On doit toujours la regarder comme le honteux effet du péché; comme une source de poison capable de nous infecter à tous moments, si Dieu n'en arrêtait les mauvaises suites.
De tels hommes ne cherchoient point, dans les Lettres, un stérile amusement, ni la réputation plus stérile encore d’Ecrivains élégans : elles étoient, entre leurs mains, un moyen puissant de captiver les esprits, & de régner sur les cœurs ; au lieu que parmi nous, les Lettres ont été, ou entiérement méprisées, ou le plus souvent regardées comme le partage de quelques hommes obscurs qui ne pouvoient aspirer à rien de grand, & qui n’y cherchoient qu’un frele asyle contre l’indigence. […] Vous avez parfaitement réussi dans ce noble projet : ils vous ont regardé comme des hommes divins ; ils n’ont point balancé à vous placer à la tête des gens de Lettres ; que dis-je ? […] Que l’on s’est accoutumé à regarder tous les gens de Lettres en général comme des Artisans de volupté, & une sorte de Bâteleurs, pardonnez cette expression, uniquement faite pour amuser des hommes désœuvrés. […] Un homme ferme & courageux sait se mettre au-dessus de ces petites considérations personnelles ; & content du témoignage de sa conscience, il tend au bien, sans regarder autour de lui.
ne paraissez pas plus marcher sur les traces de ces hommes ombrageux et aveuglés par leur passion ; modérez la fougue de vos sentiments tendres, repoussez par un air calme les méchants et leurs propos malins, ne vous faites pas remarquer, ne vous affichez point par des plaintes éclatantes, ou des démarches insensées, ne laissez même pas apercevoir vos inquiétudes, si vous en avez ; mais faites avec prudence tout ce qui dépend de vous pour prévenir le mal ; soutenez la faiblesse de votre épouse contre les séductions qui l’entourent, écartez tout doucement les dangers qui la menacent, encouragez-la, répétez lui souvent que sa vertu vous est bien chère, qu’elle fait votre bonheur, comme elle vous porte à faire le sien, ce que vous devez lui prouver par vos bons procédés, et puis observez-la silencieusement, croyez à son innocence jusqu’à ce que vous ayiez acquis la preuve certaine de votre malheur, que, selon les circonstances, en homme sage, vous dévorez encore secrètement, et vous ne serez jamais regardé comme un jaloux ; parce que vous n’en aurez aucune apparence. […] Si ces observateurs, ne voyant pas bien que le tartufe dont il s’agit est en même temps tartufe de religion et de mœurs, que compromettre en le mettant en spectacle les vertus chrétiennes, ce fut aussi compromettre les autres vertus sociales qu’il avait besoin d’affecter aussi et qu’il affectait également, persistaient à croire que cette satire, qui ne regardait que les hypocrites de religion, n’a pu contribuer si puissamment à la démoralisation générale ; sans entreprendre de démontrer une seconde fois une vérité qui me paraît évidente, il suffirait à ma thèse de leur rappeler que la Criticomanie, comme pour consommer l’ouvrage du premier tartufe, nous en a donné plusieurs subsidiaires, et nommément un tartufe de mœurs ; personnage presque tout imaginaire, composé de différents caractères, de vices incompatibles, ou phénomène dans la société, auquel, au reste, on doit appliquer ce que j’ai dit de l’autre, fût-il même regardé comme un tableau fidèle, parce qu’il n’a été propre aussi qu’à faire triompher et rire le parti alors plus nombreux des hommes sans masques, et des femmes au courant, qui ne faisaient pas tant de façons, ainsi qu’à réchauffer leur bile et renouveler leur pouvoir, qui commençait à vieillir, de faire naître les défiances, et des soupçons injustes contre les personnes, et de travestir avec succès les meilleures actions. […] Or, je pense que la meilleure manière de diriger les traits contre les premiers, est sagement indiquée dans celle que l’on pratique pour les diriger contre les autres, et qu’il est bien à regretter qu’on ne l’ait pas suivie, ou regardée comme une condition sine quâ non.
C’est celui du grand Juge qui doit juger de toutes vos actions : Regarder une femme avec un mauvais désir, c’est, dit-il, avoir commis l’adultère dans son cœur : Jam mœchatus est in corde. Si une femme négligemment parée, vue par hasard dans la rue, blesse mortellement ceux qui la regardent avec curiosité, que sera-ce de contempler les heures entieres au spectacle, de propos délibéré, & avec le plus grand goût, jusqu’à abandonner l’Eglise pour y courir, ces infames Actrices, communément belles, & toujours le plus dangereusement parées ? […] n’êtes vous pas saisi d’horreur & de crainte de regarder le Saint des Saints des mêmes yeux dont vous venez de voir le crime, d’entendre des mêmes oreilles les infamies de la scène & les divines Ecritures, & de recevoir l’hostie adorable dans le même cœur qui vient de boire à longs traits un poison mortel ? […] Dieu ne dit pas moins aux gens mariés qu’aux Religieux : Si vous regardez une femme avec un mauvais désir, vous avez commis adultère dans le cœur.
Quand on considère la dépravation des mœurs, qui fut toujours l’âme du théâtre, on regarde comme un paradoxe ridicule que les comédies aient été des exercices de religion pour honorer la Divinité, et les Acteurs une sorte de Prêtres chargés de ce culte. […] C’était la théologie du temps : la corruption des mœurs, qui en était, comme aujourd’hui, le fruit nécessaire, n’était pas regardée avec les mêmes yeux que par les Chrétiens ; il s’en fallait bien que chez eux les regards, les désirs, les paroles, les pensées fussent des crimes, comme ils le sont sous l’Evangile. […] Ce qui nous apprend combien le Clergé était alors éloigné des spectacles, et combien les sages Païens eux-mêmes les regardaient comme contraires aux bonnes mœurs, quoique fondés d’abord par religion, et ne représentant que des objets pour eux religieux. […] Voyez cette Actrice, si la pudeur ose la regarder.
Cependant si nous appliquons à notre Comédie ce que Saint Clément d’Alexandrie a dit de celle de son temps, nous la regarderons sans doute comme une occasion prochaine, par cela seul que les hommes et les femmes s’y trouvent pêle-mêle pour se regarder. « Occasio conventus causa est turpitudinis, cum viri et feminae mixtim conveniant alter ad alterius spectaculum. […] Ainsi pour ce qui regarde les Tragédies, je renvoie le Lecteur à ce que d’autres en ont déjà dit. […] Elle même se regarde comme ayant déjà un pied dans le précipice, et comme une victime que l’on doit bientôt immoler. […] Quoiqu’il en soit, ils sont toujours exclus des Charges publiques, l’Eglise les regarde et les traite comme des Excommuniés, et le Public comme des Infâmes. […] Pour ce qui regarde les Conciles, je suis dispensé de les citer contre vous ; parce que vous demeurez d’accord page 4, qu’ils ne vous sont pas favorables.
On aime le jeu, on se plaît au bal, tout ce qui vient troubler cette passion est regardé comme ennemi de notre repos. […] On regarde avec pitié tous ces Directeurs incommodes qui condamnent les spectacles et les bals ; on n’oublie rien pour les faire passer pour des esprits vains et fâcheux, qui ne cherchent qu’à se distinguer par d’austères singularités, et qui aiment à se faire un nom aux dépens des âmes simples et trop crédules. […] Quel homme raisonnable peut conserver l’esprit chrétien et ne pas condamner les divertissements profanes du carnaval, et ne pas regarder comme criminelles toutes ces joies licencieuses.
Je ne discute pas l’étendue des priviléges respectifs des comédiens du Royaume14 je ne les regarde tous que comme des monumens du despotisme que l’on avoit su introduire jusques dans les choses les plus frivoles. […] Cependant chaque théâtre regarde ses pieces comme une propriété ; c’est ce qu’on appelle leur fonds. […] Ils ont des dettes considérables, dont ce fonds doit être regardé comme l’hypotheque. […] Pour justifier cette assertion, je citerai quelques vers d’une tragédie, qui a été regardée comme vraiment nationale, et qui, à ce titre, a obtenu le plus grand succès. […] Les articles 14, 15, 16 et 17 regardent aussi la musique imprimée, et l’article 18 est commun à la musique de théâtre, imprimée ou manuscrite.