Si chacun étoit de votre sentiment, les comédiens n’auroient pas grand-pratique ; & bien leur en prend que tout le monde ne pense pas comme vous. […] comme le consistoire privé de l’impudicité, où l’on approuve les libertés que jamais on n’auroit le front de prendre ailleurs ; & que ceux qui osent fréquenter des lieux si funestes à l’innocence, n’ont point dans la vérité d’autre motif que le dessein de jour impunément des plaisirs les plus illégitimes. […] Saint Jean Chrysostome dans le IV. siècle, assure en son homélie 6. sur saint Matthieu, que ceux qui vont à la comédie, & qui témoignent y prendre tant de plaisir, sont en un sens plus coupables que les comédiens mêmes, tout infâmes qu’ils sont ; Non enim tam ille delinquit qui illa simulat, quàm tu præ illo, qui hoc fieri jubes. […] Ils sont odieux par l’opprobre de leur origine : c’est le démon qui les a inventés, ce démon que Tertullien appelle le signe de la divinité, Simia divinitatis , pour imiter dans le soin qu’il prend de perdre les hommes, tout ce que Dieu a jamais fait de plus admirable pour les sauver. […] Comme un salpêtre qui prend feu à la moindre étincelle, elle se porte avec ardeur à des désordres quelle n’entend qualifier que d’agréable servitude, que d’aimables chaînes, que de doux martyre ; & le démon, comme un troisiéme ennemi, le plus artificieux de tous, ne tarde guéres à achever par ses secrets enchantement ce que le monde, la chair & les passions lui ont préparé de victoires.
On sent bien que les théatre des provinces, moins rafinés, moins polis, plus mal composés, doivent être plus grossiers ; il est inutile d’insister sur leurs désordres, personne ne prend leur défense. On la prend encore moins de ces bouffons montés sur des théatres dans la place publique, qui attirent la populace ; mais on ne pense pas que la dépravation se répand de proche en proche, comme la gangrenne : Sermo eorum ut cancer serpit. […] Il avoue dans ses préfaces avoir pris la plûpart de ses pieces, & les plus belles, des Auteurs Espagnols, dont il a traduit ou francisé les pensées, les plans & le style. […] Je ne sais si les Comédiens Espagnols font autant d’éloges de leur charité que les François de l’imposition qu’on a mise sur eux en faveur de l’Hôtel-Dieu, à peu près comme si des joueurs vantoient leur zèle pour l’École militaire, parce qu’ils payent le droit des cartes, & les libertins de Naples leur amour pour les pauvres, parce qu’on prend quelque chose sur les profits des Courtisannes. […] On l’a tellement pris, que dans les fêtes données à Vienne pour la fête du mariage du Roi des Romains, l’Impératrice a fait représenter plusieurs comédies par les Archiduchesses ses filles ; ce que ni Charles V, ni Charles VI, ni les Ferdinands, ni les Maximiliens n’avoient jamais eu la pensée de faire.
Dans l’Eglise latine, où le mariage est défendu au Clergé, ces lois subsistent encore plus sévères, puisqu’un homme qui aurait épousé une femme prostituée ou une Comédienne, ou leur fille (aux yeux des canons, comme aux yeux des lois, c’est la même chose), fût-il devenu veuf, ou fût-il séparé de sa femme, ne peut être admis aux ordres sacrés ni posséder des bénéfices : « Qui Meretricem duxit aut aliquam quæ sit mancipata spectaculis in consortio sacerdotali esse non potest. » Ce canon, pris du canon 17 des Apôtres, est rapporté par Yves de Chartres (P. […] Ces cas n’arrivent pas : un cœur assez bas et assez débauché pour prendre de pareilles femmes, est bien éloigné d’avoir du goût pour le ministère et pour la piété. […] Un Ecclésiastique, quoique Ecolier, y est bien déplacé : y prend-il l’esprit de son état ? […] L’époux et l’épouse, quoique tous deux Comédiens, n’en prennent pas le titre, qui aurait pu jeter des ombrages dans l’esprit du Curé. […] Cependant, comme tout le monde a droit au mariage, on le leur permet ; mais le Curé à qui se sont adressés des gens à tous égards si suspects, avant que de faire aucune publication de bans, prendra toutes les instructions possibles dans le lieu de leur naissance et de leurs principaux séjours, sur leur conduite, leur état, leurs engagements ou leur liberté, extrait baptistaire, mortuaire, ou consentement des parties, attestations des Curés des lieux ; et enfin il fera part de tout à son Evêque, et n’agira que par sa permission.
Il seroit sans doute plus court, pour justifier le Théâtre, de soutenir que la concupiscence, cette racine envenimée qui étend ses branches par tous les sens, n’est point mauvaise ; qu’il n’y a rien de contraire au Christianisme & aux bonnes mœurs dans le soin qu’on prend pour l’entretenir.
L'on peut donc dire à ceux qui se vantent que la Comédie et les Romans n'excitent pas en eux la moindre mauvaise pensée, qu'ils attendent un peu, que le diable saura bien prendre son temps quand il en trouvera l'occasion favorable.
L'on peut donc dire à ceux qui se vantent que la Comédie et les Romans n'excitent pas en eux la moindre mauvaise pensée, qu'ils attendent un peu ; que le Diable saura bien prendre son temps quand il en trouvera l'occasion favorable.
Le temps qui suit immédiatement après le repas, n’est pas si propre aux affaires, et aux occupations plus sérieuses et importantes : c’est pourquoi, d’ordinaire, on prend alors quelque divertissement en Jeux, conversation, ou autres semblables récréations ; et parfois on en fait le même en certains jours de la semaine : d’autres passent plus avant, prenant en certains temps de l’année, quelque nombre de jours pour se divertir, et égayer un peu leurs esprits et leurs corps, après les travaux et emplois sérieux et pénibles : je veux ici instruire l’âme Chrétienne, à se recréer, et à se divertir, et à faire tellement cette action, que par icelle, non seulement elle ne se fourvoie pas du chemin de l’Eternité bien heureuse, mais plutôt qu’elle s’y avance et mérite un Paradis.
Proserpine lui donne cette Boëte, avec défense de l’ouvrir, pour voir ce qu’elle renferme ; c’étoit lui en donner envie, d’ailleurs comment se défendre de regarder, & de prendre même un peu pour elle, de ce qui peut embellir Venus : elle ouvre la boëte fatale, & il en sort une noire vapeur, qui loin de l’embellir, la défigure & la rend horrible. […] Il est difficile que si les acteurs & les actrices n’apportent point ces passions sur la scene, ils ne les y prennent ; leurs rôles-même les sont naître. […] Pour rendre l’ouvrage parfait, il faudroit tous les jours prendre des bains de ceruse, comme l’Imperatrice Poppée prenoit tous les jours des bains de lait d’ânesse, & y tremper toute la personne, comme on trempe une piece d’étoffe dans la chaudiere d’un teinturier, encore même y a-t-il quelquefois des taches. Les sauvages de l’Amérique, entr’autres les Caraïbes & les Topinamboux prennent cette sage précaution, ils se peignent tout le corps de rocou, qui leur donne une couleur vive & brillante d’écarlate, sans quoi l’on est comme l’âne de la Fontaine, qui s’étoit couvert de la peau du lion. […] Le théatre n’étoit pas connu du tems d’Homere, mais il l’a peint d’avance, & la plupart des piéces sont prises dans cet élégant magasin de folies.