Pour ceux contre qui les Saints Pères de l’Eglise ont tant déclamé, c’est qu’ils étaient pleins d’obscénités et de représentations honteuses, on a eu soin dans ce siècle d’en purger le théâtre ; la vertu la plus austère n’a rien qui la fasse rougir, ni dont ses oreilles puissent être offensées ? […] Il faudra effacer des Epîtres Canoniques ces paroles de saint Jean, « n’aimez point le monde, ni tout ce qui est dans le monde, parce que ce n’est que concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie », et de saint Paul, « ne vous conformez pas au siècle présent, mais reformez-vous sur l’homme nouveau »Rom. 12. […] Qu’est-ce que tout l’effort de l’imagination des Poètes a pu jamais enfanter d’approchant, c’est là que vous verrez des villes prises, des combats singuliers, des batailles sanglantes, des renversements de Provinces et de Royaumes, de nouvelles Monarchies établies sur les débris des anciennes, des prodiges de valeur, tant de belles Scènes que Dieu lui-même a pour ainsi dire préparées, mais toute la conduite qu’il a tenue depuis le commencement du monde, n’est-ce pas une espèce de poème épique plein d’événements merveilleux, on y voit tout l’enfer déchaîné pour traverser et anéantir ses desseins adorables, le sacrifice d’une infinité de martyrs, des hérésies sans nombre, sorties du puits de l’abîme pour offusquer la lumière de la vérité, ses victoires, malgré l’oppression de ses défenseurs, tout se disposant aux noces de l’Agneau avec l’Eglise, qui se consommeront à la fin des siècles par leur union éternelle, et le spectacle lumineux de la vérité. […] Substituons donc ces objets sacrés aux profanes, ces chastes délices aux impures, rappelons dans notre mémoire les jugements que Dieu a exercéd dans tous les siècles, soit en punissant les prévaricateurs de ses ordres, soit en récompensant ses fidèles serviteurs, et nous goûterons une consolation merveilleuse, parce que si la Cité de Babylone, mère des fornications de la terre semble prévaloir quelquefois contre Jérusalem la Cité sainte, ce n’est que pour augmenter l’éclat de leur couronne, et se voir condamnée elle-même à des supplices plus horribles avec tous ceux qui ont eu part à sa corruption.
» Il faut convenir que la Poétique d’Aristote est un excellent ouvrage : cependant il n’y a rien d’assez parfait pour régler toutes les nations et tous les siècles. […] Alors nous n’aurons que faire de porter envie aux Anciens : sans un amour trop grand pour l’Antiquité, ou un trop grand dégoût pour notre siècle, on ne fera point des Tragédies de Sophocle et d’Euripide, les modèles des Pièces de notre temps. […] Notre siècle a du moins cet avantage qu’il y est permis de haïr librement les vices, et d’avoir de l’amour pour les vertus. […] [NDM] : C’est ce qu’on a vu dans le XVe et le XVIe siècles, où les Histoires de l’Ancien et du Nouveau Testament étaient représentées, ou pour parler le langage de ce temps-là, étaient jouées par personnages, sur des Théâtres publics.
Il se trouva dix ou douze Docteurs qui décidèrent que supposé que dans la comédie il n’y eût rien de scandaleux, ni de contraire aux bonnes mœurs, on pouvait l’entendre ; que l’usage de l’Eglise avait beaucoup diminué de la sévérité apostolique des premiers siècles ; ainsi la conscience de la Reine fut en repos. […] Voltaire (Siècle de Louis XIV) rapporte ce fait, mais n’en parle pas si religieusement ; il veut tirer avantage en faveur de la comédie, de ce que M. de Beaumont, devenu Archevêque de Paris, confirma par son silence la décision qu’il avait fait rendre en Sorbonne. […] Quant à ce qu’on leur fait dire que le Prince n’a pas le même Evangile à suivre que les particuliers, que l’Eglise d’aujourd’hui n’est pas aussi sévère que celle des premiers siècles sur la condamnation du vice et les occasions du péché, c’est une morale de courtisan que la Sorbonne n’a jamais enseignée et autorisée par ses décisions. […] Ce trait serait curieux, il éclaircirait la chronologie du théâtre, il montrerait dès le douzième siècle un spectacle régulier à Rome et à Venise, tandis que toutes les histoires ne font renaître le théâtre en Europe, depuis la domination des Goths, que plusieurs siècles après. […] En vérité Alexandre et Frédéric, dans le peu de jours qu’ils furent à Venise, avaient des affaires trop importantes pour aller à la comédie, qui même n’était ni dans leur goût ni dans celui de leur siècle.
Ils ajoutent tous deux, qu’ils n’y vont que dans le seul dessein de se récréer et de se délasser l’esprit par un divertissement, qui leur paraît innocent : les Comédies d’aujourd’hui étant beaucoup châtiées et beaucoup plus sérieuses et plus honnêtes, que ne l’étaient les pièces de Théâtre des siècles passés : et qu’enfin c’est une coutume reçue dans tous les pays les mieux policés, sans même excepter Rome, où est le premier Siège de la Religion. […] Car l’Eglise a condamné les jeux de théâtre dans tous les siècles, ainsi qu’il paraît par les Ecrits des Saints Pères, qui ont invectivé contre ces vains et pernicieux amusements. […] » Il ajoute que les excuses ingénieuses, par lesquelles on tâche de justifier les jeux de théâtre n’ont d’autre fondement que le seul désir qu’on a de jouir des plaisirs du siècle. « Quam sapiens argumentatrix sibi videtur ignorantia humana ; præsertim cum aliquid ejusmodi de gaudiis et de fructibus seculi metuit amittere ! […] Car peut-on sans faire une injure atroce à ce Saint, lui imputer une doctrine contraire à celle des Conciles et des Pères de tous les siècles ? […] La première : parce que cette sorte de récréation étant par elle-même et par ses circonstances entièrement mondaine, et de la nature de celles que prennent les seules personnes du siècle, elle ne peut en aucune manière convenir à des Religieux, qui par la régularité de leur conduite, et par la sainteté de leur état doivent être très éloignés des maximes et des pratiques du monde, auxquelles ils ont absolument renoncé par leur profession solennelle.
Tout ce qu’elle avait de mauvais, avant ce grand Cardinal, c’est qu’elle était coquette et libertine ; elle écoutait tout indifféremment, et disait de même, tout ce qui lui venait à la bouche ; son air lascif et ses gestes dissolus rebutaient tous les gens d’honneur, et l’on n’eût pas vu en tout un siècle une honnête femme lui rendre visite. […] Ou Louis XIV, le plus glorieux de tous les Roys au monde (s.l., 1664), qui qualifie Molière ainsi : « Un homme, ou plutôt un Démon vêtu de chair et habillé en homme et le plus signalé impie et libertin qui fut jamais dans les siècles passés, avait eu assez d’impiété et d’abomination pour faire sortir de son esprit diabolique une pièce toute prête d’être rendue publique, en la faisant monter sur le Théâtre, à la dérision de toute l’Église, et au mépris du caractère le plus sacré et de la fonction la plus divine, et au mépris de ce qu’il y a de plus saint dans l’Église, etc. » Le pamphlet a été pilonné, apparemment sur ordre de Louis XIV. […] Nous avons l’obligation aux soins de notre glorieux et invincible Monarque, d’avoir nettoyé ce Royaume de la plupart des vices qui ont corrompu les mœurs des siècles passés, et qui ont livré de si rudes assauts à la vertu de nos Pères. […] La sagesse du Roi détournera ces malheurs que l’impiété veut attirer dessus nos têtes, elle affermira les Autels que l’on s’efforce d’abattre ; et l’on verra partout la Religion triompher de ses ennemis sous le Règne de ce Pieux et de cet invincible Monarque, la gloire de son Siècle, l’ornement de son État, l’amour de ses Sujets, la terreur des Impies, les délices de tout le genre Humain, vivat Rex, vivat in æternum. […] Ou Louis XIV, le plus glorieux de tous les Roys au monde (s.l., 1664), qui qualifie Molière ainsi : « Un homme, ou plutôt un Démon vêtu de chair et habillé en homme et le plus signalé impie et libertin qui fut jamais dans les siècles passés, avait eu assez d’impiété et d’abomination pour faire sortir de son esprit diabolique une pièce toute prête d’être rendue publique, en la faisant monter sur le Théâtre, à la dérision de toute l’Église, et au mépris du caractère le plus sacré et de la fonction la plus divine, et au mépris de ce qu’il y a de plus saint dans l’Église, etc. » Le pamphlet a été pilonné, apparemment sur ordre de Louis XIV.
Tel était le scandale que donnaient aux païens et aux fidèles les mauvais Chrétiens des premiers siècles qui s’oubliaient jusqu’à fréquenter la comédie. […] Ces questions n’ont pas lieu en France ; l’autorité royale a toujours réglé depuis plus d’un siècle la police des spectacles, et ne souffrirait pas que les Officiaux qui en jugeaient communément avec le Magistrat dans le seizième siècle, s’en mêlassent aujourd’hui. […] Les Confrères de la Passion, dont les jeux n’étaient que des exercices de religion, furent soufferts, jusqu’à ce que mêlant le sacré avec le profane, ils méritèrent la même animadversion, et cédèrent enfin leur hôtel à une nouvelle troupe qui s’éleva au commencement du dernier siècle, et fit disparaître l’ancien théâtre, et après bien des révolutions, des séparations, des réunions avec d’autres troupes, a pris enfin l’état fixe où nous la voyons aujourd’hui. […] La nouvelle troupe, instruite par les malheurs des anciennes, vivant sous des Rois plus respectés et dans un siècle plus poli, ne se mêle plus des affaires publiques, et a banni la grossière obscénité. […] Outre ces blasphèmes, les maximes vicieuses sur les mœurs sont poussées jusqu’à dire que la conduite des Comédiennes qui vivent en concubinage avec leurs amants n’est pas déshonorante, qu’elle est seulement irrégulière, que le concubinage était autorisé chez les Romains, et même dans les premiers siècles de l’Eglise, qu’il est toléré dans nos mœurs, et qu’il n’y a que celles qui mènent une vie scandaleuse qui doivent être rejetées.
A peine en tout un Siècle en voit-on deux ou trois Dignes de ton suffrage, et dignes de mon choix. […] Dans les Siècles passés comme au Siècle où nous sommes La Nature était lente à faire de Grands Hommes ; Et l’aimable Thalie a longtemps à pleurer Avant que son malheur se puisse réparer, etc. » Voilà, Madame, tout ce que j’en ai retrouvé, et c’en est assez pour vous faire connaître combien je voyais de difficulté à mettre de pareils Noms sur le Théâtre.
Sous ce titre : Discours sur la Comédie où l’on voit la réponse au Théologien qui la défend, avec l’Histoire du Théâtre, et les sentiments des Docteurs de l’Eglise depuis le premier siècle jusqu’à présent. […] Pour cela il rassemble plusieurs faits d’où dépend la connaissance des Spectacles de différents siècles, et rapporte les Jugements des Docteurs de l’Eglise et des Théologiens.