C'est au Protecteur des Arts, c’est à l’Ami des talents que j’offre l’Apologie de celui que j’exerce pour l’amusement de son auguste Cour ; quel moyen plus sûr de rendre mes arguments invincibles que de les décorer du nom de Votre Majesté ?
Or ce qui y sert le plus est une certaine horreur que la coutume et la bonne éducation en impriment ; et rien ne diminue davantage cette horreur que la Comédie, parce que cette passion y paraît avec honneur et d'une manière qui, au lieu de la rendre horrible, est capable au contraire de la faire aimer.
Malgré les éfforts que nous avons faits pour saisir le vrai goût de la Pastorale, nous sommes à peine parvenus à la rendre supportable sur nos Théâtres. […] Tandis que l’Opéra-sérieux l’environne d’un éclat peu convenable, tandis que la Comédie lui donne un air fade & triste ; notre Opéra la rendra digne de charmer tous les Spectateurs par une parure simple & champêtre, qui lui convient mieux que de pompeux ornemens. […] Je réponds, que c’est afin de rendre l’illusion plus frappante, ce charme du Théâtre.
Y considère-t-on jamais les crimes par opposition à la loi éternelle et à la sainteté de Dieu qui rend ceux qui les commettent dignes des flammes de l’enfer. […] Le démon se rendra bientôt maître du corps, de la place, après que vous lui aurez laissé prendre les dehors ; et que lui importe dans le fond par où il se rende maître de votre cœur, je veux que ce ne soit pas par la volupté, n'y a-t-il que cette seule passion qui soit excitée au théâtre, celles d’ambition et de vengeance ne le sont-elles pas également, il lui est assez indifférent que vous soyez voluptueux, vindicatif ou superbe, pourvu que vous deveniez sa conquête.
Enchanté des images de sa maladie, il idolâtre tout ce qui lui rend sa corruption sensible. […] N’est-ce pas le comble de la misère de ne pouvoir trouver de plaisir que dans ses propres maux, et de récompenser ceux qui apprennent à les entretenir et à les rendre incurables ? […] n’est-ce pas avouer tout haut qu’on veut rentrer sous l’empire du démon, et se rendre à lui tout entier ?
Le démon au milieu de tout cet air si riant qu’il donnait à la superstition et au culte qui lui était rendu, ne pouvait cacher la haine mortelle qu’il porte à l’homme ; c’est pourquoi n’étant pas content du sang des bêtes dans le temps même où Dieu n’en demandait point d’autre, il exigea dans ses Mystères qu’il y eût du sang humain répandu. […] La plupart de ces Dieux ayant été de grands hommes, on fit leurs éloges, et on loua ce qu’ils avaient fait de beau, pour les rendre vénérables à ceux qui ne s’accommodaient pas du silence que les Prêtres ont gardé le plus longtemps qu’ils ont pu touchant leurs Divinités. […] O Dieu, s’il est si difficile de nous rendre dignes de vous, et de purifier notre imagination autant qu’elle le devrait être quand nous approchons de vos redoutables Mystères, quoique par votre grace la plus grande partie de la journée soit occupée à des choses serieuses ! […] Ce Dieu de Théâtre paraît enfin au milieu des airs dans une illumination prodigieuse, assis sur des trophées d’Armes, qui imposant de la main silence à toute la symphonie, fait connaître qu’il approuve le Héros de la Pièce, et qu’il se rend favorable à ses désirs. […] Le repos qu’il est permis à l’homme de prendre, pour honorer celui de Dieu, n’est pas afin qu’il s’abandonne à la fainéantise, qu’il donne toute liberté à ses yeux, qu’il s’expose à des objets capables d’émouvoir ses passions ; mais afin qu’il rentre en lui-même, qu’il médite la Loi du Seigneur, qu’il interrompe les idées terrestres dont il a été occupé les autres jours ; pour rendre à son Créateur ce culte que les vrais adorateurs lui doivent rendre en esprit et en vérité.
Cet Apôtre prétendu ne détruisit l’idolatrie que pour réduire tout au culte du soleil, culte contraire à la vraie religion qui ne connoît qu’un seul Dieu, & à la vraie honnêteté qui rend à l’Etre suprême ce qui lui est dû. […] Ce sont des Harpies obscenes qui corrompent & infectent les cœurs, & qui toujours affamées, dévorent les biens des hommes, qu’elles rendent enfin misérables. […] Je commençois à me rendre, lorsqu’elle laissa tomber son masque séducteur. […] Il en résulte encore que le danger est extrême, parce qu’un penchant naturel & violent dans la jeunesse se joint à la facilité de se satisfaire par la dépravation des femmes dont un grand nombre corrompu, non-seulement se rend sans peine, mais tend des pieges à dessein, agace, poursuit, fait tomber dans le crime, & s’en fait gloire. Une autre folie : le Chevalier gentilhomme a été comédien, & l’amour d’une Actrice l’en a rendu.
Le mariage règle la concupiscence, mais il ne la rend pas réglée ; elle est toujours déréglée en elle-même et ce n'est que par force qu'elle se contient dans les bornes que la raison lui prescrit.