C'est une chose dont on ne peut demeurer d’accord, à moins que d’avoir été dans la tête de l’auteur du Festin de Pierre lorsqu’il a composé les endroits que notre censeur condamne, car autrement personne ne peut assurer que Molière ait eu cette pensée. […] Pour jouer les personnes, il faut représenter naturellement ce qu’elles sont. […] Mais on ne juge pas des hommes par leur habit, ni même par leurs discours ; il faut voir leurs actions, et ces deux personnes auront à peine commencé d’agir que l’on dira d’abord : « Voilà un véritable dévot. […] Il parle encore d’un philosophe qui se vantait que personne ne sortait chaste de sa leçon ; jugez de son crime par son insolence à le publier et si nous ne punirions pas plus rigoureusement que ceux qu’il nous cite un coupable qui se vanterait d’un tel crime. Ces exemples sont bons pour surprendre les ignorants, mais ils ne servent qu’à justifier Molière dans l’esprit des personnes raisonnables.
La scène comique dans les commencements était une représentation d’après nature ; les personnes y étaient désignées par leurs noms. […] On continua à jouer des aventures, en déguisant les noms des personnes ; et, comme la ressemblance y était ménagée de manière qu’on pût aisément y reconnaître ceux que l’on jouait, il fallut une nouvelle loi pour défendre de faire la satire personnelle des citoyens. […] Il voulait que l’on traitât comme des esclaves et des personnes infâmes les comédiens et tous ceux qui servaient à divertir le peuple aux dépens des mœursf. » Les Romains portèrent dans les provinces qu’ils conquirent le goût qu’ils avaient pour les spectacles. […] Charlemagne, dans une de ses ordonnances, les met au nombre des personnes notées d’infamie. […] Le parlement les rebuta, comme personnes que les bonnes mœurs, les canons, les Pères de l’Église et nos rois de France avaient toujours réputées infâmes, et leur défendit de jouer ni de plus obtenir de semblables lettres, sous peine de 10.000 livres d’amende applicable aux pauvres ; et néanmoins, dès que la cour fut de retour de Poitiers, le roi voulut qu’ils rouvrissent leur théâtre.
N’y a-t-il pas de funestes exemples de plusieurs personnes, dont la réputation était hors d’atteinte, et qui ont levé le masque à force d’aller au Théâtre ? […] C’est pour ce sujet que je voudrais pouvoir reconnaître ces personnes ; mais encore qu’elles nous soient inconnues, elle ne peuvent néanmoins se dérober aux yeux du Verbe éternel : j’espère qu’il touchera leur conscience, et qu’il leur persuadera de sortir volontairement, leur faisant connaître qu’il n’y a que ceux qui se portent à faire pénitence, qui soient véritablement dans l’Eglise. […] On me dira, Le péché que ces personnes ont commis, est-il si grand, qu’il mérite qu’on leur interdise l’entrée des lieux sacrés ? […] C’est pourquoi je prie et conjure ces personnes de se purifier par la confession, par la Pénitence et par tous les autre remèdes salutaires, des péchés qu’ils ont contractés à la Comédie, afin qu’ils puissent être admis à entendre la parole de Dieu. […] Mais je vous montrerai, me direz-vous, des personnes à qui ces Jeux n’ont point fait de mal.
Les personnes qui cherchent le bonheur au Temple de la gloire, ne comprennent pas le trouble dont vous êtes agitée ; avec une réputation aussi brillante que la vôtre, on devroit être, ce semble, plus tranquille. […] Malheureusement pour lui la supposition est une supercherie d’Auteur qui a passé de mode, parce qu’elle est trop usée, & ne fait plus illusion à personne. […] Les personnes qui se laissent emporter par leurs imaginations sont communément très-indécises, elles avancent cinquante paradoxes qui ne partent point de la doctrine de leurs maîtres. […] Je pourrois ajouter un grand nombre de Canons5 & de Loix qui interdisent l’usure, non aux seuls Ecclésiastiques, mais généralement à toutes sortes de personnes.
Suivant le sentiment des personnes les plus graves, l’amour et les femmes fournissent les deux principaux motifs de la réformation du Théâtre ; mais je suis persuadé que quiconque proposerait de les en bannir, bien loin d’être écouté, ne ferait que s’attirer les railleries de la plus grande partie des hommes. […] Si cette malheureuse passion vue de loin dans deux personnes qui s’aiment, et dont on n’entend pas même les discours, est souvent capable de faire de vives impressions sur celui qui les observe ; qu’arrivera-t-il, lorsque, sur la scène, un jeune homme et une fille, avec toute la vivacité que l’art peut inspirer, font parade de leur tendresse dans un Dialogue, où les pensées étudiées du Poète sont toujours portées à l’excès ? […] Suivant les règlements de la vie civile, également reçus parmi toutes les nations policées pour ce qui regarde le mariage, il ne suffit pas que deux personnes trouvent, dans leur caractère dans leur naissance et dans leur fortune, la convenance qui peut leur annoncer une société heureuse : ils doivent encore, avant que d’aller plus loin, obtenir le consentement de leurs parents. […] Puisque les Modernes ne savent parler que de l’amour sur la Scène, ce qui est la marque certaine, ou d’une corruption générale, ou d’un défaut de génie dans le plus grand nombre des Poètes ; outre qu’ils ne devraient jamais traiter cette passion que dans la vue d’instruire les Spectateurs ; ils pourraient encore joindre à cette passion, devenue instructive, plusieurs autres espèces d’intérêts que la raison et les devoirs autorisent : ainsi on pourrait traiter des sujets de l’amour conjugal, de l’amour paternel, de l’amour filial, de l’amour de la Patrie : voilà des intérêts tendres et vifs, qui seraient nouveaux et très convenables au Théâtre ; intérêts qui peuvent avoir leurs degrés, suivant les circonstances dans lesquelles on peut les saisir, et suivant les différents caractères des hommes que l’on introduirait sur la Scène : par exemple, l’imprudence, la faiblesse, la fermeté, la complaisance, la colère, et toutes les autres passions qui s’associent dans le cœur humain à la passion dominante, ne feraient-elles pas paraître, dans la personne qui serait occupée de quelques-uns de ces sentiments, une infinité de caractères marqués et différents entre eux, qui seraient combattus par la force du raisonnement et par l’ascendant du caractère ?
Personne n’a plus parlé que lui des maris malheureux. […] Ma fille est d’un sang fort noble ; c’est la seule chose que je lui ai toujours recommandée de ne s’abandonner qu’à des personnes d’élite. […] A le bien prendre, les titres de sa gloire ne sont que le monument de l’infamie de sa personne & de sa conduite. […] Voici à quoi ils se réduisent. 80 personnes se sont associées pour donner aux Dames des fêtes galantes dans la salle du concert. […] On sent bien aussi que les jeunes personnes qui s’y rendent, y trouvent des Docteurs en morale dont la doctrine & la conduite sont la parodie de l’Evangile.
Voilà, Mademoiselle, le grand cheval de bataille de votre habile Jurisconsulte, il auroit dû jetter les yeux sur la Glose qui est en marge ; elle établit une différence décisive entre celui qui représente pour son plaisir, & ceux qui montent sur le théâtre pour en tirer du profit ; ceux-ci sont tous notés d’infamie, sans exception, parce qu’ils divertissent le monde à prix d’argent, par le spectacle de leur personne, quia mercedis causâ ludibrium sui faciunt : Il n’en est pas de même des Musiciens qui jouent des instrumens en présence de plusieurs personnes, dès qu’ils le font gratuitement pour s’amuser, comme le Roi David, cet exercice ne les deshonore pas. […] Le Parlement les rebuta comme personnes que les bonnes mœurs, les Canons, les Peres de l’Eglise & nos Rois même avoient toujours réputé infames, & leur défendit de jouer, ni de ne plus obtenir de semblables Lettres ; & néanmoins dès que la Cour fut de retour de Poitiers, le Roi voulut qu’ils rouvrissent leur théâtre.
Ainsi tout ce que je puis faire est de prier les personnes intelligentes de n’en rien dire, et de laisser couler cette impression à la faveur de l’indulgence publique. […] Je vous dirai seulement, Madame, qu’ils m’ont donné sujet d’admirer la diversité des vues que des personnes d’esprit peuvent avoir. […] Car c’est toujours un défaut d’avoir besoin d’être justifié par des raisons si recherchées, y ayant bien plus de personnes capables de sentir cette première impression qui les choque, qu’il n’y en a qui aient ou assez d’intelligence, ou assez de patience pour entrer dans ces raisons qui pourraient dissiper cette impression.