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82. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre VI. Des Actes ou des divisions nécessaires au Poème dramatique. » pp. 90-106

Les Poètes grecs ne se servaient point du terme d’Acte ; ils divisaient leurs Comédies & leurs Tragédies en Protase, Epitase, & Péripétie, ou Prologue, Episode, & catastrophe ; il ne faut pourtant pas croire qu’elles n’eussent que trois parties. […] Je ne sçais par quelle singularité nous prétendons qu’une Tragédie n’ait jamais moins de cinq Actes. […] Certain Auteur17 imita sa hardiesse d’une façon nouvelle, en composant une Tragédie en quatre Actes. […] Leur Orchestre ne se fesait point scrupule de jouer autrefois dans les entre-Actes d’une Tragédie des airs extrêmement gais, & dans ceux d’une Comédie, des Symphonies nobles & sérieuses ; mais depuis quelque tems, tout ce qu’il éxécute est lié au genre & même au sujet de la Pièce représentée, autant que la vraisemblance le permet. […] M. de Mailhol ; Ramire, Tragédie, mêlée de Scènes comiques, représentée aux Italiens en 1757.

83. (1600) Traité des Jeux comiques et tragiques « [Traité] » pp. 3-62

Quelque autre usant d’Ironie Comique, dira : « Puisque je traite des Comédies et Tragédies, il me doit être permis, de commencer par exclamations Tragiques, etc. […] Ces fondements posés, il sera aisé de vider notre question ; à savoir, S’il est permis de jouer Comédies, Tragédies, et autres tels jeux, en l’Eglise Chrétienne. […] Aussi lisons-nous, que quelques Poètes anciens, pour avoir mêlé en leurs Tragédies des histoires saintes, ont été punis, les uns d’un subit étourdissement, les autres d’aveuglement. […] Et certes la modestie, et l’ordre de nature, ne doivent pas être gardés seulement en l’Eglise, mais en tout lieu, principalement en compagnie, qui n’est jamais petite, aux lieux où se jouent Comédies ou Tragédies. […] qu’on préfère les gentillesses de nos Pastorales, Farces, Momeries, Mascarades, Ballets, à toutes les Comédies, Tragédies, Satyres, Mimes et Pantomimes des Anciens ?

84. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VIII. Du Stile. » pp. 287-319

On écrit les Tragédies modernes avec autant d’emphase & de faux brillans que les Héroides, ce petit Poème bâtard, produit par la Tragédie, & qui n’est qu’une ennuyeuse imitation de son Monologue. […] Ce Vers est-il digne de la Tragédie ? […] La construction du Vers suivant me paraît vicieuse, sur-tout dans une Tragédie : 44 Ma vie & mon amour tous deux courent hazard. […] Une faute d’éxpression ou de bons sens dans un de nos Opéras n’est point si remarquable, ni d’une si grande conséquence, que la moindre négligence qu’on apperçoit dans une Tragédie ou dans un Poème épique. […] Ne dirait-on pas que plusieurs de nos Tragédies nouvelles, soient l’ouvrage de quelques jeunes Ecoliers ?

85. (1761) Les spectacles [Querelles littéraires, II, 4] « Les spectacles. » pp. 394-420

On sçait que Racine fut déchiré des mêmes remords, &, qu’après s’être retranché à ne composer que des tragédies saintes, il abjura totalement le théâtre, & se retira à Port-royal pour y expier, dans les larmes, l’abus qu’il croyoit avoir fait de ses talens. […] Cet écrivain, moins recommandable encore par la supériorité de ses talens que par la pureté de ses mœurs, composoit, toutes les années, des tragédies & des comédies pour les exercices accoutumés de sa classe. […] Pour les sapper tous par les fondemens, il commence par invectiver contre la tragédie. […] Il prétend que, s’ils consultent leur cœur à la fin d’une tragédie, ils tomberont d’accord de ce qu’il avance. […] Il est peu de tragédies où l’on ne trouve à s’instruire : dans Bérénice même, on apprend à vaincre la passion la plus violente.

86. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles — 2. SIECLE. » pp. 81-106

Outre cela les Comédies, et les Tragédies expriment tout ce qu'il y a de honteux dans l'histoire de vos Dieux: vous regardez avec plaisir le Soleil plaindre le malheur de son fils qui est tombé du Ciel; vous voyez sans rougir que Cybèle soupire pour un berger qui la méprise; vous souffrez que l'on représente tous les crimes de Jupiter, et que Paris juge le différent de Junon, de Minerve, et de Venus. […] Si les Tragédies et les Comédies sont des représentations de crimes et de passions déréglées, elles sont sanglantes, lascives, impies, et d'une dépense désordonnée, car la représentation d'un crime énorme, ou d'une chose honteuse n'est point meilleure que ce qu'elle représente: Comme il n'est point permis d'approuver un crime dans l'action qui le commet, il n'est pas aussi permis de l'approuver dans les paroles qui nous le font connaître. […] Mais il n'y a rien de plus scandaleux dans tous les Spectacles, que de voir avec quel soin, et avec quel agreement les hommes et les femmes y sont parés; l'expression de leurs sentiments conformes ou différents pour approuver ou pour désapprouver les choses dont ils s'entretiennent, ne sert qu'à exciter dans leurs cœurs des passions déréglées: Enfin nul ne va à la Comédie qu'à dessein de voir, et d'y être vu: Comment un homme se représentera-t-il les exclamations d'un Prophète, en même temps qu'il sent frapper ses oreilles par les cris d'un Acteur de Tragédie ? […] Il répondit hardiment, j'ai eu droit de le faire, puisque je l'ai trouvée dans un lieu qui m'appartient: Une autre femme étant aussi allée à une Tragédie, la nuit suivante elle vit en songe un suaire, et il lui sembla qu'on lui reprochait la faute qu'elle avait commise d'avoir assisté à cette Tragédie, en lui représentant même le nom de l'Acteur; ce qui l'effraya tellement qu'elle mourut cinq jours après: Combien d'autres exemples y a-t-il de ceux qui suivant le party du Démon dans les Spectacles, ont secoué le joug du Seigneur, car personne ne peut servir deux Maîtres: Quel commerce peut-il y avoir entre la lumière et les ténèbres; entre la vie, et la mort. […] Alors les Acteurs des Tragédies se feront mieux entendre, poussant leurs plaintes d'une voix plus éclatante dans leur propre misère.

87. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — Avis de l’Éditeur, Sur les Notes suivantes. »

D’ailleurs ; des détails sur tous les genres de Drame, sur la Comédie, la Tragédie, l’Opéra, la Comédie-Ariette, la Parade, la Parodie, les Ballets, eussent trop retardé la marche du Projet de Réformation. […] La Note [C] traite de la Tragédie.

88. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XVIII. Sentiment d’Aristote.  » pp. 66-68

Quoique Aristote son disciple aimât à le contredire, et qu’une philosophie plus accommodante lui ait fait attribuer à la tragédie une manière qu’il n’explique pas, de purifier les passions en les excitant (du moins la pitié et la crainte) il ne laisse pas de trouver dans le théâtre quelque chose de si dangereuxPolit. 7. 17. […] , qu’il n’y admet point la jeunesse pour y voir ni les comédies ni même les tragédies, quoiqu’elles fussent aussi sérieuses qu’on le vient de voir ; parce qu’il faut craindre, dit-il, les premières impressions d’un âge tendre que les sujets tragiques auraient trop ému.

89. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre II. Le métier de comédien est mauvais par lui-même, et rend infâmes ceux qui l’exercent. » pp. 15-28

Loin de distinguer entre les comédiens, histrions et farceurs, ni entre les acteurs des tragédies et des comédies, la loi couvre indistinctement du même opprobre tous ceux qui montent sur le théâtre : « Quisquis in scenam prodierit, ait prætor, infamis est. […] La tragédie ayant été inventée chez les Grecs, aussi bien que la comédie, ils ne pouvaient jeter d’avance une impression de mépris sur un état dont on ne connaissait pas encore les effets. […] Comme la tragédie avait quelque chose de sacré dans son origine, d’abord ces acteurs furent regardés plutôt comme des prêtres que comme des baladins. 3°.  […] La tragédie n’étant d’abord jouée que par des hommes, on ne voyait point sur le théâtre ce mélange scandaleux d’hommes et de femmes, qui fait des nôtres autant d’écoles de mauvaises mœurs. 6°.  […] Je plains beaucoup les auteurs de tant de tragédies pleines d’horreurs, lesquels passent leur vie à faire agir et parler des gens qu’on ne peut écouter ni voir sans souffrir.

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