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91. (1823) Instruction sur les spectacles « Conclusion. » pp. 195-203

La pudeur, l’innocence, la piété et la justice, n’y paraissent que pour essuyer le mépris des spectateurs : aussi les personnes foncièrement vertueuses et de bonne foi les regardent-elles comme une école d’impureté, comme le foyer de toutes les passions et le centre de tous les scandales qui ravagent la société. […] Les comédiennes, montées sur le théâtre à la place des passions, en secouant les torches de l’impureté sur les spectateurs, en feraient jaillir sur votre cœur des étincelles que vous ne pourriez pas facilement éteindre. […] La terreur, l’épouvante, le désespoir, composeront cette scène d’horreur dont le dénouement sera votre réunion dans l’enfer avec les poètes, les comédiens et les spectateurs aux fautes desquels vous aurez participé et qui auront participé aux vôtres.

92. (1802) Sur les spectacles « FUITE DES MUSES ET DU BON GOUT : Peut-on compter sur leur retour ? » pp. 3-11

J’ai vu des géants, très polis, faire passer jadis tous les nains devant eux, et les spectateurs silencieux gradués comme les cierges à ténèbres. […] Vous n’en voyez pas un qui ne se croie assez de talent pour composer des pièces pareilles à celles dont il est spectateur. […] Les théâtres de pur amusement, où l’on exige moins du spectateur, sont le seul asile où il leur soit possible de pénétrer ; ils s’y réfugient. […] [NDE] A l'époque, les spectateurs au parterre étaient généralement debout et les places étaient moins chères.

93. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « REMARQUES. SUR LE LIVRE DE J.J. ROUSSEAU, CONTRE LES SPECTACLES. » pp. 21-65

« Quand Arlequin Sauvage est si bien accueilli des Spectateurs, pense-t-on que ce soit par le goût qu’ils prennent pour le sens et la simplicité de ce personnage, et qu’un seul d’entre eux voulût pour cela lui ressembler ? […] « Tout en est mauvais et pernicieux (de la Comédie), tout tire à conséquence pour les Spectateurs ; et les plaisirs même du Comique étant fondés sur un vice du cœur humain, c’est une suite de ce principe, que plus la Comédie est agréable et parfaite, plus son effet est funeste aux mœurs. […] « Pour moi je crois entendre chaque Spectateur dire en son cœur à la fin de la Tragédie : Ah ! […] « Je voudrais qu’en général, dans les bals que je propose, toute personne mariée y fût admise au nombre des spectateurs et des juges, sans qu’il fût permis à aucune de profaner la dignité conjugale en dansant elle-même : car à quelle fin honnête pourrait-elle se donner ainsi en montre au public ? […] Si la Pièce nous arrache des larmes, ou de pitié pour un innocent malheureux, ou de joie pour un opprimé qui triomphe ; si elle peint dignement quelque vertu ; si elle inspire de l’horreur pour quelque vice, elle aura les applaudissements qui lui sont dus ; les Acteurs jouiront de ceux qu’ils méritent ; le Spectateur lui-même s’applaudira d’avoir été sensible.

94. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XVII. Accidents arrivés dans les spectacles. » pp. 150-153

« Comme on était sur le point de jouer la comédie sur le palais d’Asté à Rome, le plancher de la salle du spectacle s’enfonça de manière qu’il tourna en tombant, renversa les spectateurs et fit enfoncer le second plancher. […] L’explosion fit sauter le plancher et une chambre qui était au-dessus, et mit le feu à la couverture, qui, en tombant, renversa une partie des murs et embrasa le théâtre ; la plupart des spectateurs sautèrent en l’air avec l’édifice, ou furent ensevelis sous ses ruines embrasées.

95. (1769) Dissertation sur les Spectacles, Suivie de Déjanire, Opéra en trois actes, par M. Rabelleau pp. -71

Nous savons seulement que rien n’y étoit épargné pour la commodité des spectateurs. […] Dans Electre du même auteur, le Gouverneur d’Oreste, en arrivant avec lui sur le scène, l’explique en même tems au spectateur en ces termes : « Illustre rejetton de ce Prince qui conduisit l’armée grecque à Troye, fils d’Agamemnon, il vous est donc permis de revoir l’objet de vos desirs. […] En effet on ne peut jamais que peindre la nature, les mœurs, les caracteres & les passions, & offrir aux spectateurs des imitations dont il doit connoître les modeles. […] A ce Spectacle, l’unité de lieu peut renfermer un espace aussi étendu & changé dans ses différentes parties aux yeux du spectateur, autant de fois que l’unité d’action & de tems le permet & l’exige, lorsque rien ne peut ni ne doit se passer en récit. Il n’en est pas de même des autres Spectacles, où un changement de la scène souvent inattendu, & encore moins desiré, coupe la vivacité du dialogue, & arrête & suspend l’attention du spectateur, qui veut être toujours également intéressé.

96. (1733) Theatrum sit ne, vel esse possit schola informandis moribus idonea « Theatrum sit ne, vel esse possit schola, informandis moribus idonea. Oratio,  » pp. -211

Quid spectatores isti, qui istæ spectatrices aucupantur, & expetunt in Theatro ? […] Vous devenez Spectateur & témoin des combats & des palmes de ces saints Athletes. […] C’est aux Spectateurs respectables de tout état à prononcer. […] Voilà pourtant la partie la plus saine, ou plûtôt la moins mauvaise des Spectateurs. […] Spectateurs, cesserez-vous pour cela d’être coupables ?

97. (1758) P.A. Laval comédien à M. Rousseau « P.A. LAVAL A M.J.J. ROUSSEAU, CITOYEN DE GENÈVE. » pp. 3-189

Est-ce par la crainte d’avouer qu’ils peuvent être bons que vous ne voulez décider de leur valeur que par l’impression qu’ils font sur les Spectateurs. […] Mais, ajoutez-vous, si le Peintre n’avoit soin de flatter ces passions, les Spectateurs seroient bientôt rebutés, et; ne voudroient plus se voir sous un aspect qui les fit mépriser d’eux-mêmes. » Appellez-vous flatter les passions que de fixer l’attention du Spectateur en l’intéressant ? […] De-là je conclus que si le Théatre s’assujettit aux mœurs et; au goût du spectateur, c’est moins pour le flater que pour le corriger par degré. […] Le Spectateur ne sera que trop porté à lui rendre beaucoup plus qu’on ne lui ôte. […] n’oubliez jamais cette utile et; sublime sentence de Ciceron, que le Spectateur a mis à la tête de son article de la médisance.

98. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre V. Du nombre des Acteurs. » pp. 252-256

Le Spectateur, étonné d’un Tableau aussi vaste, ne sait où ses yeux doivent s’arrêter ; il le parcourt d’un œil inquiet : lorsqu’il croit avoir trouvé l’objet sur lequel il peut se fixer, le discours d’un nouvel Acteur lui fait craindre de s’être mépris, son attention détournée à chaque instant, se lasse enfin ; & ne se fatigue plus à écouter un si grand nombre d’interlocuteurs. […] Lorsqu’il voudra mettre sur la Scène un nombre plus considérable que celui que je viens de proposer, il observera qu’il n’ayent rien à dire d’essentiel, & qu’ils n’y soient amenés qu’un moment, & qu’afin de délasser les yeux du Spectateur, trop long-tems arrêtés sur le principal personnage.

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