Le miel ne doit point y couler, c’est le sang.
On convient que ces circonstances étoient incompatibles avec la pureté de la foi qui abhorre le culte des fausses divinités, avec la doctrine des mœurs qui proscrit l’effusion du sang humain.
Il est inutile d’en dire davantage ; en continuant d’éxaminer cette Pièce si bisare, je craindrais à la fin de perdre le sang froid, la gravité nécessaire à l’Auteur d’un Ouvrage, tel que celui que j’offre au public.
L’Acteur intelligent n’écoute point de sang froid le récit qu’on lui fait d’événement auxquels il est à supposer qu’il prend part ; ses regards, ses gestes, ses mouvemens, annoncent ce qui se passe en lui.
On a le mal dans le sang et dans les entrailles avant qu’il éclate par la fièvre.
Lorsque je vais à l’Opéra (quoique je convienne qu’il n’est peut-être pas aussi bon qu’il pourrait être) mon sang se calme, mon imagination s’adoucit, et mon ami éprouve le même effet.
On voyait du sang, il est vrai ; mais on ne souillait pas son imagination de crimes qui font frémir la nature. » Si on versait réellement une goutte de sang au Théâtre, la Scène tragique serait tout au plus le Spectacle de la grossière populace. […] Il a entendud applaudir à ces mots d’Atrée : « Reconnais-tu ce sang ? […] Elles affaiblissent en nous l’ardente soif du sang, et la fureur du brigandage ; mais elles nourrissent dans nos âmes l’amour de l’honneur et l’émulation de la gloire. […] Un caractère de cette trempe s’attache à son devoir par tous les liens qu’il lui présente ; l’estime, l’amitié, la reconnaissance le captivent : la nature et le sang ont sur lui des droits absolus.
Les Egyptiens trouvent l’eau du Fleuve changée en sang, à la priere du Prophéte le sang se retire, & les eaux récouvrent leur pureté.
Aujourd’hui donc, pour nous restreindre au sujet que nous nous proposons de traiter, nous sommes forcés de tourner tous ensemble les feuillets de cette histoire de quinze siècles de sang pour arriver à l’époque où nous vivons. […] Pourquoi ce sang répandu sur la croix pour nos péchés, si la satisfaction de nos besoins physiques, si nos fonctions intellectuelles, si l’entraînement des passions qui constituent notre être peuvent à chaque instant nous faire tomber dans le péché, et nous précipiter dans l’abîme ? […] Ainsi donc, riches, renoncez à vos festins sensuels, à vos réunions corruptrices… Princes : pourquoi ces fêtes brillantes dans lesquelles les femmes disputent entre elles de grâce, d’élégance, de toilettes et peut-être de coquetterie, fêtes qui ne sont autre chose que les pompes du démon auxquelles les chrétiens ont renoncé à leur baptême… C’est en vain que vous allégueriez la raison politique, la raison d’Etat qui vous force à protéger, autant qu’il peut dépendre de vous, tous les arts et toutes les industries qui font fleurir une nation ; c’est en vain que vous prouveriez que ces fêtes ont pour résultat de faire circuler dans toutes les veines du corps social l’argent qui en est le sang, pour le faire parvenir de mains en mains jusqu’à celles du pauvre.
On se croirait aujourd’hui reporté à cette époque de rébellion religieuse et régicide, qui se souilla de tant de crimes et s’arma de poignards parricides pour verser le sang des rois.
Tout cela formait une sensation très vive qu’on ne pouvait supporter de sang froid.
A la maladie du Prince de Condé, il écrivit : Vous voyez que la fievre allume sans ménagement autant le sang royal que celui du pauvre, & qu’en un moment il ne reste des princes que les marques de l’infirmité humaine, & de la peine du péché ; du lit des noces on va au tombeau, & dans un moment toutes les pensées de la prudence se dissipent en fumée. […] S’il n’y avoit pas eu du sang répandu, l’affaire de la Fronde ne seroit qu’un tissu de farces, qui fourniroient la matiere de plusieurs volumes au Theatre de la Foire. Un premier Ministre obligé de prendre la fuite, dont on met la tête à prix, & qu’on va quelques jours après recevoir en triomphe, qu’on comble de bénédictions, qu’on remercie de ses soins, à qui on baise les pieds ; un Roi & la Reine sa mere fugitifs au milieu de la nuit, qui avec sa petite Cour va coucher sur la paille ; des Princes emprisonnés pour crime d’Etat, & l’auteur de leur détention, enveloppé des détours de la politique & des bassesses de la frayeur, court à la prison, brise leurs fers à genoux, & les ramene à la Cour ; le Roi lui-même, après les avoir déclarés coupables d’une révolte qui eût mérité la mort, par un assemblage incompréhensible de fermeté & de déférence, écrit humblement au Parlement pour les justifier ; deux femmes, la Régente & la Duchesse, se disputant la souveraineté, se déclarant la guerre, se fuyant, se poursuivant, se caressant, se maltraitant ; des courtisans incertains, passant selon le vent de la fortune d’une Cour à l’autre, de la soumission à la révolte, se trahissant, se déchirant mutuellement ; un Archevêque de Paris, l’ame de toutes les intrigues, toujours avec des femmes, portant des pistolets dans ses poches, levant un Régiment, soulevant le peuple, enfin emprisonné, obligé de se défaire de son Archevéché, & mourant dans l’obscurité, & heureusement dans la pénitence ; deux Cardinaux plus divisés qu’on ne l’a jamais été dans les brigues des Conclaves, se poursuivre tous les deux comme ennemi de l’Etat, l’un par les entreprises les plus hardies, l’autre par les artifices les plus obscurs ; un grand Prince couvert de gloire, jusqu’alors défenseur de l’Etat contre les étrangers & contre les Frondeurs mêmes, s’arme contre son Roi, quitte le royaume, va combattre chez l’ennemi, & répand le sang des françois pour lesquels il avoit tant de fois exposé sa vie ; une Postulante Carmelite amoureuse, séditieuse, à la tête de la révolte, se moquant de son mari, tantôt brouillée, tantôt intime avec ses freres, les embrassant, les caressant, les insultant, écoutée comme un oracle, haïe & méprisée, ses associés brouillés entre eux, se plaignant les uns des autres, prétendant de remédier aux désordres & en causant de plus grands ; les Magistrats guerriers dirigeant les opérations militaires ; les Guerriers magistrats prenant l’ordre de la Grand’Chambre, & se réglant sur les formalités de la Justice ; des Soldats & des Officiers passant de la toilette aux combats, couvrant de rubans leurs épée, leur tête de frisure & de poudre, & au premier coup de mousquet prenant la fuite ; des Citoyens courageux, qui après avoir bien bu, opposant Bacchus à Mars, se font des retranchemens de leurs barriques ; un Parlement qui prêche la fidélité, & leve des troupes ; des Conseillers qui se plaignent d’une legere imposition sur leurs charges, & en établissent une énorme sur le peuple, sur eux-mêmes, pour les frais de guerre, qui envoient des députés à la Cour rendre hommage & signer la paix ; un Peuple aveugle qui fait également des foux de joie pour l’emprisonnement des Princes & pour leur élargissement, pour l’entrée de la Princesse & pour sa fuite précipitée pendant sa nuit, dans une voiture empruntée, par des chemins détournés, pour éviter la prison ; &, après une folle joie pour des biens imaginaires ou plutôt des vrais maux, tombe dans la sombre consternation, croyant tout perdu ; &, toujours victime des grands, tantôt se livre à une fureur insensée, tantôt rampe bassement dans la poussiere. […] Il est rare en effet que les fruits du vice soient des modeles de vertu ; le sang qui coule dans leurs veines se sent de son origine, le ruisseau ressemble à sa source.
Ce Saint était accoutumé à de pareilles scènes : toutes les nuits il les renouvelait et se mettait tout en sang. » J’avoue que quelque mauvaise humeur qu’on puisse avoir contre la comédie, je ne voudrais pas interdire cette espèce de pièce, et je ne crains pas que les Comédiens abusent de cette permission. […] Elles se plaisaient à l’effusion du sang des gladiateurs, et montraient plus d’acharnement que personne à demander leur mort : « Pectusque juventis Virgo modesta jubet converso pollice rumpi. » L’assistance des Religieux au théâtre ne serait parmi les Chrétiens que plus indécente, et les suites plus scandaleuses.
Comme un sage et prudent mari ne peut laisser sa bien-aimée épouse sans plaisir et délectation, ains autant plus veut-il lui en donner que plus il l’aime n’en recevant moins qu’il lui en donne : ainsi notre Dieu (époux de nos âmes) lequel nous assure que son plaisir et délices sont d’être avec les hommes, lequel n’est un Dieu de chagrin ni de tristesse, ains de toute et incompréhensible consolation et joie, nous aimant plus que jamais n’a aimé sa femme, nous veut plus remplir de toute joie et délectation, ayant bien montré combien il aime les âmes ses épouses pour lesquelles souillées de péché, plus laide tache, « a volontairement et par un amour incomparable épandu tout son précieux sang en la croix ignominieuse afin de les nettoyer (qui étaient autrement incurables), saner, et avoir belles et sans aucune maculeb », Ephésiens chap. 5.
Pensez-vous qu’une bonne Tragédie où l’on ne verroit pas ruisseler le sang sur la Scene, tomberoit tout-à-fait ? […] Est-ce exciter la vengeance que d’introduire ce Vice-Roi sur la Scene, qui baigné dans son sang, pardonne sa mort à son meurtrier, par un effort d’héroïsme propre à un véritable Chrétien ? […] En un mot, il n’a personnellement de griefs contre qui que ce soit, et; si un tel original est susceptible de sang froid, c’est de sang froid qu’il lâche toutes ces sottises. […] Comment en effet demeurer dans les bornes de la modération vis-à-vis un homme qui de sang froid, se fait un détestable plaisir de vous déchirer avec une malice sans exemple ? […] Croyez-vous en outre que l’assemblée se séparera sans quelques unes de ces querelles qui quelquefois vont jusqu’à l’effusion du sang, car enfin on y boira, et; le vin fait à Genève le même effet que partout ailleurs ?
Leurs valets se ligueront pour dérober à votre avarice les secours que vos enfants n’ont pu obtenir de votre amour ; la dissipation et le larcin seront le fruit de vos épargnes ; et vos enfants, devenus vicieux par votre faute et pour votre supplice, seront encore intéressants pour le public que vous révoltez. » Et pour compléter la leçon et en assurer mieux le succès, il aurait fallu de l’autre côté encourager aussi à la vertu la famille de cet avare, lui rappeler qu’il est du devoir absolu des enfants de respecter leur père, de supporter patiemment ses défauts sur lesquels ils doivent, à l’imitation du bon fils, jeter le manteau du respect et de l’amour ; que cette patience est l’exercice le plus noble, le plus méritoire que des enfants bien nés puissent faire de leur vertu ; que non seulement la voix du sang et celle de l’honneur, mais l’humanité et la religion, qui recommandent l’indulgence envers tous nos semblables, leur en font un devoir bien plus rigoureux envers leur père. […] Voilà une source principale de cette foule de femmes perdues ou prostituées que l’on rencontre partout, dont le sang vicié se perpétue dans de malheureux enfants qui arrivent au monde chargés de toutes les disgrâces. […] On ne lui est redevable, et ils n’ont à lui tenir compte que du bonheur éphémère individuel qu’il a procuré, ou du bon sang qu’il a fait faire par des divertissements et des rires dont cet ordre et cette harmonie ont été le prix.
Une femme qui attend, de sang froid, son mari pour l’égorger ; l’égorge sans être combattue d’un seul remords, ni dire un mot qui ressemble à la passion, & après l’avoir assassiné, s’en vente avec une insolence tranquille. […] Il égorge sa mere avec le même sang froid ; il y est invité par sa sœur Electre avec la même scélératesse. […] Voltaire-même les a faites & plus fortement encore ; on seroit bien injuste de ne pas avouer que la galanterie a presque tout affoibli ; que d’environ quatre cent tragédies données au théâtre, depuis qu’il est en possession de quelque gloire en France, il n’en est pas dix ou douze qui ne soient fondées sur leur intrigue d’amour ; plus propre à la comédie qu’au genre tragique, c’est presque toujours la même piece, le même nœud formé par une jalousie, dénoué par un mariage, une coquéterie perpétuelle, une vraie comédie, où des Princes sont acteurs, & dans laquelle il y a du sang répandu pour la forme.
C’est un crible qui sépare l’ivraie du bon grain ; ce sont des saignées nécessaires pour se débarrasser du mauvais sang, qui corrompt tout le corps & altere la santé ; nous lui devons ce zele de faire distinguer les loups, qui, sous la peau de brebis, trompent & désolent le bercail. […] C’étoit un jeune homme ne trente-six ans, de la famille des Médicis, une des plus libertine qui soit montée sur le trône, la dépravation étoit héréditaire à sa famille, ce sang avoit coulé de puis long temps dans les veines de Léon X. […] Il fut toujours pauvre, laborieux & triste ; la mort d’une épouse de mérite qu’il aimoit beaucoup, & de deux enfans du premier mari de sa femme qui l’avoit comme adopté, l’accablerent de douleurs & le jetterent dans une profonde tristesse dont ses écrits ne sont que l’expression, & si on peut le dire, des accès de redoublement, car la poésie n’est qu’un jeu de machine, la verve une imagination exaltée, la bile qui bouillonne dans le caractere satyrique, le sang dans la galanterie comme l’adresse des animaux qu’on nomme instinct, moins vive, mais plus grande dans son objet que celle de l’homme.
Or, sans m’arrêter ici à vous retracer les tristes effets dont ces représentations sont les suites ; sans vous dire qu’on n’eût jamais connu parmi nous l’art odieux de laver une injure dans le sang, si le théâtre ne l’avoit peint avec tant d’avantage, revenons à notre principe. […] Seroit-il innocent d’entretenir dans un état tellement abhorré par l’Eglise des ames rachetées du Sang de Jesus-Christ ? […] dites-nous, infortunée Dina, combien les fêtes de Sichem couterent de regrets & de larmes à votre cœur, de honte & de crimes à votre famille, de sang à Sichem même. […] Aimez-vous à être attendris, à voir des objets qui frappent, des morts, du sang versé ? […] voilà le Sang de Jesus-Christ qui coule : quel spectacle plus touchant & plus beau pouvez-vous desirer ?
Ce n’est qu’en les démasquant qu’on pourra corriger les abus et les vices, qu’on rendra les hommes meilleurs, et qu’on parviendra à enchaîner l’inexorable intolérance politique et religieuse qui aime à s’abreuver de sang humain. […] Depuis que la cruelle superstition exerce ses ravages dans la malheureuse péninsule, depuis que la faction du monachisme et du jésuitisme, ultramontaine malgré le saint-siège, y verse de toutes parts à grands flots le sang humain et y excite les passions les plus haineuses ; depuis qu’elle y fanatise le peuple abruti par l’ignorance, on n’y a pas encore entendu la voix du père des chrétiens, nulle pastorale apostolique, n’y a encore été proclamée, d’accord avec l’autorité souveraine séculière, pour apaiser les fureurs, ramener les esprits à l’autorité légitime, et instruire les hommes sur leurs devoirs de chrétiens et de sujets soumis.
Le nom de Jesus-Christ, que nous portons, & qui lui à coûté tant de sang, est-ce un nom si vil & si méprisable, qu’il ne puisse être deshonoré par aucune action quelque folle & quelque indecente qu’elle puisse être ?
Vous, Madame, qui par une louable coûtume participez si souvent au Corps & au Sang de Jesus-Christ le cher Epoux de cette Mere ?
Barthélemy, Carmélite, s’étant trouvée en bas âge dans une compagnie du monde où se trouvant, contre son gré pourtant, sur le point de danser avec les autres, notre Seigneur s’apparut à elle tout couvert de plaies, de sueur et de sang, lui déclara les douleurs extrêmes qu’il avait souffertes pour elle, et lui témoigna qu’il n’était pas content qu’elle se divertît en tels passe-temps : cela la fit rougir et résoudre quant et quant d’éviter telles occasions à l’avenir. 6.
C’est de là que naît dans les âmes pieuses, par la consolation du Saint-Esprit, l’effusion d’une joie divine ; un plaisir sublime que le monde ne peut entendre, par le mépris de celui qui flatte les sens ; un inaltérable repos dans la paix de la conscience, et dans la douce espérance de posséder Dieu : nul récit, nulle musique, nul chant ne tient devant ce plaisir ; s’il faut pour nous émouvoir, des spectacles, du sang répandu, de l’amour, que peut-on voir de plus beau ni de plus touchant que la mort sanglante de Jésus-Christ et de ses martyrs ; que ses conquêtes par toute la terre et le règne de sa vérité dans les cœurs ; que les flèches dont il les perce ; et que les chastes soupirs de son Eglise, et des âmes qu’il a gagnées, et qui courent après ses parfums ?
Ces vastes Provinces acquises à Jesus-Christ, & sanctifiées par le sang des millions de Martyrs, éclairées par un si grand nombre de sçavans & de saints Personnages ; par des lumieres aussi éclatantes, aussi pures, & aussi incorruptibles que celles du Ciel, gouvernées par un si grand nombre de Pasteurs qui sont encore honorez aujourd’huy comme les oracles, comme les maistres, & comme les modelles de l’Eglise, peuplées par un si grand nombre de Saints & de sçavans Religieux, sujetes à des Empereurs dont plusieurs ont esté si vaillans, si justes, si Chrêtiens : ces vastes Pays, dis-je, soûpirent dans l’esclavage, gemissent sous la tyrannie & sous l’infidelité des barbares, sont perdus par l’heresie. […] Personne ne doute que vous n’employassiez tout vostre zele, & toute vostre autorité pour reprimer, pour châtier une audace si impie, & pour vanger l’outrage fait à une Majesté que vous défendriez, s’il estoit necessaire, aux dépens de vos biens, de vostre sang, & de vostre vie. […] Nous ne sçavions-pas que les vertus estoient si considerées de Dieu ; nous ne sçavions pas que l’innocence estoit la production du sang & du cœur d’un Dieu incarné, & qu’elle deust regner avec luy dans le Ciel, aprés luy avoir rendu des services si agreables sur la terre. […] Que je serois heureux, si je contribuois par ce Discours à une reforme, & à un établissement, pour qui je n’épargnerois pas mon propre sang.
Cet assemblage bisarre déplut à toutes les Sectes, & causa bien du trouble entre les Puritains, les Épiscopaux, les Anabaptistes, les Catholiques ; on versa beaucoup de sang de part & d’autre, quatorze Évêques furent sacrifiés avec une multitude d’Ecclésiastiques du second ordre, & de milliers de Laïques. […] On ne peut justifier, dit Gregoireleti, ce Chef des Protestans qui affectoit d’avoir à cœur la propagation de leur foi, de les abandonner sans dire mot, à la rage des loups affamés ; il faut couvrir cette dureté du voile du silence pour en cacher le scandale, mais les Auteurs Protestans qui l’ont blâmée, ne veulent pas voir qu’en les plaignant elle se fut condamnée elle-même, ainsi que son père & son frère : leur vie & la sienne n’ont été qu’une Saint Barthelemi continuelle, ils ont plus versé de sang Catholique en Angleterre & en Irlande, qu’il n’en a été versé de Hugenot en France. […] Ces bouleversemens, ces absurdités, ces contradictions feroient la scène la plus risible, si les sacrilèges, les forfaits, les ruisseaux de sang, la perte des ames ne formoient le plus sombre magique. […] Cette Héroine si vantée pollua son règne par le sang innocent d’une Princesse à qui elle avoit donné asyle chez elle.
Un Peuple féroce et bouillant veut du sang, des combats, des passions atroces. […] On a peine à ne pas excuser Phèdre incestueuse et versant le sang innocent. […] Un troisième fait boire au père le sang de son fils. […] Au premier sang ! […] Et qu’en veux-tu faire de ce sang, Bête Féroce !
Il eut beau dire qu’il n’en savoit aucun, on le mit en prison, on le fouetta jusqu’au sang, on le menace de la mort, s’il ne le découvre. […] La cause est jugée par trois salles magnifiques, bâties par l’Etat, au nom & par ordre du Roi, une à Versailles & deux à Paris, dans les maisons de deux Princes du sang ; l’Opéra chez le Duc d’Orleans, la Comédie Françoise à l’Hôtel de Condé. […] L’empire du Mexique dans l’Amérique septentrionale, peut être aussi puissant que celui du Pérou, n’étoit pas aussi bien policé quand il fut conquis par Fernand Cortez, soit que les peuples y fussent moins spirituels & moins traitables, soit que les Princes eussent été moins heureux, & moins Philosophes que les Incas ; peut-être que n’ayant pas eu d’Historien comme Garcilasso de Vega, du sang royal, fort instruit des affaires du Pérou, nous ne connoissons point l’histoire du Mexique ; du moins est-il certain par tout ce que nous en savons, qu’on n’avoit point à Mexico, comme à Cusco & à Lima, un théatre régulier, où l’on représentât de vrais drames selon les regles de l’art, soit dans le genre noble entre des grands & des Héros, les seuls que permettoient les Princes Péruviens, soit dons le genre subalterne, bourgeois & bousson, comme en ont tous les théatres d’Europe.
L’Inquisition, en livrant aux bourreaux ceux qu’elle a condamnés, recommande de ne pas répandre le sang ; & pour ne pas le répandre, on les brûle. Les Médecins furent aggrégés à l’Université de Paris : les Chirurgiens en furent exclus, parce que l’Eglise abhorre le sang. […] Le Médecin qui ordonne la saignée & l’amputation ne tépand-il pas le sang, aussi-bien que le Chirurgien qui exécute son ordonnance ?
Ces maladies épidémiques échauffent la cervelle, exaltent le sang des auteurs, font la fécondité et la vivacité du génie, et l’ivresse de l’admiration publique. […] Il fermentait dans le sang un levain séditieux, chaque bourgeois se croyait un citoyen romain, un César. […] Rome, qui du même œil les donne et les dédaigne, Qui ne voit rien aux rois qu’elle aime ou qu’elle craigne, Et qui verse en nos cœurs avec l’âme et le sang, Et la haine du nom et le mépris du rang.
Un homme égorgé dans l’arène, accoutume le spectateur à voir le sang avec plaisir. […] que signifient ces rasoirs, ces plaies, ce sang qui coule ?
Il sortit avant la fin de la Piéce, en s’écriant, qu’il serait honteux qu’on le vît répandre des larmes, lui qui se baignait chaque jour dans le sang.
Alors une femme travaillée depuis douze ans d’une perte de sang, s’approcha de lui par derrière, et toucha le bord de son vêtement, (car elle disait en elle-même, si je puis seulement toucher son vêtement, je serai guérie.)
« Vous mourrez comme des hommes », ajoute le Prophète parlant aux Juges, comme s’il disait, vous ne mourrez pas comme Juges, comme Pasteurs et Supérieurs des autres, mais comme hommes qui n’aurez aucune autorité non plus que le dernier des mortels, et qui serez traités avec toute sorte de mépris, de confusion et de peines, parce que la grandeur du châtiment se prendra de la grandeur des grâces que vous aurez reçues : le haut rang que vous tenez dans le monde ne vous exemptera ni de la mort, ni du jugement, ni des tourments qui sont préparés à ceux qui président, et qui ont abusé de leur autorité, comme font les Juges qui préfèrent la satisfaction d’un Tabarin, d’un Jodelet, et d’un faquin, à la gloire de Dieu, à l’honneur de son Eglise, et au salut des âmes qui sont le prix du Sang de Jésus-Christ : Pensez-y, Messieurs, il y va de vôtre éternité.
Quand et où jamais a-t-on vu plus de meurtres commis avec sang froid, plus d’incendies ravager et détruire l’espérance du laboureur, plus de malfaiteurs conspirer contre la société ? […] L’église en m’imprimant un signe ineffaçable, Défendit en nos mains le sang le plus coupable. […] Guerriers que va guider sa sainte Providence, Ministres de rigueur, choisis par la Prudence, Il est temps de remplir ses décrets éternels, Couvrez-vous saintement du sang des criminels. […] Le désir immodéré d’une injuste domination, ou celui d’une stupide vengeance, n’ont-ils pas plus d’une fois déployé dans les champs de Rome les enseignes de la République, et pour trois Décius qui se sont dévoués au salut de la patrie, combien de Marius et de Sylla ont, en ruinant sa liberté, souillé leur triomphe du sang des proscrits. Mais s’oublier soi-même, s’immoler au bonheur public, ne considérer que le danger de l’état, et comme ce héros dont les annales Romaines nous ont transmis le généreux sacrificeaf, plaider au Sénat contre ses propres intérêts, avec toute la force de l’éloquence, toute l’énergie du sentiment et de la vertu, voler ensuite au-devant des fers de Carthage, et s’offrir volontairement à des supplices inouis, pour sauver son pays : voilà ce qui présente les caractères d’un vrai courage, d’un véritable héroïsme, soutenu dans le calme et le sang froid d’une longue et pénible réflexion.
Je les bannis tous de Rome pour toujours, non tant pour le sang qu’ils ont répandu, que pour les esprits qu’ils ont perverti. […] Quand ces misérables allaient à Rome de maison en maison, témoignant leur légèreté, et accumulant leurs paresses, les Capitaines allaient de royaume en royaume consumant leurs deniers, aventurant leurs vies et répandant leur sang.
Cette plume qui a fait couler tant de sang, a écrit plus de mille vers. […] Qu’on en juge par le Palais Royal, qu’il s’était fait bâtir pour lui-même, où le Roi et la Reine Régente ont logé après lui, aujourd’hui habité par le premier Prince du sang.
Augustin, que je ne me lasse point de citer, les appelle tantôt l’impureté d’une folle compassion, et tantôt une démangeaison d’amour propre, qui n’est pas fâché qu’on lui égratigne la peau, pour ainsi parler ; parce que cette satisfaction passagère lui cause une enflure pleine d’inflammation, d’où il sort du sang corrompu et de la boue.
Mon peuple, quoi qu’en petit nombre, n’est-il pas racheté par le Sang de Jesus Christ ?
Souvent aux pieds d’un Monstre altéré de son sang, D’Egisthe reconnu caresser le Tyran.
Nous lisons dans Suétone qu’un Acteur qui jouait le Rôle d’Icare, & dont la machine eut malheureusement le même sort, alla tomber près de l’endroit où était placé Néron, & couvrit de sang ceux qui étaient autour de lui.
La mort seule vivante en aura la dépouille, Quand son fer rougira moins de sang que de rouille. […] La simplicité est la vrai élégance, la grace la plus touchante ce n’est point le vermillon, mais le sang adorable de J.C. qui pare mes jours, disoit Saint Agnes au tyran, c’est à lui seul que je veux plaire : Sanguis ejus ornavit genas meas.
Mais, dit-on, le théatre est toûjours rempli, la compagnie y est nombreuse & brillante, tout ce qu’il y a de distingué par le sang, la naissance, la fortune & les dignités, par l’esprit & par les talens (on n’a garde d’ajoûter par la religion & par la vertu), s’y rend sans scrupule, & l’a toûjours fait. […] Allons plus loin, supposons cette prétendue expérience de ces braves cottemaillés qui peuvent tous les jours & les heures entieres repaître leurs yeux & leur cœur des charmes de toutes les passions, sans en être jamais effleurés ; je ne serois pas surpris qu’à force de fréquenter les spectacles, on s’y accoûtumât si bien que la satiété menât à l’insensibilité ; Mithridate, à force d’avoir pris du poison, ne pouvoit plus s’empoisonner ; un ivrogne à force de boire émousse son palais, & ne goûte plus les liqueurs les plus fortes ; un débauché, dégoûté, blasé, énervé, à force d’excès, devient insensible ; les Dames Romaines, malgré la douceur naturelle du sexe, à force de voir les Gladiateurs s’entretuer, voyoient sans émotion couler des ruisseaux de sang.
Ainsi tous les Combats contre les Pirates, les Esclaves, ou contre des lâches ennemis, dont la honteuse redditiõ auroit prevenu une hõneste deffence, n’estoient point censez dignes de ces honneurs ou de ces recompenses extraordinaires : & l’on se contentoit de couronner les Vainqueurs de Mirthe, qui est un arbre consacré à Venus, comme s’ils estoient indignes des Lauriers qui ne s’accordoient qu’aux actions Martiales, & qui avoient coûté beaucoup de sang & de despence. […] Et pour mesler toûiours quelque chose de belliqueux dans une ceremonie purement civile & pacifique, on rependoient des legeres goutes de sang sur l’or du Char, & mesme sur les Spectateurs.
Riccoboni, en suivant son plan, reproche aussi l’amour au Comte d’Essex ; mais contre ses propres principes, car cet amour infortuné est puni dans tous ceux qui s’y sont livrés ; à Phèdre, l’amour incestueux ; il n’hésite pas à dire, que le Tableau en est dangereux dans cette Pièce : après avoir lu cet endroit de la Réformation je voulus, avant de me décider, consulter l’expérience de plusieurs personnes, soit éduquées, ou formées seulement par la nature : ce n’est que d’après l’épreuve réitérée des effets de cette Pièce sur elles & sur moi, que j’ose avancer que la Tragédie de Phèdre, & quelques autres Drames, ont souvent éclairé des personnes, liées par le sang, sur la manière dont elles s’aimaient, & les ont fait trembler. […] Il résulte de tout ce Règlement, que les Jeunes-gens reçus au Théâtre, après leur éducation achevée, devant étaler aux yeux du Public tous les talens qu’ils auront acquis, on connaître leur mérite ; il sera employé, recompensé : ce ne seront pas des esclaves qui divertiront leurs maîtres, comme chez les Romains corrompus par le luxe, ennivrés de sang & de victoires ; mais de pieux enfans qui réjouiront la vieillesse de leurs Pères, comme à Sparte. […] Le Gladiatorat était une suite des sacrifices anciens, où le sang humain avait coulé : ils étaient abolis depuis long-temps chez toutes les Nations policées, & lorsqu’Homère fait immoler par Achille douze jeunes Troyens sur le Tombeau de Patrocle, le Poète donne cette action comme une marque extraordinaire de l’attachement du Héros pour son ami ; d’ailleurs cet Achille est représenté comme le plus implacable de tous les hommes dans sa colère & dans sa douleur. […] on le voit, blessé, chanceler, tomber, se traîner encore sur la poussière, tandis que son sang s’échappe à gros bouillons : une sombre horreur se peint sur tous les visages ; car les Romains n’en sont pas encore à ces temps de férocité qu’amena le despotisme des Empereurs, où l’on se plaisait à voir périr par centaines des malheureux sans défense*. […] Alors, rassasié de carnage, le Chrétien commença de s’épargner lui même : le noir Africain, l’Américain infortuné, voila des victimes qui suffisent à la soif de sang qui le dévore.
Enfin, l’esprit philosophique qui régne dans ce siécle, regarde ces pressentimens, ces douces émotions que nos Poëtes mettent dans le cœur de deux personnages, unis sans le sçavoir, par les liens du sang, comme un brillant préjugé, une antique chimère.
D'où l'on peut reconnaître quel est ce Démon, qui ne peut être apaisé autrement qu'en lui sacrifiant, non pas des animaux ni le sang humain, mais toute la pudeur, que l'on y détruit sans ressource. » Et voici commeLactant, de fals. rel. l. 2.
Le nom de Jésus-Christ que nous portons, et qui lui a coûté tant de sang, est-ce un nom si vil et si méprisable qu’il ne puisse être déshonoré par aucune action, quelque folle, quelque indécente qu’elle puisse être ?
Aussi elle ne se tait jamais sitôt, que quand on s’expose librement, et de sang froid au danger.
C’est là que, s’accoutumant à regarder un chimérique honneur comme le bien le plus précieux, il apprend à tout sacrifier pour se le conserver ou le réparer, sans égard pour les droits même les plus inviolables du sang et de l’amitié ; et il l’apprend d’autant plus volontiers que c’est un père barbare qui met lui-même un fer assassin entre les mains de son fils, et lui ordonne de tuer ou de mourir.
Si ce Prince eût été dans la pureté de notre foi, et n’eût point souillé sa pourpre royale du sang de quelques personnes qui méritaient mieux de vivre que lui, nos Histoires auraient peu de choses à lui reprocher : Il est toujours vrai qu’il a eu de très grandes parties pour la vie civile ; n’en disons rien que ce qui fait à notre propos : ne regardons que ce qui peut servir au Jeu, et ne dédaignons point de tirer un diamant du milieu de la boue. […] montra bien un jour cette patiente miséricorde envers un joueur : Cet avorton d’Enfer qui fut depuis changé en Ange du Paradis, ayant joué et perdu ce qu’il avait, prit son arc et en décocha vers le Ciel, comme s’il eût voulu appeler Dieu au combat, et l’obliger à lui faire raison de sa mauvaise fortune ; elle retomba devant ses yeux toute teinte de sang, qui n’était que pour lui dire de la part de Dieu : Cesse de m’outrager ; tu as ce que tu peux prétendre, tu as voulu avoir de mon sang, tu en as : Mets bas les armes, retournons en grâce et soyons bons amis ; la chose se terminera à l’amiable. […] Le sang en rejaillit aussitôt : Un enfant le vit et cria au sacrilège ; l’autre se met en fuite, mais au premier pas qu’il fit hors de l’Eglise, il fut réduit en cendres par un coup de tonnerre. […] Plusieurs mauvais sujets ont pris occasion de la Chasse pour faire des parricides, et sous prétexte de porter le coup sur un cerf ou sur un sanglier, ont trempé leurs mains sacrilèges dans le sang des Monarques. […] On ajoute que la Chasse des grosses bêtes inspire une humeur sauvage ; comme elle ne se pratique point qu’avec le fer et le feu, ceux qui en sont s’accoutument à voir le sang, et comme tout le sang est de même couleur, on arrive quelquefois à ce point d’inhumanité, qu’on ne se touche guère plus de la blessure d’un homme, que de la plaie d’une bête.
Si l’autre moitié sembloit goûter un plaisir barbare à voir couler le sang humain, & même expirer les combattans ; quels reproches ceux-ci ne devoient-ils pas se faire, en refléchissant sur la nature de leurs amusemens ?
Tel est le témoignage de Saint Cyprien, lequel étant né dans les ténébres de l’idolâtrie, lorsqu’il exerçoit la profession d’Orateur & de Philosophe, fut converti par le Prêtre Cecilius ; puis ayant éclairé l’Eglise par sa doctrine, étant monté sur le premier Siége d’Afrique, après l’avoir soutenu long-tems par son zéle, il l’édifia par sa mort généreuse, versant son sang pour la foi de J.
On y apprend au peuple à devenir cruel, comme une bête féroce, à la vue de ces hommes massacrés, de ces membres déchirés, de ce sang répandu.
Elle répondit courageusement au tyran qui voulait la séduire : J’ai un époux à qui je garde fidèlement la foi que je lui ai donnée, j’ai reçu de sa main les plus riches habits des vertus, les plus magnifiques parures de la modestie ; il a ceint ma tête d’une couronne immortelle, il m’a couverte des pierres précieuses de sa grâce, son sang adorable est le vermillon qui pare mes joues ; en l’aimant je deviens plus chaste, ses caresses me rendent plus pure, quand je m’unis à lui il embellit ma virginité.
Pour soutenir cet orgueil insensé, & cette ambition démésurée, & fournir à tant de folles dépenses ; il fallut fouler les peuples par des exactions énormes, & se rendre le cruel tiran de ses sujets ; mais qu’importe qu’il en ait exprimé tout le sang, il n’en sera pas moins grand. […] La vue de tant de sang répandu dans le cirque, accoutume à le voir couler sans pitié, rend l’homme cruel, sanguinaire : des bêtes féroces lui apprennent à se faire un jeu de la vie de ses semblables, à plus forte raison à le sacrifier à ses intérêts.
La guerre suivante, pour l’élection du Roi de Pologne Stanislas, ne fut ni moins tragique par le sang qu’elle fit répandre, ni moins comique par les rôles qu’y joua lâ Prusse. […] Un ennemi du Machiavélisme ignore la perfidie & l’usurpation, ne marche pas dans des routes détournées contraires à la probité, & ne ménage point son intérêt aux dépens du droit naturel & du sang humain, qu’il fait ruisseller par des guerres cruelles, faisant pancher la balance, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, pour les éterniser jusqu’à ce qu’il ait dévoré sa proie.
L’excès de ses agitations échauffe le sang, donne des maladies qui conduisent au tombeau. […] Il fut nourri du corps & du sang d’un Dieu qui sanctifia son corps & son ame : vous n’y verrez qu’un corps de péché, un cœur paîtri de corruption, un esprit rempli d’images impures.
On frémit à l’idée de l’arène des Romains, où les gladiateurs, tantôt corps à corps, tantôt troupe contre troupe, faisoient couler des ruisseaux de sang, tant les barbares Césars faisoient peu de cas de la vie des hommes ; mettons-nous les ames à plus haut prix ? […] Dangers extrêmes, dont on ne se tire que par quelque ridicule miracle ; valeur bien différente de celle des Héros Grecs & Romains, qui ne combattoient que pour la patrie, ceux-ci contre les droits de l’humanité, les lumieres de la raison, les préceptes de la religion, les intérêts de la patrie, les ordonnances du Prince, vont en insensés répandre leur sang, & faire couler celui des citoyens.
Quoiqu’il ait vu tomber ses Autels et ses Dieux Profanés par l’horreur d’un désordre odieux ; Quoiqu’il ait vu le sang des enfants et des mères Se confondre en coulant avec celui des pères ; Quoiqu’il voie aujourd’hui ses temples démolis, Sous des débris affreux ses Chefs ensevelis, Les palais renversés, les maisons écrasées, Par la faux des Soldats ses Campagnes rasées, Peut-être qu’il perdrait ce triste souvenir, S’il pouvait se flatter d’un plus doux avenir ; Mais il connaît trop bien que des horreurs nouvelles Lui présagent encore des épreuves cruelles. […] Et ce reste de sang qui prolonge ma vie, Coulera sans regret pour ma chère Patrie. » Térée répond à ces reproches par une tirade hypocrite mais si artistement écrite que le Spectateur ne peut être sa dupe, quoique Leucasius doive être persuadé.
C'est un mélange continuel d'impiété et de religion : ce ne sont point les Idoles des Païens, contre lesquelles Corneille faisait vomir des blasphèmes, ce qui dans la bouche de leurs adorateurs était pourtant un crime, mais qu'on disait, pour l'excuser, être sans conséquence pour des Chrétiens (ce que je n'examine pas ici), c'est le vrai Dieu, contre lequel on versifie de sang froid et l'on fait prononcer des horreurs. […] La tragédie est imparfaite, si elle ne produit cet effet : partout du sang, des morts, des forfaits.
Qu’un homme quitte l’habit de Prêtre, ou de Religieux pour prendre celui d’un Bateleur ; et représenter, en mascarade un Saint qui est dans la gloire, cela n’est que ridicule ; mais que des âmes rachetées du Sang de Jésus-Christ, destinées à la mortification et à la pénitence enfantent un attirail propre à corrompre les cœurs, et s’arment, pour ainsi dire, contre la Croix et l’Esprit de Jésus-Christ, c’est l’excès de l’abomination. […] Tous ont été rachetés du même Sang, ils en ont été également arrosés, tous doivent donc produire les mêmes fruits et en tous temps, et en tous lieux.
Tous les Calaisiens sont des Gascons ; à les entendre, ils fixent les yeux de l’univers & des siecles, ils doivent servir de modèle au monde, ils ont par tout des envieux & des jaloux, leur sang va par tout enfanter des miracles, un Maire de Calais raffermit la couronne, & le lys florissant ombrage l’univers. […] Le cœur du Poëte s’explique par la bouche de l’Acteur : J’abhore un mercenaire usage, & ces hommes cruels, gagés pour se baigner dans le sang des mortels, je n’ai point par le meurtre offensé la nature. […] Du sang de ses sujets veut-il donc s’abreuver, Le Dieu qui sur le trône a daigné l’élever Ne l’a-t-il fait si grand que pour ne rien connoître, Pour juger au hazard en despotique maître, Pour laisser opprimer ces généreux guerriers.
Un sourire moqueur, une parole vaine, Remplissoit leur esprit de fureur & de haine : Et, sans considérer que leur sang est aux Rois, Ils mettoient leur honneur à mépriser les Loix. […] Lui dont le bras vengeur punit sévérement Quiconque ose verser du sang injustement. […] Réprimant les transports d’une injuste vengeance, Il conserve le sang le plus pur de la France. […] « Sang farouche, dans l’Astrologue joué, [The mock-Astrologer] souleve hardiment l’étendard de la débauche, & se déclare contre un légitime Mariage. […] C’est pour de tels sujets que l’Auteur de la nature a donné au sang qui coule dans les veines l’usage de se soulever ».
En lui montrant les deux cavités du cœur, on lui fera comprendre comment par le moyen des veines et des artères qui y aboutissent, le sang passe d’une cavité dans l’autre ; et comment se fait cette circulation merveilleuse qui entretient la vie de l’animal.
« Le vin tente moins la jeunesse et l’abat moins aisément ; un sang ardent lui donne d’autres désirs ; dans l’âge des passions toutes s’enflamment au feu d’une seule, la raison s’altère en naissant, et l’homme encore indompté devient indisciplinable avant que d’avoir porté ce joug des lois. […] Il se rend l’ennemi public par l’exemple et l’effet de ses mœurs corrompues […] Il vaudrait mieux qu’il n’eût point existé.
Le théatre enfanta l’Arêne, il fit naître la soif du sang, comme dans un repas les épiceries irritent la faim. […] Orner le poignard dont on égorge la victime, faire boire son sang dans une coupe dorée, mettre sous les yeux les chefs-d’œuvres de barbarie si vantés de Corneille, de Crébillon, ce n’est qu’en émousser les répugnances, étouffer les remords du crime, & répandre l’esprit de cruauté.
Parce qu’on ne peut accorder ensemble le jeu et l’entretien d’une maison, on abandonne la maison, et l’on ménage tout pour le jeu ; on voit tranquillement et de sang froid des enfants manquer des choses les plus nécessaires ; on plaint jusqu’aux moindres frais, dès qu’il s’agit de subvenir à leurs besoins ; on les éloigne de ses yeux, on les confie à des étrangers, à qui l’on en donne la charge, sans y ajouter les moyens de la soutenir ; on ne les a pas actuellement ces moyens, à ce qu’on prétend, mais pourtant on a de quoi jouer. […] mon cher Auditeur, acquittez-vous, voilà votre principale obligation : n’engagez pas pour un vain plaisir le sang de vos freres et la substance des pauvres : jusques-là il n’y a point de jeu pour vous ou il ne doit point y en avoir, et pour peu que vous y puissiez mettre, c’est toujours trop, puisque c’est le bien d’autrui que vous exposez, et dont vous faites la plus inutile et la plus injuste dépense.
Je me contenterais de vous faire remarquer qu’il ne proscrit pas ces Spectacles du Christianisme, seulement comme ayant leur source dans idolâtrie, qui faisait de ces actions profanes des sacrifices à leurs fausses divinités : où comme s’il ne s’y passait rien qui ne fût contraire à l’humanité naturelle, à l’homme qui abhorre le sang : Mais comme des pompes du Diable, auxquelles nous avons renoncé entrant dans l’Église par le Baptême, et devenant membres de Jésus-Christ, qui a fait profession au nom de tous ses enfants de n’être point du monde : et comme des nourrices des mauvais désirs qui sont les sources fécondes de tous les péchés.
entre lesquels quelquefois un homme est l’hostie, par le larcin du sacrificateur, lorsque le sang découlant du gosier de ce pauvre misérable, tout chaud et tout bouillant reçu dedans une coupe, est jeté sur la face de l’Idole, et cruellement bu, comme si elle avait soif : et entre les plaisirs et passe-temps, que prennent les Spectateurs, ils voient mourir quelques-uns, afin que par tel Spectacle sanglant, ils apprennent à exercer toute cruauté : comme si la rage et furie d'un chacun particulier ne lui suffît point, s’il ne l’apprenait même en public.
Corneille de parler en ces termes : « Si mon âme à mes sens était abandonnée, Et se laissait conduire à ces impressions Que forment en naissant les belles passions. » Et l’humilité de Théâtre souffre aussi qu’elle réponde de cette sorte en un autre endroit : « Cette haute puissance à ses vertus rendue, Et si Rome et le temps m’en ont ôté le rang, Il m’en demeure encore le courage et le sang, Dans mon sort ravalé je sais vivre en Princesse Je fuis l’ambition, mais je hais la faiblesse. » Il fait voir ensuite que les passions qui ne pourraient causer que de l’horreur, si elles étaient représentées telles qu’elles sont, deviennent aimables par la manière dont elles sont exprimées.
Et n’est-on pas contraint de supposer qu’une autre fille aime éperdument le jeune Prince qui a une passion violente pour la Sainte ; et qu’une mère furieuse n’épargne pas le sang de cette Sainte pour satisfaire la passion de cette pauvre malheureuse ?
Almache martir repandit librement son sang pour estancher la cruauté des gladiateurs, & arrester le desordre & superstition des masquarades, & par la sentence de mort de l’impie & impiteux Alipius Prefect de Rome consacra son martire à ce iour de Ianuier : par ceste entresuite des saincts Peres de l’Eglise, on voit comme ils ont employé toutes les forces de leur entendemẽt pour arracher des esprits des Catholiques, ces superstitieuses & idolatres masquarades, les Conciles y ont trauaillé à l’enuy : Cap. […] l’Eglise mesmes qui a redoublé l’office à fin qu’on n ẽployast à autre vsage ces saincts iours, ausquels le sainct des saincts la saincteté mesmes a daigné se reuestir de nostre humanité : se faire homme pour nous deifier & rẽdre plus heureux que les Anges, descendre en terre pour nous monter au ciel, bref qui n’a espargné ny sa vie ny son precieux sang qu’il a respandu iusques à la derniere goutte pour expier noz pechez & nous rendre participans de sa gloire.
quelle constance dans ses Martyrs, qui sur les roues & les échafauts versent leur sang pour la défense de la vérité !
Que le temps n’est pas à eux, mais a Jésus-Christ, qui le leur a mérité par l’effusion de son Sang, comme une grâce.
On fait le fou de sang froid (et n'est-ce pas l'être que de le faire ?)
En 1443, les habitants de la ville de Dieppe remportèrent une victoire signalée sur les Anglais qui étaient venus mettre le siège devant cette ville ; mais cette victoire fut achetée au prix de leur sang, puisqu’ils eurent à regretter plus de 4.000 des leurs. […] Lorsqu’ils rencontrent quelque dame bien faite, ils savent se fouetter si adroitement, qu’ils font ruisseler leur sang jusque sur elle ; et c’est un honneur dont elles ne manquent pas de remercier le disciplinant. » Madame d’Aulnoi, dans son Voyage d’Espagne ac, dit que la manière de se fouetter est devenue un art en Espagne, aussi raffiné que celui de l’escrime, et qu’il y a des maîtres particuliers qui l’enseignent. […] Les disciplinants après s’être déchiré les épaules, de retour chez eux, se frottent avec des éponges trempées dans du sel et du vinaigre, et se plongent ensuite dans la débauche d’un somptueux repas, pour réparer en quelque sorte le sang qu’ils ont perdu, et flatter la chair qu’ils ont si maltraitée.
Ces alterés du sang des bétes qu’on assomme, ces Dieux que l’homme a faits, & qui n’ont point fait l’homme. […] Ce Swift pétri de fiel étoit un misantrope qui n’aimoit que le sang ; il lui falloit Gladiateurs, non des Comédiens.
Sa Lucrece, après s’être donné un coup de poignard, dit à son Pere, que voulant instruire les Siécles à venir de sa vertu, elle n’a point trouvé d’autre plume qu’un poignard, ni d’autre encre que son sang.
le poison de la scène est-il assez violent pour avoir corrompu le sang des Fabiens et des Gracches ?