Elle est éprise des Essais de Montagne, livre qu’une éducation chrétienne ne mettra jamais entre les mains de la jeunesse ; les obscénités, l’irréligion, l’égoïsme, la liberté des pensées & des expressions sur les choses les plus respectables, lui feroient acheter trop cherement quelques traits frappans, quelques termes énergiques, quelques naïvetés réjouissantes, que le vice fait dévorer avec avidité & prononcer avec enthousiasme, mais qui n’auroient pas dû chez une femme si sage être mis au rang des livres classiques d’une fille. […] Son premier mouvement, malgré elle, est de se couvrir décemment : tout ce qui l’approche alors la déconcerte, elle ne voit les yeux de personne se fixer sur elle, sans y soupçonner des pensées, des désirs, des crimes, qu’elle s’attribue, dont elle se moque, si on ne lui plaît pas, ou dont elle s’applaudit par un nouveau péché, si on a le malheur de lui plaire, elle ne les voit pas se tourner sur quelqu’autre sans en être jalouse. […] une honnête femme ne souffrira pas qu’on lui fasse connoître des désirs & des pensées impures, elle s’offense d’en être l’objet, & par son indécence elle les fait volontairement naître, elle en présente la matiere & l’amorce ! […] Je sais qu’on n’est pas le maître d’empêcher les regards & les pensées ; mais on doit avec le plus grand soin éviter d’en forurnir l’occasion. […] Mais le sein ne dit rien à l’esprit, & n’impose point au cœur ; il ne présente ni gravité, ni modestie, ni autorité, ni sagesse ; il n’offre qu’un objet sensuel, qui n’est bon, s’il est découvert, qu’à faire naître des pensées déshonnêtes, de mauvais désirs, des impressions criminelles, & enivrer de volupté.
Ces deux imaginations qui me sont tombées dans l’esprit, ne sont pas si Visionaires qu’elles n’ayent quelque sorte de fondement ; & tel qui voudra leur faire justice ne condamnera pas absolument ma pensée.
Quelques-uns étoient dans la pensée, que les viandes contractoient quelque soüillure par cette oblation, & que par conséquent ceux, qui les mangeoient, se seroient par là foüillés du crime d’Idolatrie. […] quelles sont ordinairement ses premieres pensées, & son premier soin ? […] Par exemple une pensée volontaire contre la pureté, un desir deliberé, que l’objét de la pensée fait naître, conçu dans la Comedie, sera imputé à celui qui l’a formé, aux Comediens, qui par leur peu de modestie y auront donné occasion ; aux personnes, qui par leurs exemples ont approuvé la funeste fource de ce malheur ; au Pere & à la Mere des enfans, qui les y ont menés… « O !
En vain seroit-il illustre, s’il devenoit obscur entre nos mains : si le Poëte en laissoit eteindre le feu, ou ternir le brillant par la froideur de ses imaginations, ou par la confusion de ses pensées. […] Comme la raison retient les passions, le dessein regle les pensées & en empesche les égarements. […] Quel soulagement seroit-ce aux Verprez & aux Baptistes, s’ils rencontroient des gens capables d’executer leurs pensées, & de bien former un pas qu’ils auroient enseigné ? […] Pour reüssir à cela, il faut autre chose que des preceptes : & il n’y a que la nature qui inspire plainement ses belles & heureuses pensées qui charment tout le monde. […] Ce grand Prince qui se connoist parfaitement à tout, & qui a de grandes pensées jusques dans les petites choses, en donna l’ordre & le soin au sieur Gaspar Vigarani.
Ce n’est point ma pensée, c’est celle de TertullienTertull. […] La raison est, que si dans la pensée de ce même Pere, il y a une secrette idolatrie renfermée dans chaque peché mortel, parce que le pecheur établissant sa derniere fin dans la creature, luy rend un honneur qui n’est dû qu’au Createur, idololatriam admittit, quicumque delinquitTertull. […] Bon, voilà toucher la veritable difficulté, mais il faut expliquer & la resoudre : Il me semble donc, si j’ay bien penetré vôtre pensée, que vous ne pouvez m’apporter rien de plus fort pour excuser la comedie des Chrétiens, que ce que les Gnostiques ont allegués autrefois pour justifier les spectacles des Gentils. […] Consultez là-dessus vos confesseurs & vos Casuistes, il y va de leurs conscience de vous dire leurs pensées, aussi bien que de la mienne de ne vous point déguiser mes sentimens ; je ne sçais pas si elle est scrupuleuse cette conscience, mais du moins il me paroit qu’elle est assez bien reglée selon la droite raison. […] , les images des vices, étans agreables au goût du siecle, elles banissent toutes les pensées de salut & de penitence, qui sont facheuses à la chair & au sang.
Après le Bal, un esprit mondain, mille pensées des objets, qui ont frappé les yeux, des attachemens le plus souvent criminels… Le Bal & les Danses, tels qu’ils se pratiquent en ce tems sont criminels, parce qu’ils sont contraires à la profession du christianisme étant défendus par les Conciles, & par la Doctrine de l’Eglise, & une occasion de plusieurs pechez, & qu’il est rare, qu’on s’en retourne aussi pur, & aussi innocent qu’on y est allé… On ne peut nier que les Saints de l’ancien Testament, n’ayent quelque-fois témoigné leur joye par une espece de danse, mais c’estoit pour rendre graces à Dieu de quelque heureux succés, ou de quelque signalée faveur, qu’ils en avoient reçuë, & ces marques de rejoüissance étoient accompagnées d’un culte religieux, qu’ils rendoient au Seigneur. […] La danse chez les Romains n’étoit pas permise aux honnêtes gens : ce qui a fait dire au plus éloquent de leurs Orateurs, que c’estoit une espece d’yvresse defendûë aux personnes, qui font profession de vertu, & c’est peut-être dans cette pensée, qu’un savant Ecrivain de nôtre siécle l’appelle une folie, qui passe de la tête jusqu’au pied.
Et il n’y a point d’homme raisonnable qui n’entre dans ce sentiment, s’il considère sans préoccupation et devant Dieu, avec quelle facilité les hommes et les femmes du monde tombent dans des péchés intérieurs, c’est-à-dire, de pensée et d’affection, et combien peu d’attention ils font à eux-mêmes pour n’y tomber pas, ou même pour les remarquer lorsqu’ils y sont tombés. Le mal va si avant par une négligence criminelle, qu’il s’en trouve plusieurs qui ne font aucun scrupule des pensées déréglées que leur esprit reçoit avec agrément, ni des délectations sensuelles et honteuses dans lesquelles ils s’entretiennent.
De pensées, désirs, paroles, chansons, regards, attouchements lascifs, et autres impuretés, à raison de la familiarité et grande liberté qui se pratiquent entre garçons et filles dans la danse. 4. La danse dissipe et fait perdre ordinairement l’esprit de dévotion, et c’est la raison pourquoi elle est encore plus étroitement défendue ès jours de Dimanches et Fêtes, que nous sommes obligés de passer saintement, en assistant avec un esprit recueilli et attentif aux divins Offices et instructions Chrétiennes, comme aussi de vaquer à toute sorte de bonnes œuvres, ce qui est détourné par la danse, qui possède le cœur et les pensées de la plupart de ceux qui s’y adonnent.