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30. (1731) Discours sur la comédie « SECOND DISCOURS » pp. 33-303

Elle en souffrit un terrible sous Trajan l’an 164 de l’Ere d’Antioche. […] » Pourquoi donc les souffrir ? […] Et les Magistrats Chrétiens exhortés, ne les souffrir, d’autant que cela entretient la curiosité, et apporte de la dépense et perte de temps. […] Les Evêques les toléreraient-ils, et souffrirait-on qu’ils s’autorisassent du nom du Roi ? […] Ainsi les Magistrats souffrent quelquefois des choses qu’ils n’approuvent nullement.

31. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE VI. De l’indécence du Théatre. » pp. 114-137

Il veut que les Magistrats ne souffrent pas non plus les mascarades, charivaris, bals nocturnes, laquel licentia non deva recatar el Corregidor. […] Tibère, Vespasien, Tite, Trajan, les Antonins, ne souffrirent point ces excès ; ils étoient tombés d’eux-mêmes par la mort des monstres qui s’y livroient. […] Dans les temps les plus lumineux de la Grèce, il falloit donc que la lumiere fût bien partagée, car il est certain que Solon, Licurgue, Thémistocle, Platon, Aristote, lui ont été très-opposés, que Sparte ne l’a jamais souffert. […] Si elle est un mal, pourquoi y souffrir les hommes ? […] La vraie inconséquence des François, comme des Romains, est de fréquenter, de souffrir le théatre que leur religion & leurs loix proscrivent.

32. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VI. » pp. 98-114

Il suit de-là que l’on approuve tout ce qu’on souffre sur le Théâtre ; on ne hait donc pas les galanteries qui s’y produisent, on aime des représentations qui inspirent la tendresse, qui apprennent le langage séduisant de l’amour ; cette passion infâme paroît avec honneur sur la scéne, on fait gloire d’en être touché. […] On représente l’amour, non pas comme un crime, c’est une simple foiblesse, encore une foiblesse noble & agréable, la foiblesse des Héroïnes & des grands Hommes ; c’est une foiblesse que l’on a sçu si bien déguiser & embellir, qu’elle attire tous les regards, elle charme toutes les oreilles, elle séduit tous les cœurs ; le portrait que l’on en a fait est si flatteur, qu’on ne s’en lasse point, on ne souffre plus guères de Spectacles où elle ne se rencontre pas : c’est elle qui préside à toute l’action, elle est devenue essentielle aux Tragédies les plus sérieuses : en quoi la France a enchéri sur les Grecs & sur toute l’antiquité payenne. […] Plus bas, Cornelie parle à César2 : Et parmi ces objets ce qui le plus m’afflige, C’est d’y revoir toujours l’ennemi qui m’oblige Laisse-moi m’affranchir de cette indignité, Et souffre que ma haine agisse en liberté.

33. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre IX. Sentiments de S. Ambroise. » pp. 200-211

Il est encore certain que la scène était alors très épurée : les Empereurs Chrétiens en avaient banni l’idolâtrie et la licence, le Gouverneur de Milan (la Ligurie) ni son père ne l’auraient pas souffert dans leur gouvernement, et le crédit que ce Saint eut sur l’esprit de cinq Empereurs, dont trois l’appelaient leur père et ne se conduisaient que par ses avis, ne permet pas de douter que le théâtre de son temps ne pût aussi bien que le nôtre, se servir, pour l’autoriser, du spécieux prétexte de la prétendue réforme. […] Gardez-vous, dit-il, de fixer vos regards sur la beauté, sur la parure des femmes ; le désir suivrait de près, et le crime serait commis dans le cœur : « Jam mœchatus est in corde. » Gardez-vous d’écouter les douces paroles ni de souffrir les caresses empoisonnées d’un femme de mauvaise vie ; elle porterait le poison et la mort dans votre cœur, bouchez vos oreilles avec des épines, pour échapper à ses pièges : « Aures spinis sapiendæ, ut illecebras sermonis excludas. » Ce détail suffirait pour anéantir les spectacles, où sont réunis tous les dangers du vice. […] Non, les sacrilèges et la fureur d’Hérode ne furent pas si funestes à Jean que le poison de la danse : « Plus nocuisse saltationis illecebram, quam sacrilegi furoris amentiam. » Fuyez donc la danse, si vous voulez être chaste, au jugement même des sages païens ; elle ne peut être que le fruit de l’ivresse ou de la folie : « Juxta sapientiam sæcularem, saltationis temulentia auctor est aut dementia. » Voilà, mères Chrétiennes, de quoi vous devez garantir vos filles ; apprenez-leur la religion, et non la danse ; il n’appartient qu’à la fille d’une adultère d’être une danseuse : « Videtis quid docere, quid dedocere filias debeatis ; saltet sed adultera filia, quæ vero casta est, filias suas doceat castitatem, non saltationem. » Il cite une foule d’exemples de saintes Vierges qui ont mieux aimé souffrir la mort, et même se la donner, que de perdre la virginité. […] à peine a-t-elle l’usage de la raison, qu’elle est le témoin de la vérité ; ses mains, novices au combat, ne le sont pas à la victoire ; à peine en état de souffrir, elle fait recueillir des palmes : « Nondum idonea pœnæ, et jam matura victoriæ, certari difficilis, facilis coronari. » Est-ce au théâtre qu’on cueille de pareilles couronnes, ou qu’on apprend à les cueillir ?

34. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IV. Des Pièces pieuses. » pp. 68-95

Le théâtre lui-même ne le souffrirait pas dans les grands rôles. […] « Eritis sicut Dii. » Souffrirait-on au théâtre des décorations qui représenteraient les mystères de la religion, les Apôtres, les Martyrs ? […] Ce tableau, fût-il de Raphaël ou de Michel-Ange, ne serait souffert que comme les grotesques de Callot, c’est-à-dire comme une extravagance. […] Les ordonnances ne parlent pas de l’usage ordinaire de ces habits, mais je suis persuadé qu’on ne souffrirait pas qu’un Comédien parût dans le monde habillé en Abbé ou en Moine, et une Comédienne en Religieuse. […] La vertu ne souffre ni fard ni nudité ; quelle Actrice y renoncerait ?

35. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Idée des spectacles novveavx. Livre II. — Chapitre II. De la Comedie. » pp. 163-177

Par-là, non-seulement leur ignorance se découvre, leur brusquerie éclate, mais encore leur interest, & le plaisir public en souffrent. […] Ces lieux consacrez aux beaux & honnestes plaisirs, doivent estre sous une protection particuliere du Roy & de ses Magistrats : & loin d’y souffrir l’insolence de ces Breteux, qui ne sont Braves que parmy les Bourgeois & les femmes : il faudroit empescher absolument la liberté d’entrer avec des armes & sans argent. […] Mais la chose qui regarde immediatement le succez ou l’embaras du Spectacle, c’est de tenir de Theatre vuide, & de n’y souffrir que les Acteurs.

36. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE PREMIER. Peinture & Sculpture. » pp. 4-40

Peut-être n’êtes-vous pas catholique, les protestans proscrivent les images des Saints, du moins leur morale ne souffre pas des images obscénes, & les votres le sont. […] Un libertin fait ainsi peindre ses maîtresses, l’ont-elles pu souffrir ? […] C’est un grand mal qu’on souffre, pour en éviter un plus grand ; quel éloge pour les actrices, ce sont des Phrines, des Laïs, des Aspasies ! […] Elle s’offre d’elle-même ; peut-on souffrir que ces infamies soient tournées en ornemens typographiques, & souillent la plupart des livres ? […] On ne souffre que la nudité du Crucifix, à laquelle le monde est accoutumé, & qui ne fait point de mauvaise impression ; ces ordres ont été suivis.

37. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

C’est avec raison qu’on a blâmé Euripide d’avoir représenté Médée, qui égorgeait ses propres enfants ; il faut avoir l’âme barbare pour pouvoir souffrir un spectacle si horrible. […] Un homme féroce et sanguinaire se repaît de spectacles cruels ; les plaintes, les cris, les gémissements des malheureux ne sauraient l’attendrir ; il n’est point touché des maux qu’il fait souffrir aux autres, et il goûte une joie barbare, quand il voit les autres tomber dans de grandes infortunes. […] Des sujets si uniformes sont languissants ; l’âme, se trouvant toujours dans la même situation, souffre une contrainte qui la gêne : on se lasse enfin de pleurer toujours, et l’on abandonne un malheureux à son mauvais sort. […] La qualité des personnes qui souffrent, leurs vertus, leur sexe, leur âge, les dispositions de ceux qui les font souffrir, la nature des peines qu’elles endurent ; tout cela peut beaucoup contribuer à exciter la compassion. […] Solon disait à ce propos, que si l’on souffrait la fausseté dans les spectacles, on la verrait bientôt s’insinuer dans les sociétés, et dans les affaires les plus sérieuses.

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