Y avoit-il de son tems des Tragédies assez supérieures aux nôtres pour le rendre si difficile ? […] Aristote qui parle peu des caracteres & des sentimens, ne paroît occupé que de l’Action, & des moyens de la rendre capable de produire le plus grand trouble. […] La lecture de cette seule Piéce nous jette dans une émotion que ne nous cause point celle d’Athalie, où la Reconnoissance produit une Catastrophe qui remet le Spectateur dans la tranquillité ; mais en même tems cette Piéce aussi recommandable que celle de Sophocle, par la simplicité, la vraisemblance de la conduite, & la vivacité de l’Action, d’où naît un très-grand intérêt, étant outre cela recommandable par la beauté des caracteres, & les vérités qu’elle enseigne, forme un Tout ensemble, qui la rend digne d’être comparée au Chef-d’œuvre de la Grece.
On ne pourra donc éviter de rendre la salle abordable en tout temps. […] Citez Monsieur, les crimes que le spectacle a fait commettre : citez-en un, et je me rends. […] Par pensées, parce que pour égayer la compagnie on tâche de se rappeler de bons contes, et qu’on réfléchit sur la façon dont on les rendra plus piquants, par l’indécence des images, et l’addition de quelques réflexions polissonnes.
Ici, l’on s’accoutume à regarder le vice sans horreur, on le verra bientôt avec une sorte de complaisance : celle-ci dispose le cœur qui se rend à la suite, l’avant-mur de la Place étant renversé, entraîne la ruine du mur principal, & la prise entiere de la Ville & de la Citadelle. […] Son retour rend la vie à toute la nature ; les êtres étoient plongés pendant la nuit dans une espéce de néant d’où cet Astre les tire ; il répand ses rayons sur l’Hémisphére, comme une source abondante ; mais ses forces diminuent dès qu’il a fourni les deux tiers de sa carriere ; un nuage aussi beau que l’Aurore, l’accompagne jusqu’au bord de l’Océan, & se confond enfin avec les ténébres qui remplacent le jour. […] Celles-ci sont au Firmament, comme autant de flambeaux que la main du Créateur a placés dans une distance respective, qui ne change point, pour marquer son immutabilité ; ces globes mobiles rendent un perpétuel témoignage à sa puissance, par leur immensité, puis à sa grandeur par leur élevation. […] Les eaux de Mara perdent leur amertume, Moïse ayant jetté un bois mystérieux, le bitume dont la vase étoit pénétrée, se dissipe ou du moins il retire ses influences désagréables, pour rendre aux eaux leur douceur naturelle.
Il est vrai que les satyres, qui y jouent un rôle presque nécessaire, ne contribuent pas à les rendre plus modestes. […] Et j'ose même dire que cette apparence d'honnêteté, et le retranchement des choses immodestes le rend beaucoup plus à craindre. […] Mais pour pousser encore davantage cette matière sans sortir pour cela des bornes de la vérité, peut-on appeler tout à fait honnêtes des ouvrages dans lesquels on voit les filles les plus sévères écouter les déclarations de leurs amants, être bien aise d'en être aimées, recevoir leurs lettres et leurs visites, et leur donner même des rendez-vous ? […] « C'est là que tu verras sur la terre et sur l'onde Le débris de Pharsale armer un autre monde, Et c'est là que j'irai pour hâter tes malheurs, Porter de rang en rang ces cendres et mes pleurs, Je veux que de ma haine ils reçoivent des règles, Qu'ils suivent au combat des urnes au lieu d'Aigles; Et que ce triste objet porte à leur souvenir Les soins de me venger, et ceux de te punir. » On ne peut pas dire qu'en cet endroit le Poète ait voulu donner de l'horreur de la vengeance, comme il a voulu en donner de celle de Cléopâtre dans Rodogune; au contraire, c'est par cette vengeance qu'il prétend rendre Comélie recommandable, et la relever au-dessus des autres femmes, en lui faisant un devoir, et une espèce même de piété, de sa haine pour César, qui attire le respect, et qui la fasse passer pour une personne héroïque.
4°, Que comme le péché que commettraient les Ecclésiastiques en allant à la Comédie serait un péché de scandale qui les rendrait responsables de plusieurs autres péchés, où tomberaient ceux qui auraient cru pouvoir suivre leur exemple ; de même aussi les Laïques qui font profession de piété, et à qui la Comédie ne ferait aucune mauvaise impression ne laisseraient pas d’offenser Dieu, et d’être coupables de bien des péchés, parce que plusieurs esprits faibles pour qui la Comédie est un poison mortel ne se déterminent quelquefois à y aller, qu’à cause qu’on y voit aller des personnes qui passent pour pieuses. […] Car si sa présence au Théâtre serait un sujet de scandale et de péché mortel, le Livre qu’il vient de mettre à la tête des pièces de Théâtre le rendrait-il moins criminel ? […] S’il a trouvé dans les saints Canons que les Religieux et les personnes constituées en dignité Ecclésiastique ne pouvaient assister à la Comédie sans se rendre coupables d’un péché mortel, il a dû voir aussi, qu’en même temps que l’Eglise défend aux Ecclésiastiques d’assister aux représentations de Théâtre, elle leur ordonne de détourner les Fidèles de tous ces vains amusements. […] Serait-il en effet nécessaire d’entrer en discussion avec un homme, qui connaissant, à ce qu’il dit, quelle est sur les spectacles la Tradition de l’Eglise manifestée par tous les Pères et les Conciles depuis le premier jusqu’au dernier, laisse à l’écart tous ces Pères et ces Conciles, « pour se rendre, dit-il, à la droiture de la raison », et à une autorité supérieure qu’il croit trouver dans quelques Scholastiques. « Si je m’abandonne à la rigueur avec les Pères de l’Eglise,ce sont ses termes23 , et que j’invective contre la Comédie, comme contre une des plus pernicieuses inventions du Démon, je ne puis lire nos Théologiens, ces grands hommes si distingués par leur piété et par leur doctrine, que je ne me laisse adoucir par la droiture de leur raisonnement, et plus encore par la force du leur autorité.
Il l’a rendu florissant dans ses Etats, & y a appelé de toutes parts, à grands frais, & des acteurs & des actrices, qui avant lui y étoient inconnus. […] Montrez-moi, s’il se peut, un mortel vicieux, Que votre comédie ait rendu vertueux. […] C’est se peu respecter soi même, que d’outrager les oints du Seigneur ; & loin que sa dignité lui en donne le droit, elle devroit le rendre plus circonspect pour ses confreres. […] Ce Prince , dit il, n’étoit grand qu’à la guerre, & très-petit aux opéras ; tous les monumens de sa gloire rendent son triomphe odieux. […] Malgré la fierté qu’ils arborent, l’assurance qu’ils affectent, les blasphêmes qu’ils prononcent, les sophismes, les sarcasmes dont ils s’arment, il n’en est point qui ne rende en secret justice à la religion Chrétienne.
Des qu’une fille est née, on lui serre étroitement les pieds, comme les Negres écrasent le nez de leurs enfans, & les Sauvages leur serrent la tête pour la rendre pointue. […] Les danseurs s’en font une loi, ce que la rapidité & les revolutions de la danse rendent plus difficile & plus incommode ; c’est presque danser sur la corde. […] Tout cela devoit en appuyant le pied se faire sentir à chaque pas, & même incommoder ; mais ce qui fait souvenir de ce qu’on aime n’incommode jamais ; l’amour rend tout agréable : Fœmina in soleis quoque amatoria signa imprimunt, & incedentes amorem sunm in incessu insculpunt. […] C’est elle-même qui le rapporte, s’en applaudit, & en rend gloire à Dieu. […] Mais la plûpart des Eglises sont trop pauvres pour faire cette dépense, que la consommation peut rendre considérable.
711.) sans contredire le fond, veut rendre leurs intentions suspectes. […] La postérité saura peut-être la fin de ce poète Comédien, qui en jouant son malade imaginaire, reçut la dernière atteinte de la maladie dont il mourut peu d’heures après, et passa des plaisanteries du théâtre, parmi lesquelles il rendit presque les dernier soupir, au tribunal de celui qui dit : ’Malheur à vous qui riez, vous pleurerez’. » C’est un jugement bien différent de celui de ses adorateurs, il est bien d’un autre poids. […] Qui peut supporter, disait-on, la témérité d’un Histrion qui plaisante de tout ce qu’il y a de plus saint, tient école de libertinage, et rend la majesté de Dieu le jouet d’un valet de théâtre, qui en rit et en fait rire ? […] Le Roi souffrirait-il qu’on traitât ses sujets de Majesté, qu’on leur rendît les honneurs royaux, qu’ils portassent le sceptre et la couronne ? […] On ne peut trop maintenir le respect dû aux Puissances, aux lois de l’Etat : je loue infiniment le zèle de ceux qui leur font rendre un si juste devoir ; je voudrais seulement que Dieu ne fût pas moins respecté, ses lois moins observées, sa morale moins révérée, sa religion, ses Ministres, son culte moins protégé : le Créateur et tout ce qui appartient à son service, le mérite-t-il moins ?