J’ai rapporté dans l’Histoire de la Poësie Dramatique chez les Grecs, que pour rendre la joie au Spectateur attristé par la Tragédie, les Poëtes inventerent les Piéces Satyriques, Piéces de mauvais goût, parce qu’il ne peut y avoir d’alliance entre la Tragédie & la Comédie, deux espéces de Poësie, entierement opposées l’une à l’autre. […] Aristophane, un de ces Génies, heureusement très-rares, parce qu’ils sont très-dangereux, Génies qui sachant assaisonner d’un sel fin, les choses les plus grossieres, savent faire rire à la fois la canaille & les gens d’esprit, entreprit de rendre utile, non pas aux mœurs, mais au Gouvernement public, une Comédie si folle & si obscéne. […] Homere qui veut rendre ses Dieux méprisables, les fait éclatter de rire, & leur rire ne finissoit point. […] Il en estimoit une surtout, que ses Amis l’ont sagement empêché de rendre publique. […] L’Imitateur enjoué, rend amusans des objets qui par eux-mêmes sont très-ennuyeux.
Orosmane lui rend son argent, y joint de grandes largesses, & quatre-vingt-dix autres Chevaliers, mais il retient Zaïre & Lusignan, que personne ne pourra lui enlever qu’avec la vie. […] En ce cas, quelque confusion qu’on suppose dans une Ville prise d’assaut, le Soudan avoit trop d’intérêt à se rendre maître de Lusignan & de toute sa famille, pour qu’il n’eût pas donné les ordres les plus précis à cet égard. […] Loin que cette confidence aigrisse la gouvernante, elle entre dans ses vues ; elle est flattée de l’hymen que lui propose le Soudan ; elle l’en félicite, & lui rend d’avance l’hommage de sa soumission. […] Il connoissoit bien peu ses intérêts, quand il promit de le rendre, ou il avoit fait de grands progrès dans la politique, depuis le départ de Nérestan ! […] Toutes ces raisons ne rendent la chose que possible, & elles devoient lui donner un dégré suffisant de vraisemblance.
Les Tragédies Grecques me font faire une observation ; les Anciens ont établi l’ambition pour motif de l’action tragique, et quelquefois la passion d’amour aussi, dans le dessein de la rendre instructive, comme j’ai dit. […] Je ferai mention, en passant, de l’art du Poète pour préparer l’attentat que prémédite Rodogune, quand elle veut faire assassiner Cléopâtre : l’Auteur, qui a senti la bassesse d’une telle action, s’est imaginé de la relever et de la rendre digne du tragique par l’horreur extraordinaire que Rodogune inspire en la proposant. […] J’avais cherché à me convaincre moi-même, qu’on peut rendre instructive une passion aussi criminelle que celle de Phèdre ; la critique juste et solide d’un de mes amis m’a éclairé et m’a fait revenir à mon premier sentiment, qui était de croire cette Pièce insoutenable sur le nouveau Théâtre ; surtout quand je donne l’exclusion à des Tragédies qui, en comparaison de celle de Phedre, mériteraient presque d’être placées parmi celles que je conserve. […] Ladislas aime la Duchesse Cassandre, et aspire à la possèder comme maîtresse et non pas comme épouse ; sa passion effrénée le transporte jusqu’à le rendre furieux. […] Si l’amour condamnable de Ladislas reçoit le salaire qui lui est dû, la vertu de Cassandre n’est point exempte de reproches, et ne peut servir de modèle, parce que le Poète n’a pas donné à cette vertu la pureté et l’éclat nécessaire pour la rendre digne d’être admirée et d’être imitée.
Si Molière a rendu Tartufe odieux au cinquième Acte, c’est, comme M. […] Socrate, qu’Aristophane déchirait dans cette Pièce, non-seulement y était designé & nommé, mais le Comédien avait un masque qui le rendait parfaitement ressemblant au Philosophe : cet homme vertueux y assista, & se tint debout, pour prouver aux Athéniens, qu’il était impossible qu’il rougît de lui-même]. […] Molière le rend amoureux d’une Coquette, il est comique. […] Mais une division plus essencielle se tire de la différence des objets que la Comédie se propose : ou elle peint le vice, qu’elle rend méprisable, comme la Tragédie rend le crime odieux ; de-là le comique de caractère : ou elle fait les hommes le jouer des évènemens ; de là le comique de situation : ou elle présente les vertus communes avec des traits qui les font aimer, & dans des périls ou des malheurs qui les rendent intéressantes ; de-là le comique attendrissant. […] Telle est, dans l’Avare de Molière, la rencontre d’Harpagon avec son fils, lorsque, sans se connaître, ils viennent traiter ensemble, l’un comme usurier, l’autre comme dissipateur… Quant à l’utilité de la Comédie, morale & décente comme elle l’est aujourd’hui sur notre Théâtre, la révoquer en doute, c’est prétendre que les hommes soient insensibles au mépris & à la honte ; c’est supposer, ou qu’ils ne peuvent rougir, on qu’ils ne peuvent se corriger des défauts dont ils rougissent ; c’est rendre les caractères indépendans de l’amour-propre qui en est l’âme, & nous mettre au-dessous de l’opinion publique, dont la faiblesse, l’orgueil sont les esclaves, & dont la vertu même a tant de peine a s’affranchir.
DocteurIntrod. 3. part. chap. 34 [François de Sales, Introduction à la vie dévote, 3e partie, chap. 34], est d’ôter le venin aux choses empoisonnées, et de rendre permises celles qui sont défendues, pour le péril qu’il y a d’en user. […] Enfin qu’il ne donne son consentement qu’à ceux qui suivent exactement les instructions qu’il prescrit dans son Introduction, qui ne peuvent être pratiquées sans jeter dans l’âme un extrême dégoût de toutes ces niaiseries : et sans les rendre très pénibles à ceux qui sont contraints de s’y amuser. […] Ils se joignent à ces malheureux dont parle le Prophète, et te rendent exécuteurs de leur mauvaise volonté, « Quiescere faciamus omnes dies festos Dei. » Ce qui est si sensible à l’Église, qu’elle veut qu’on les retranche de son Corps, dans le quatrième Concile de Carthage, comme des membres pourris, avec le glaive de l’excommunication. […] Contentez-vous, s’il vous plaît, de ce petit essai, que j’ai fait plutôt pour satisfaire votre pieuse inclination, que pour vous persuader une vérité constante parmi les vrais Chrétiens, et que ceux-là seulement veulent rendre douteuse, qui s’aveuglent volontairement eux-mêmes, et qui ressemblent à celui qui renonce à la lumière pour se porter au mal avec plus de liberté « Noluit intelligere ut bene agat », Ps. 35. […] [NDE] Nous corrigeons un pluriel intempestif (« rendent »), le sujet étant « la forme ».
Quichotte, qui rend mal de fort bonnes pensées ; mais les Auteurs n’ont eu assurément en cela aucune idée de jouer le Ciel. S’ils eussent manqué de probité, il leur auroit été facile de rendre le Libertin moins détestable. […] Cette disgrace vient de la témérité des Poëtes, dont ils se sont rendus les Organes. […] Et à cette occasion, on demandera si l’on doit, comme le font de certains Ecrivains, rendre les Comédiens responsables de toutes les iniquités des hommes ? […] Du côté de la Politique, à se rendre, de plus-en-plus, sévère sur le choix des Sujets.
Mais appeler le galant, l’attaquer, le flatter, exciter ses désirs, lui promettre toute sûreté, dire qu’on se rend, qu’on lui accorde tout, fermer les portes, regarder de tous côtés pour commettre l’adultère sans risque ; quelle leçon pour les femmes & les filles ! […] 9.° Moliere porte la maladresse jusqu’à joindre à tous les traits qui rendent Tartuffe odieux, des circonstances qui en diminuent la noirceur. […] Peut-on plus indignement abuser & se moquer du langage de la piété, & la rendre plus méprisable, que de la confondre avec le vice ? […] C’est bien applanir la voie aux amans que de rendre les femmes si commodes, & que disent de plus dans le monde ceux qui se plaignent des résistances de la vertu ? […] Cette idée, tout-à-fait louche, est sans vrai-semblance : le Roi fait-il rendre aux criminels d’État les papiers importans qu’on leur a surpris ?
Les papiers publics ont annoncé que le Marquis Algarotti avoit traduit & fait jouer à Veronne le Comte de Comminges, que les habits étoient exactement ceux de la Trape, & qu’il n’avoit rien épargné pour rendre le spectacle terrible & frappant. […] Cette parente si compatissante, qui la retire du Couvent, la remet dans un autre, & l’y fait faire profession, se rend ainsi complice des injustices de la mère, & contre les règles est seule témoin, qui seule dans ces murs me vit rendre à mes fers, & lui fait une petite pension, me laissa l’héritage d’un petit revenu. […] Cette historiette inutile à la piece, aussi ridicule que fausse, n’a été fabriquée que pour rendre les Couvents odieux, en représentant la profession comme un acte tyrannique d’une part, & imbécille de l’autre, quoiqu’il n’y en ait point où l’Eglise prenne de plus grandes précautions. […] Dieu que pour mon supplice De ses crimes la terre a rendu le complice, Ce Dieu que le mensonge & la crédulité Font servir de prétexte à la férocité, Au gré de leur caprice indulgent ou sevère ; Tous ces humains grossiers lui prêtent leurs fureurs, Consacrent de son nom leurs stupides erreurs. […] Il met tout son orgueil à se rendre insensible.