falloit du moins être Officier de l’État major pour aspirer à l’honneur de jouer le rôle d’Arlequin, qui étoit le plus beau de tous & le plus difficile, parce que le Major, le Lieutenant-Colonel ou le Général qui avoit le département, étoit obligé de se jeter au travers des Acteurs, & de les interrompre par des saillies qu’il devoit trouver sur le champ. Telle étoit Marguerite, Reine de Navarre, qui avoit mis le nouveau testament en drame, & le faisoit jouer par les Dames & les courtisans. Telle Madame de Maintenon qui fit mettre en drame par Racine, Esther & Athalie, & les fit représenter par les filles de St. […] Ces drames n’ont dû leur succès ephemère qu’au libertinage qui les a enfantés, & qui peut seul les goûter ; le suffrage de Robinet ne doit pas imposer, ce personnage frivole est absolument oublié, ne mérite lui-même aucune estime en aucun genre.
Ce Drame fut attribué à l’un des Académiciens, dont on croyoit reconnoître le style, l’esprit & l’humeur, & qu’on savoit ne faire guere d’état de l’Académie. […] Pourquoi proscrire cette variété de Drames de toute espece, Pastorales, Proverbes, Larmoyans, Arrietes, &c ? […] Le public est plus sévere ; il est vrai, les trois quarts des drames seroient arrêtés, mais il est plus équitable pour les bons que ne sont les Comédiens, je les estime fort, dit-il, je n’ai point à m’en plaindre, mais ce sont des paresseux ; la lice dramatique est presque fermée par le nombre des Athletes qui s’y présentent ; & par la lenteur de ceux qui sont faits pour les seconder, une foule de pieces vieillissent dans leurs archives, en attendant le moment de leur commodité.
Un roman est une comédie ou tragédie en récit, un drame est un roman en action. Point d’aventure galante dont on ne pût faire un drame, on l’a fait d’un très-grand nombre ; point de drame dont on ne fît un roman, il ne faut que dialoguer l’un & raconter l’intrigue de l’autre ; par conséquent même danger, même obligation de s’en abstenir.
Je laisse à penser jusqu’à quel degré de perfection ces petits Drames pourraient être portés.
L’objet de la plupart des drames les plus estimés n’est-il pas de nous peindre sans cesse des intrigues amoureuses, des vices que l’on s’efforce de rendre aimables, des désordres faits pour séduire la jeunesse inconsidérée, des fourberies capables de suggérer mille moyens de mal faire ? […] Quelles impressions peuvent faire sur le cœur novice et tendre d’une jeune fille les exemples séducteurs que lui montrent tant de drames, à la représentation desquels ses parents ont eux-mêmes la folie de la conduire ?
Or c'est un fait indubitable que ceux que l'on nommait Technites parmi les Grecs ou artisans de la Scène parmi les Romains, c'est-à-dire, les Histrions, Mimes, Farceurs, et autres Bouffons, ne jouaient point sur l'avant-scène en Grèce ; mais seulement sur l'Orchestre, dont nous avons le témoignage de Vitruve dans la description qu'il fait de tout le Théâtre fort exactement en homme intelligent et qui n'ignorait pas la construction des Théâtres, qui de son temps étaient en leur plus grande splendeur, soit pour la beauté des Edifices, soit pour l'excellence des Drames que l'on y représentait.
Tout cela se trouve aussi dans les comédies, fictions, chimeres, obscénités ; toutes les horreurs de Bocace, de Rabelais, de la Fontaine, ont passé avec honneur sur le théatre sous la forme de drames. […] L’Auteur de ce drame n’est pas Jurisconsulte. […] L’Auteur du nouveau drame de Garcias de Medicis, qui tua son frere, & fut tué par son pere, est imbu de la même doctrine.
Cependant il se rencontre des Ecrivains, qui, sans avoir égard à cette prodigieuse différence, semblent chercher à entretenir le courroux de l’Eglise ; qui trouvent du Crime jusques dans les Drames les plus sages, & qui soutiennent enfin que des Piéces de Théâtre aussi honnêtes & aussi épurées que nos bonnes Comédies, ont été de tous tems condamnées pour leur seule inutilité. […] Et enfin depuis le seizieme Siecle jusques peu avant le Regne de Louis XIV, du défaut de considération que méritoient les Drames que l’on représentoit.
La Grèce avoit un genre de drame inconnu parmi nous, la tragédie satyrique, que le seul plaisir de la médisance avoit introduit. […] Non contente des richesses nationnales, si des futilités aussi dangereuses que méprisables sont des richesses, la France a adopté, traduit, copié tous les autres drames, Grecs, Latins, Anglois, Italiens, Espagnols, Chinois, Iroquois, &c.
Il compte parmi les avantages de son projet l'abandon des drames et des Romans, espèce de littérature qui outre les autres vices, est très peu capable de nourrir le cœur, de former les mœurs, et de produire de vrais citoyens […] Pour les autres drames prétendus pieux, parce qu'on y a enchâssé le nom de quelque saint personnage, la Théodore de Corneille, la Jephté de Pellegrin, la galante Judith de Boyer, etc. ces Saints seraient fort étonnés, s'ils revenaient au monde, de se voir travestis en Comédiens, et ne feraient pas l'apologie de leur métamorphose.
Cette perfection en est-elle moins dans son Drame, en est-elle moins à lui ?
A cette idée heureuse, sublime, divine, il ne se sent pas d’aise ; il va, il vient, se leve, s’assit & trace avec transport le plan de ce drame merveilleux à l’honneur du dieu Voltaire. […] Le théatre, qui est le grand maître des mœurs, y puise ses plus beaux drames. […] I, de la sombre tragédie de Cominge, en parlant d’une héroïde de la Trape, en particulier de celle du sieur Dorat, qu’il suppose écrite par Cominge à sa mere ; dont ni le roman, ni le drame ne parlent pas, & supposent même qu’elle est morte. […] Les trois scènes ne servent qu’à multiplier les indécences d’un drame très-licencieux.
Sur-tout la passion de l’amour ne faisoit pas la base des drames informes d’alors ; or c’est cet amour que nous combattons.
Chaque Ville un peu considérable aurait-elle brigué la gloire d’avoir un Colisée, ou lieu propre pour représenter des Drames, si l’on avait régardé cet amusement utile comme un vain plaisir, défendu par la sagesse, & qu’on ne peut goûter sans remords ?
écrits des anciens Auteurs, mais il n'en avait pas épuré les lumières ; car il dit bien que les Pantomimes étaient de beaucoup inférieurs aux Comédiens et aux Tragédiens, en la société desquels ils n'étaient point, mais il ajoute qu'ils n'étaient pas Histrions Scéniques, ce nom ne convenant point aux Bateleurs, et n'étant propres qu'aux Joueurs de Poèmes Dramatiques, car il est bien vrai que les Comédiens et Tragédiens étaient distingués des Mimes et Pantomimes, mais il n'est pas vrai que le nom d'Histrion qu'il prend pour un Acteur de Drames, ne comprenait point cette espèce de Bouffon ; car au contraire il leur était propre, et leur fut donné dès l'origine des Jeux Scéniques, comme nous l'apprenons clairement de Tite-Live.
Quant à M. de Belloy, il ne doit sa gloire qu’à son drame du Siége de Calais. […] Ce drame, au patriotisme près, que le zele des François pour leur Roi a tant fait valoir, n’a rien de plus remarquable, que trente autres pieces qui brillent sur le théatre, & nommément la plupart de celles de Voltaire, qui, du côté littéraire valent autant & plus que le Siége de Calais.
Dans la comédie-ballet les Hommes, de M. de Saint-Foix, homme d’esprit, mais qui ne donne pas ces drames ingénieux pour des leçons de chasteté, on voit beaucoup de statues à demi nues d’hommes & de femmes que Prométhée anime avec le flambeau dérobé à Jupiter, dont la flamme s’insinue & leur donne la vie. […] Elle a mis le livre de la Genèse en drames, comme la Reine de Navarre Margueritte y mit tout l’Évangile, à l’instigation du Ministre Roussel.
sont des drames très-mauvais, & il y en a beaucoup de cette espèce, parce que le vice y est couronné, la vertu méprisée & tournée en ridicule. […] Je ne parle pas des drames des autres Auteurs, Rotrou, Quinaut, Lagrange, &c.