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414. (1824) Du danger des spectacles « DU DANGER DES SPECTACLES. » pp. 4-28

Les femmes, voyant les adorations qu’on ne cesse d’y prodiguer à leur sexe, se pénètrent tellement de ces idées nouvelles, s’enfoncent tellement dans cette nouvelle atmosphère, que bientôt elles prennent en dégoût les affaires de leur famille et les choses de la vie commune : lorsqu’elles rentrent chez elles, l’esprit plein de ces brillantes extravagances, tout leur déplaît, et surtout leurs maris qui, occupés de leurs affaires, ne sont pas toujours d’humeur à leur prodiguer ces complaisances ridicules dont elles sont les objets dans tous les romans, dans toutes les pièces de théâtre et dans tous les ouvrages où une vie idéale est substituée à la vie véritable. […] « Vous reconnaissez que Dieu vous ordonne la pureté dans la conversation, qu’il vous défend les discours insensés et les plaisanteries indécentes aussi sévèrement qu’il vous défend de prendre son nom en vain : vous savez qu’il vous a été recommandé de ne laisser échapper de votre bouche aucune parole impure ; et néanmoins vous allez dans un lieu où vous n’entendez qu’un langage impur et profane ; les hommes que vous voyez ne vous entretiennent que d’objets grossiers et immoraux ; ces hommes sont chargés de revêtir toutes ces obscénités de toute la magie du langage, afin de vous en faire avaler le poison, et ils poussent si loin cet art funeste, qu’il n’est point de mauvaise compagnie qui pût vous être aussi fatale ! […] prenons la scène sous son point de vue le plus avantageux : voyons-la, par exemple, dans une de nos tragédies les plus applaudies. […] Il est surtout un argument spécieux contre lequel ils doivent se tenir en garde : on leur dira qu’on peut profiter à l’école du théâtre, et y puiser des principes de religion et de morale ; on leur parlera encore du mérite littéraire et de la connaissance du cœur humain qu’on trouve dans plusieurs de ces œuvres dramatiques, comme si ces avantages devaient compenser les blessures profondes et souvent mortelles que font ces représentations dangereuses, à l’innocence, à la pureté et à la religion ; pour nous, convaincus que la corruption s’appelle toujours la corruption, et que ce serait acheter trop chèrement les plaisirs d’une composition savante, ainsi que l’élégance et le goût littéraire, que de l’acheter au prix de notre innocence, prenons la résolution ferme et invariable de combattre le mal, de quelque masque qu’il se couvre, de quelques formes attrayantes qu’il se revête.

415. (1758) Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres « Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres, ou sur les moyens de purger les passions, employés par les Poètes dramatiques. » pp. 3-30

Peut-être a-t-il pensé que le fils d’un Pêcheur, élevé par son courage aux premiers emplois de l’Etat, instruit par le malheur à chérir l’humanité, exercé dans son obscurité aux vertus paisibles, et plus satisfait de mériter une couronne, que de la porter, était un personnage plus digne de charmer un Philosophe, que d’occuper un grand Poète : et pour m’expliquer enfin sur ce sujet, sans ambiguïté, ou Corneille n’osant déplaire aux Grands, a pris le parti de les flatter ; ou il n’a pas jugé que ses contemporains fussent assez avancés pour préférer le beau naturel au gigantesque, et la vérité aux fictions : j’abandonnerai donc cette production imparfaite, et avant de chercher de nouveaux exemples qui confirment mon opinion, je vais prévenir vos objections (autant qu’il sera en moi) et combattre les principes que vous avez quelquefois supposés, plutôt qu’établis. […] D’ailleurs, les hommes se montrent quelquefois, au théâtre, dans leur grandeur naturelle ; Sertorius et Pompée n’ont rien de gigantesque, et le siècle précédent vit naître deux Héros que Corneille peut-être avait pris pour ses modèles, « sans se proposer pour objet ce qui n’est point, ni laisser, entre le défaut et l’excès, ce qui est. » S’il est vrai qu’à force de vouloir instruire les spectateurs, on ne les instruit plus ; il faut convenir que toutes les productions de l’esprit auront du moins le même sort, et qu’on doit cesser d’écrire ; et ce n’est certainement pas l’avis de vos lecteurs. Si c’est par des moyens extraordinaires qu’on parvient à montrer le vice puni, et la vertu récompensée, il faut s’en prendre à l’Artiste, et non pas à l’art : c’est aussi la faute des Poètes dramatiques, si l’utilité publique n’est pas l’objet qu’ils se proposent, ou s’ils s’en écartent, parce qu’il serait un obstacle à leur succès ; et c’est à ce point seul, que je prétends ramener la question. […] Je ne comprends pas bien tout ce que vous dites à l’égard de Mahomet : vous qui blâmez les détours que prend Alceste, quand il parle à l’homme au sonnet, que ne réprouviez-vous, sans balancer, les mœurs de cette sublime tragédie ?

416. (1772) Spectacles [article du Dictionnaire des sciences ecclésiastiques] « Spectacles. » pp. 150-153

On prend le cothurne, on se pare avec des habits magnifiques, pour retracer dans l’esprit des hommes la mémoire des crimes passés. […] Ces crimes ne sont plus ; mais on veut qu’ils puissent encore servir de modeles : on prend plaisir à voir ces spectacles impurs, parce que l’on aime à voir ce que l’on a fait & à apprendre ce que l’on peut faire. […] La personne, à qui elle parloit ainsi, ne put s’empêcher d’en marquer de l’étonnement, & prit la liberté de lui en demander la raison.

417. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Sentiments des Pères de l'Eglise sur la comédie et les spectacles — 2. SIECLE. » pp. 81-106

si nous prenons d'autres voluptés que vous; Mais si nous voulons ignorer toutes sortes de réjouissances, il me semble que ce n'est pas votre intérêt, et que si en cela il y a quelque perte; Elle tombe toute sur nous. […] apprendra-t-il à être chaste lors qu'il se trouve tout transporté et comme enivré du plaisir qu'il prend à la Comédie ? […] Et y-a-t-il de parole insolente, que les Comédiens et les Farceurs ne profèrent, pour faire rire ; de sorte que ceux qui par leur inclination y prennent plaisir, en emportent chez eux de vives images empreintes dans leur esprit.

418. (1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre XVIII. D’une excuse de laquelle se servent ordinairement les gens du monde, pour justifier la conduite des jeunes hommes, et des jeunes filles qui vont au bal. » pp. 142-145

Mais peut-on bien espérer que Dieu donnera bénédiction à des alliances qui prennent leur naissance des principes si corrompus et si opposés à son esprit ?

419. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XXI. Réflexion sur le Cantique des cantiques et sur le chant de l’Eglise. » pp. 76-78

Je ne rapporte pas cet exemple pour blâmer le parti qu’on a pris depuis, quoique bien tard, d’introduire les grandes musiques dans les églises pour ranimer les fidèles tombés en langueur, ou relever à leurs yeux la magnificence du culte de Dieu, quand leur froideur a eu besoin de ce secours.

420. (1694) Lettre à l’abbé Menard « Lettre LIII. De remercîment à M. l’Abbé Menard. Il y est parlé de quelques Ouvrages dont ont porte le jugement. » pp. 62-63

Les fonctions des Pâques et du Jubilé, Monsieur, qui m’ont occupé jusques ici, m’ont empêché de vous remercier plutôt du soin que vous avez pris de m’écrire et de m’envoyer quelques ouvrages qui paraissent depuis peu sur la scène.

421. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — I.  » pp. 455-456

Il faut qu'ils les expriment le plus naturellement et le plus vivement qu'il leur est possible, et ils ne le sauraient faire, s'ils ne les excitent en quelque sorte en eux-mêmes, et si leur âme ne prend tous les plis que l'on voit sur leur visage.

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