Les orages de la haute mer sont moins à craindre que la tranquillité d’un pareil port, & de tous les écueils la volupté est celui où l’on peut le moins éviter le naufrage. […] On en imagina pour peindre la volupté ; on ne fut pas long-temps sans les confondre avec la licence. […] L’ivresse, la fureur, les convulsions furent l’essence primitive (& très-fatigante) des danses de Bacchus ; on les métamorphosa en expressions de volupté. […] Ce sont des Locusta, des Brinvilliers, qui sont boire à pleine coupe le poison de la volupté. […] Les attraits séduisans de la volupté, qui corrompent les mœurs, le portent à toutes les œuvres de la chair, en sont inséparables.
« La volupté nous séduit, Son poison abrutit l’âme De l’insensé qui la suit ; Les provinces ravagées Et les villes saccagées Doivent leurs maux à ses traits. » Parnasse Chrétien, tom. […] Quand même ces pièces de théâtre ne contiendraient rien de formellement séditieux, ne suffit-il pas, pour nuire au bonheur et à la stabilité des gouvernements, qu’elles aient une teinte irréligieuse et libertine, et qu’elles insinuent dans les cœurs la mollesse et la volupté ?
Tout le monde aime la volupté, sur-tout la jeunesse qui s’imagine lui être consacrée ; les Poëtes & les Peintres peignent la volupté comme une jeune personne couchée sur un lit de fleurs, environné de tout ce qui flatte les sens ; toutes les passions bouiliantes à cet âge où la chair vigoureuse qui n’a point encore été mortifiée, domine avec insolence, & s’en fait même un privilège, & rien de plus ordinaire au théatre & dans le monde que de dire que la sagesse n’est faite que pour les vieillards, & le bel âge pour les plaisirs ; ceux qui ont des inclinations plus heureuses n’osent les suivre, le respect humain l’entraîne dans la foule, il est emporté par le torrent & on les excuse. […] L’amour de la volupté est la maladie de tous les âges. […] Bien des hommes ne sont guère plus sages, des vieux pécheurs usés par la débauche dont la concupiscence est encore bouillante, & les inclinations vicieuses, ils ressemblent à l’embrasement d’une maison, quand le feu y a cessé on voit long-temps des étincelles & des pointes de flammes percer à travers les cendres ; le feu y vit encore, mais il manque de matière ainsi le goût de la volupté vit encore, la force y manque. […] Cette idée bien plus ancienne que lui, & généralement reçue, il l’a mise en beaux vers latins ; il n’est coupable que de l’avoir rendue trop naturellement & d’une manière dangereuse, il n’auroit pas dû prêter son pinceau à la volupté, mais il n’en est pas le créateur. […] Cette idée est une belle chimère que les femmes ont intérêt d’accréditer pour couvrir leur passion d’un voile, & faire croiré qu’aussi respectables que belles, elles sont de ces Venus admirables, qui renfermées dans cette métaphisique de sentimens, joignent aux grâces & à la beauté dont elles se croyent toujours richement pourvues, une vertu sublime, inaccessible aux tentations de la volupté grossière, que quoique tout passe par le corps avant d’arriver à l’esprit, leur esprit & leur cœur ne s’y arrêtent jamais ; que quoique leur toilette ne produise & ne puisse produire que des tentations charnelles, ce n’est pourtant que pour l’esprit qu’elles offrent des nudités, & mettent du rouge ; que ce n’est qu’à l’esprit qu’on adresse la tendresse du chant, le feu des regards, les attitudes, la danse, le langage du geste.
Ici il emploie les paroles, et les sons les plus propres à inspirer l’amour de la volupté ; là il se sert de toutes les livrées du luxe pour étaler le charme des plus brillantes couleurs, et ce mélange qui étonne, et qui ravit, enivre les sens, subjugue l’âme, et vient à bout de corrompre les cœurs […] N’est-ce pas là que tout l’art s’épuise à raffiner les plaisirs, à faire entrer le luxe et la volupté, par les oreilles et par les yeux, pour en remplir l’âme, et pour les faire triompher ? […] Après avoir formé des Cirques et des Amphithéâtres, où les hommes s’exerçaient à la vengeance et à la fureur, soit en se tuant eux-mêmes, soit en faisant périr des animaux ; après avoir rempli de sang les Villes entières pour amuser l’oisiveté des Peuples, et pour les accoutumer à devenir cruels, il a employé l’enchantement des Sirènes, à dessein d’introduire la volupté dans tous les cœurs, et de la rendre souveraine de l’Univers. […] Il suffit de vous dire, mes Frères, avec tous les Docteurs de l’Eglise, que le Théâtre est le foyer de l’amour profane, l’école du libertinage, l’empire de la volupté, et conséquemment l’écueil de l’innocence ; mais je ne veux que votre propre témoignage, que l’aveu de votre propre cœur, pour constater ces vérités. […] parce que vous êtes tellement corrompus que rien n’est plus capable de vous pervertir ; parce que vous êtes tellement familiarisés avec le crime, que rien ne peut plus vous séduire ; parce que vous êtes rassasiés de ses infâmes voluptés dont l’habitude conduit à l’endurcissement ; parce que le péché qui règne en vous, vous rend insensibles aux plus terribles vérités.
Le même appelle la volupté, l’appât et l’amorce du mal, pource que par elle, les hommes sont pris, comme le poisson par l’hameçon. Toute volupté donc doit être suspecte, pource que par ses attraits et allèchements elle engage l’homme peu à peu, jusques au point auquel il ne tient plus de mesure. […] Car, comme il y a des convoitises de l’argent, des dignités, de la bouche, de la gloire, et des souillures de la chair ; aussi y en a-t-il de la volupté : Et les spectacles étant une espèce de volupté, on ne peut nier que la convoitise d’iceux ne soit défendue ». […] Il est vrai que lors en plusieurs lieux on nourrissait les acteurs de ces déshonnêtes voluptés : mais tout était rempli et gorgé de biens. […] Nous corrigeons « vicieuses » et « pernicieuses » en « vicieux » et « pernicieux » (les voluptés et les plaisirs).
En vain, pour l’appuyer, la volupté s’empresse ; La Comédie expire, et son vain défenseur Ne sert qu’à réveiller le courroux du Censeur. […] Ou, s’il est à pleurer certaine volupté, Pleurons des saints héros la mort, l’adversité.
condamne toute sorte de concupiscence et de volupté ; que l'esprit de l'homme n'est pas assez insensible pour n'être pas agitéChap. 15. […] c'est une volupté interdite aux Chrétiens ; mais surtout dans les chapitres 28, 29 et 30 de son traité contre les spectacles, il établit merveilleusement quels doivent être les plaisirs des Chrétiens, par opposition à ceux dont il prétend leur défendre l'usage.
Sur ce que vous dites qu’une chose qui peut produire quelquefois de mauvais effets dans des esprits vicieux, quoique non vicieuse d’elle-même, ne doit point être défendue, quand surtout elle peut servir à l’instruction et au délassement des hommes ; je réponds avec Saint Augustin, (voilà un Antagoniste digne de vous ;) je réponds, dis-je, avec Saint Augustin, que le fond de l’homme étant naturellement vicieux et corrompu, et les meilleures choses par conséquent sujettes à être tournées en poison presque chez tous les hommes, tout ce qui se présente à eux sous une image de volupté, même la plus innocente, peut causer de terribles impressions sur les âmes, et les cause même nécessairement. […] Disons donc que la Tragédie est un mélange adroit de douleur et de volupté, et qu’elle n’a pour but que de raffiner l’amour propre, ou l’amour déréglé des Créatures. […] C’est à ce contre-coup délicat que l’Auditeur se déclare pour le mérite du Poète ou de l’Acteur ; (car ils font souvent bourse commune :) mais je ne veux, pour renforcer ma Thèse, que ces larmes touchantes, que ces extases de douleur et de volupté.