Mais dans cette rigueur qu'ils exercèrent contre eux, ils ne comprirent jamais les Atellans, les Comédiens, ni les Tragédiens ; ceux-ci furent toujours bien estimés et bien reçus des Magistrats les plus puissants, des personnages les plus illustres, et de tous les gens d'honneur ; l'excellence de leurs Ouvrages, la beauté de leurs Représentations, et l'honnêteté de leur vie qui les distinguait des autres Acteurs, leur fit recevoir un traitement bien dissemblable ; et c'est en quoi presque tous les Ecrivains des derniers siècles se sont abusés. […] explique assez clairement, lorsqu'il parle de Valens que cet Empereur avait au commencement contraint de bouffonner en ces Jeux ; car il dit qu'il y joua des Mimes ce qui fait voir que ce n'était point une représentation de Comédies ni de Tragédies, mais seulement un Jeu de postures et de danses malhonnêtes « Partim infamia, partim humilia, partim ab honestate remota. » Æmil. […] Sur quoi nous pouvons remarquer en passant que dès l'âge de cet Auteur, la Langue Latine dégénérant de sa pureté, le nom d'Histrions commençait à s'appliquer à tous ceux qui s'exerçaient aux représentations du Théâtre.
Le Théâtre perd tout son agrément dans la représentation des choses saintes, et les choses saintes perdent beaucoup de la religieuse opinion qu’on leur doit, quand on les représente sur le Théâtre. […] Depuis qu’on eut formé dans Athènes cet art de craindre et de se lamenter, on mit en usage à la guerre ces malheureux mouvements qui avaient été comme appris aux représentations. […] On ne trouve pas les mêmes inconvénients dans nos représentations que dans celles de l’Antiquité ; puisque notre crainte ne va jamais à cette superstitieuse terreur, qui produisait de si méchants effets pour le courage.
L’autorité séculière, dans son extrême sagesse, les arrêts de nos parlements, défendent la représentation des saints mystères, et la mise en scène des personnages divins qui forment l’objet de notre culte public ; Et le chapitre de S. […] Les deux clergés réunis de Saint-Jacques et de Saint-Remy, l’on sortait de l’église, on portait l’espèce de tombeau ou berceau dans lequel était la représentation de la Vierge, et à ses côtés les filles de Sion ; ensuite le S. […] Pendant toute la durée de cette messe chantée en musique, on donnait aux assistants une représentation de la mère de Dieu. […] Pendant cette représentation qui durait deux heures, l’on voyait un personnage bouffon qui faisait des singeries et se moquait de la sainte Vierge qui montait au ciel ; pour exprimer sa surprise, ce bouffon se couchait par terre pour faire le mort ; se relevait ensuite, et courait avec rapidité se cacher sous les pieds du père éternel, où il ne montrait que sa tête. […] Ils se rendaient tous à l’église, après les vêpres de ce jour 4 août ; on faisait la représentation de la sainte Vierge sur un théâtre devant l’hôtel de ville.
Les Spectacles de notre siécle n’ont rien de commun avec ceux des Payens où le danger de l’idolâtrie étoit évident ; alors on sacrifioit aux Idoles, avant la représentation, on voyoit sur le Théâtre des combats de Gladiateurs. […] J’en conviens, mais ce sont des Chrétiens qui leur mettent ces blasphémes dans la bouche : jugeroit-on, en assistant à la représentation de leurs Tragédies, qu’ils n’ont point pensé comme Sophocle & Euripide en matiere de Religion.
Je ne fais pas entrer les honoraires des Auteurs dans la Dépense : on pourrait néanmoins supposer à peu près, qu’ils monteront, par an, à la somme de trente cinq mille livres : ce qui joint au Total, complèterait les 600,000 livres : mais cet article de Dépense sera comme nul, par la sur-taxe des Places, aux quatre premières Représentations. […] Les frais journaliers de notre Théâtre se montent actuellement à 400 liv. la Recette ordinaire est de 2000 livres ; à pleine Salle, 4000 livres ; ce qui n’arrive guères qu’aux premières Représentations des Pièces nouvelles.
[D] Opéra : Spectacle Dramatique & lyrique, où l’on s’efforce de réunir tous les charmes des beaux Arts, dans la Représentation d’une Action passionnée, pour exciter, à l’aide des sensations agréables, l’intérêt & l’illusion.
Enfin aucune représentation ne plaisait à ce philosophe, parce qu’il n’y en avait point « qui n’excitât ou la colère ou l’amour ou quelque autre passion » Ibid.
Le Parlement de Paris a toujours pensé de même, soit lorsqu’il abolit les mystères des Confrères de la Passion, soit lorsqu’il s’opposa à la réception des Confrères et à la représentation des pièces, quand, sous le règne de François I. on voulait les introduire. […] Combien de sujets de l’Ecriture dont la représentation les blesse ! […] Quand les Comédiens voulurent la donner, elle tomba dès la première représentation, parce qu’elle fut jouée par des Actrices qui n’étaient pas faites pour elle : Rectos decet collaudatio. » Voltaire, qui déprécie mal à propos cette pièce, et Racine le fils, qui la loue beaucoup, donnent d’autres raisons de sa chute, qui peuvent y avoir contribué. […] « Il fallait, dit-elle, des personnes innocentes pour chanter les malheurs de Sion : la Chammêlé nous eût fait mal au cœur. » Madame de Maintenon, après la mort du Roi, apprit avec surprise que le théâtre s’était emparé de la pièce d’Athalie, et que le Cardinal de Noailles, Archevêque de Paris, qui lui devait la mitre et la pourpre, et qui faisait profession d’une morale sévère, ne s’opposait pas à une représentation qu’elle traitait de profanation, quoiqu’elle lui eût autrefois paru une œuvre de piété dans ses filles. […] Les Magistrats d’Amsterdam, plus sages, défendirent aux Comédiens français la représentation d’Athalie, comme une parodie indécente des livres saints, et un attentat sur la majesté de la religion, et on ne voit pas en effet des sujets pris de l’Ecriture sur le théâtre de Hollande.