J’ai vû bien des Gens enchantés de ce trait & d’une infinité d’autres. […] Ces sortes de traits sont fréquens dans les Pieces de Racine. […] Les passions doivent être assorties aux caractères, en prendre les traits, l’empreinte, & pour ainsi dire la couleur. […] Ces malheureuses foiblesses de l’humanité se reconnoissent par-tout aux mêmes traits. […] Que de traits hardis !
NOus avons vu bien des traits, pour & contre, qui régardent la Magistrature ; en voici quelques autres, le Palais en fournit grand nombre, depuis qu’on a pu se persuader que le goût du spectacle peut s’allier avec le goût de l’étude & du travail ; l’assiduité à la comédie avec l’assiduité au tribunal, les mœurs du théatre avec la gravité & l’intégrité des Juges. […] Sans compter le tour de bâton des actrices ; si au contraire il leur échape quelque trait malin, qui nuise au succès de quelques pieces, il sera exilé, non pas jusqu’à être réfusé, s’il apporte de l’argent, cette clef ouvre toutes les portes ; mais on lui ôte son gratis. […] & seq. veut que les Pantomimes soient très-utiles, non pour enseigner les regles de la vertu, ils ne parlent point ; mais pour amuser une multitude de spectateurs dans les Fêtes publiques ; qui ne pouvant pas entendre, pensent voir de fort loin, (la finesse du geste, du coup d’œil, des traits du visage, &c. ne vont pas plus loin ni si loin que le son, ce n’est peut-être que de gros Lazzis ;) on ne connoît pas les grandes ressources du génie pantomime, on peut en faire un spectacle intéressant, (il faudroit être fort habile pour en faire autre chose que de l’amusement,) il est vrai qu’il veut le faire accompagner d’une musique de génie représentative, & très expressive ; car les airs, dit-il, ne sont que l’expression d’une passion cachée, il faut en représenter le motif & la cause, ce qui met dans la nécessité d’un recitatif joué par le pantomime, ce qui eut ramené non les paroles, mais seulement, & même rarement le sentiment. […] Ne peut-on pas dire aussi, il faudroit fermer les yeux, & n’ouvrir que les oreilles ; l’un & l’autre est vrai, & faux à divers égards : le pas pantomime ne rend que la moitié de l’action ; on sent bien mieux quand on entend les paroles, si les gestes, les mouvements, l’attitude, les yeux, la phisionomie rendent la pensée & les sentiments ; combien de tableaux de nuance perdus ou incertains, si la parole ne donnne le mot de l’énigme, aussi le ton, l’inflexion de la voix, la lenteur & la rapidité de la diction ajoutent les traits les plus vifs, ce sont les couleurs de l’oreille, pour ainsi dire. […] Le Pere Tournemine Jésuite, entousiasmé de Corneille, écrivit en Espagne pour savoir en quelle année Calderon avoit composé sa piece, & s’il étoit venu en France ; on ne se souvint pas de l’année de la composition, mais on lui apprit celle de l’impression, après 1647, que l’Heraclius de Corneille fut joué ; mais avant son impression, on lui marqua que Calderon étoit venu à Paris, y avoit fait des vers à l’honneur d’Anne d’Autriche, qu’il avoit pu voir représenter, & avoir retenu plusieurs traits de Corneille.
Mais les pasquinades ne sont que des bons mots, des traits malins, de épigrammes satyriques : il est rare qu’on fasse des pieces d’une grande étendue. […] Allusion maligne, mais injuste, à ses liaisons avec la Princesse de Santa-Cruce, & appuyée sur des traits des poësies de sa jeunesse, avant son cardinalat, où l’on trouve des endroits galans. […] Entre une infinité de traits répandus dans ses discours, il établit par-tout les principes de morale qui en font la condamnation. […] Voici un trait singulier de S. […] C’est un trait d’adresse dans la déclamation auquel on s’exerce plusieurs jours à l’avance : car ces soufflets oratoires ne sont pas prescrits par le cérémonial.
Voici quelques traits singuliers d’une conduite bien différente. […] En effet ce qui fait le plus rire dans les comédies, ce sont les traits obscènes de satyre contre les mœurs des femmes. […] Ces plaisanteries, ces invectives sont les traits qui amusent le plus, ils deviennent de bons mots qu’on n’oublie pas, & que par-tout on débite, & se tournent en proverbes, Qu’importe ? […] Voici un trait qui caractérise parfaitement l’empire que le théatre donne aux femmes, & l’abus qu’elles en font. […] Voici des traits d’une autre espèce.
Le Cirque a mille occasions favorables, l’amour combat sur l’aréne avec les Athlètes, en voyant les blessures des autres, il s’est trouvé lui-même blessé, & le trait qu’il a vu voler a percé son sein : Sæpe puer Veneris pugnavit arenâ, & qui spectavit vulnera vulnus habet. […] Les traits si perçans du vice ont-ils besoin d’être aiguisés ? […] Pour un trait de morale froidement débité par quelque Acteur subalterne, souvent ridicule, quelle liberté de tout dire ! […] Je ne sais si les Ursulines de M… avoient lu ce trait d’histoire ; elles en firent un semblable. […] Ce trait ne prouve pas moins la corruption des mœurs que celle du goût du siecle & du théatre.
Nous venons d’en examiner tous les traits.
Quelle si délicate pudeur, quelle innocence si austère, exposée sans préservatif à l’air du monde le plus contagieux, au milieu d’une foule d’objets tous fort tentants ; en butte et à découvert à une grêle de traits empoisonnés, peut sans miracle n’être point blessée ? […] Ainsi vivent ces âmes innocentes et vertueuses, tandis que ce qu’il y a de plus faible parmi les Chrétiens, croit pouvoir assister tous les jours sans périls, à ces spectacles profanes ; c’est-à-dire, s’exposer sans défense à tous les traits empoisonnés des ennemis de notre salut, et se précipiter sans armes dans le plus redoutable de leurs retranchements. […] Mais pour ne pas chercher la mort, est-on moins en danger d’être percé de coups quand on s’expose à mille traits.
Le Testament politique de Voltaire, dont je soupçonne Freron d’être l’auteur, qui du moins en a l’air & les traits, est une satire violente des mœurs, de la Réligion, de la probité, des opinions, des ouvrages de ce fameux poëte. […] Voici des traits qui caractérisent l’Histoire de Galligones, ou Mémoires de Sarecan. […] On auroit dû le faire expliquer aussi sur son Appologie du théâtre, d’une très-mauvaise morale, & sur ses Contes moraux, trop passionnés & trop libres, quoique mêlés de plusieurs bonnes vérités, & de plusieurs traits de morale utiles, qui semblent en être le passeport. […] Si c’est là la perfection, qu’on me dise, quels sont les défauts essentiels, ceux dont on a affecté de mauvaises rimes, des vers plats, des traits froids, des scénes mal dialoguées, &c. […] Ronsard a mille traits de génie, qui a été plus loué que lui.