/ 518
150. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre II. Autres Anecdotes du Théatre. » pp. 43-70

La Tetralogie devoit être représentée aux jeunes Dionisiaques ; heureusement pour lui il fit connoissance avec Socrates, & l’entendit parler de la vertu. […] Y auroit-il de comédie si nous n’aimions le vice qu’elle représente, si elle ne représentoit le vice que nous aimons ? […] L’acteur Archelaüs représenta l’Andromede d’Euripide avec tant de véhémance, qu’il eut la fievre, & en devint fou. […] L’auteur l’avoit retirée, & publiée, dit-il ; il l’a fait représenter sur le théatre de société, elle y a réussi, (cela n’est pas doureux), & quoique ce fût un jour de Palais, grand nombre de Conseillers & d’Avocats préférant leur plaisir à leur fonction, s’y rendirent ; ils ont été surpris de voir la verve poétique réunie au talent de l’orateur, même à ceux de l’acteur ; car il y joua aussi très-parfaitement. […] Ce n’est pas que leurs pieces ne vaillent les nôtres, & ne soient aussi bien représentées ; mais c’est qu’on ne croit rien dire au public qui vaille la peine de l’occuper, en lui apprenant le jour où elles ont été jouées, leur titre, intrigue, auteur, acteur, actrice, danseur, &c.

151. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE II. Théatres de Société. » pp. 30-56

Il lui en propose d’abord un qu’il est impossible de représenter honnêtement. […] L’Auteur que le Mercure fait parler entre dans le détail d’une piece qu’il a fait représenter, & où il jouoit le premier rôle. […] On y fit ces vers sur un buste de Vénus qui la représente. […] Mais je ne vais à la comédie, je ne la représente chez moi que pour m’amuser, & je m’amuse innocemment. […] Le spectacle est un crime représenté : le scandale est une scène réelle.

152. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XIV. La fréquentation des spectacles ne peut se concilier avec la vie et les sentiments d’un véritable chrétien. » pp. 118-132

Un chrétien est un homme qui, renonçant du fond de son cœur à tout ce qui flatte les sens, ne doit s’occuper qu’à les mortifier ; qui, ayant fait, comme le saint homme Job, un pacte avec ses yeux, pour ne point les arrêter sur aucun objet qui puisse corrompre la pureté de son âme, doit vivre en ange dans la maison d’argile qu’il habite : un chrétien est un homme dont les oreilles ne doivent entendre que ce qui est bon et édifiant ; qui, tout céleste dans ses pensées, tout spirituel dans ses actions, ne vit que selon Dieu et pour Dieu : un chrétien est un disciple de Jésus-Christ, qui, tout occupé de ce divin modèle, doit le retracer en lui tout entier ; qui adopte la croix pour son partage, qui goûte une vraie joie et une vraie consolation dans les larmes de la pénitence ; qui, toujours armé du glaive de la mortification, pour soumettre la chair à l’esprit, doit combattre sans cesse ses inclinations, réprimer ses penchants : un chrétien est un homme qui, convaincu que tout ce qui est dans le monde n’est, comme le dit saint Jean, que concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie, ne voit dans ces assemblées que périls, dans ces plaisirs que crimes ; et qui, en marchant à travers les créatures, doit craindre d’en être souillé : un chrétien est un homme mort au monde, mort à lui-même, et aussi différent des enfants du siècle que la lumière l’est des ténèbres ; enfin, un chrétien est un autre Jésus-Christ qui le représente, qui l’imite dans toutes ses actions, qui pense comme lui, qui non-seulement s’est engagé à marcher sur ses traces, mais qui a encore juré de ne jamais s’en écarter ; voilà ce que c’est qu’un chrétien. […] « L’effet serait moins infaillible, si la passion était représentée dans sa difformité et avec des couleurs propres à en inspirer toute l’horreur qu’on en doit avoir : mais sous quels traits a-t-on coutume de l’offrir ? […] N’admire-t-on pas un auteur, qui, employant toute la force de son génie à représenter quelque grande passion, sait vous amener insensiblement et par degrés jusqu’à exciter en vous cette passion qu’il a voulu dépeindre ? […] On n’est pas longtemps à chérir ce que l’on voit représenté avec tant d’art ; le cœur ouvert à la séduction reçoit bientôt le trait qui le blesse ; et tel qui était chaste avant d’entrer au spectacle, n’en sort point sans cesser de l’être.

153. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver. » pp. 128-178

Mais on sait que l’intention de l’Auteur, quand il la fit, n’était pas qu’elle fût représentée sur un Théâtre public. […] La première, en se rappellant ce qui s’est passé avant que l’action commençât : la seconde, en pesant mûrement l’action même qui est représentée sur la Scène. […] Je me suis enfin déterminé à ne juger de la Pièce que comme les Spectateurs, et à la considérer uniquement du côté de l’impression que ce mélange d’irrégularité et de bon exemple peut faire sur ceux devant qui elle est représentée. […] C’est de dessein prémédité que j’ai gardé la Tragédie de Brutus pour la dernière de celles que j’examine dans l’idée de les conserver sur le Théâtre de la réforme : et je répète que je l’ai fait de dessein prémédité ; ayant voulu terminer cet article par un exemple remarquable des excès de la passion d’amour ; car ces excès fidèlement représentés sont selon moi presque aussi utiles pour corriger les mœurs que la peinture des faiblesses de l’amour me paraît capable de les corrompre. […] Dans Titus et dans Tiberinus, l’amour de la Patrie, ce qu’ils doivent à leur père, le soin de leur propre gloire, tout est faible et impuissant contre l’excessive passion qui les domine et qui subjugue leur cœur et leur esprit : cette passion est punie, comme elle le mérite, par la mort des deux frères ; et c’est là le cas unique où l’on peut, sans risque, la représenter sur le Théâtre.

154. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre II. Discipline du Palais. » pp. 26-50

Qu’eût-il dit, s’ils avaient paru sur le théâtre et représenté des comédies ? […] Ce furent plus de fêtes, de festins, d’aubades, de montres, de régiments, de compagnies, entre autres ils devinrent Comédiens et Poètes, composèrent et représentèrent des pièces de théâtre. […] Il s’éleva même une troisième troupe sous le nom d’Enfants sans souci, de Prince des sots, qui représentaient des folies ou sottises ; elle s’accommoda avec les deux premières, et le public vit indifféremment sur les trois théâtres, des mystères, des moralités, et des sottises, et à dire vrai, des sottises partout. […] Les Basochiens commencèrent d’abord par se jouer entre eux, et représenter des tours de jeunesse, dont ils fournissaient un grand nombre. […] On le représente comme un malade altéré qui demandait à tout le monde de l’or potable pour étancher sa soif et remédier à ses maux.

155. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VI. » pp. 98-114

L’action, selon Aristote1, suit de près le discours, & on se laisse gagner volontiers par les choses dont on aime l’expression : lorsqu’on déteste un événement, on ne prend aucun plaisir à le voir représenter. […] On représente l’amour, non pas comme un crime, c’est une simple foiblesse, encore une foiblesse noble & agréable, la foiblesse des Héroïnes & des grands Hommes ; c’est une foiblesse que l’on a sçu si bien déguiser & embellir, qu’elle attire tous les regards, elle charme toutes les oreilles, elle séduit tous les cœurs ; le portrait que l’on en a fait est si flatteur, qu’on ne s’en lasse point, on ne souffre plus guères de Spectacles où elle ne se rencontre pas : c’est elle qui préside à toute l’action, elle est devenue essentielle aux Tragédies les plus sérieuses : en quoi la France a enchéri sur les Grecs & sur toute l’antiquité payenne. […] Convient-il à des gens infâmes de représenter les saints Personnages ?

156. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — DEUXIEME PARTIE. — REGLEMENTS. Pour la Réformation du Théâtre. » pp. 99-116

Dans toutes les Pièces nouvelles qui seront écrites pour le Théâtre de la Réformation, soit Tragédies, Comédies, ou autres de quelque genre que ce puisse être, la passion d’amour, telle qu’il est d’usage de la représenter aujourd’hui, sera entièrement exclue : bien entendu, cependant, que, si quelque nouvel Auteur trouvait le secret de donner des instructions utiles sur cette passion, en sorte que les Spectateurs puissent en devenir meilleurs, il faudrait admettre sa Pièce, comme on admet celles où sont représentées la haine, la vengeance et les autres passions ; lorsque ces passions, loin d’être approuvées ou victorieuses, ne peuvent inspirer aux Spectateurs qu’une horreur salutaire. […] Les Actrices, dont les rôles se bornent à représenter dans les Tragédies ou dans les Comédies, peuvent conserver dans leurs habillemens toute la modestie et toute la décence que le sexe et la société exigent : il n’en est pas de même des Danseuses ; en supposant du moins qu’elles sont forcées de faire ce qu’elles font, c’est-à-dire de porter des habits très courts, et souvent d’avoir la gorge découverte, c’en est assez, sans en dire d’avantage, pour prouver que la modestie ne peut s’accorder avec cette profession.

157. (1768) Instructions sur les principales vérités de la religion « CHAPITRE LII. De la Comédie et des Spectacles ? » pp. 142-146

Si la comédie se bornait à représenter, avec décence, des exemples édifiants, ou les actions mémorables des grands hommes, elle ne serait point condamnable ; mais ce n’est point là ce qu’on y voit. […] Car, sans parler du concours et des rendez-vous de la jeunesse de tout sexe, à qui la comédie est une occasion de désordre, jugeons de la comédie par ses circonstances et par les sujets qui y sont représentés.

/ 518