Dans les fêtes que les prémiers Bergers se donnaient entr’eux, ils pouvaient chanter en dialogue une petite aventure arrivée sous leurs yeux ; voilà la Pastorale. […] A force de peindre nos Bergers tendres, amoureux, nous en fesons des amans glacés, qui font rétentir les échos de leurs amoureuses plaintes, & qui meurent, par métaphore, pour les beaux yeux d’une ingrate. […] Ainsi, de quelque façon que la Pastorale se présente à nos yeux, elle est presque certaine d’être rebutée. […] Mais on est convenu depuis long-tems qu’on le flatterait toujours en le dépeignant : si on le mettait sur le Théâtre tel qu’il est pour l’ordinaire, les Spectateurs en seraient révoltés ; ils en détourneraient bientôt les yeux.
L'origine et la célébration des Fêtes ridicules et mystérieuses, dont ces Jeux faisaient la plus sainte cérémonie, nous feront connaître ces vérités, malgré les vieilles obscurités qui les enveloppent, et qui les ont dérobées aux yeux des Modernes. […] Ces Jeux sont célébrés avec toute sorte d'impudence, digne certainement d'une personne de son métier ; Car outre le libertinage effréné de paroles, le peuple presse ordinairement les femmes débauchées qui jouent les Mimes, de paraître toutes nues sur le Théâtre, et d'y demeurer jusqu'à tant que les yeux des Assistants soient rassasiés de ce honteux Spectacle, et des mouvements désordonnés qu'elles font. » Les plus considérables de ceux que l'on employait à la célébration de ces Jeux, et qui faisaient des corps séparés dans ce Spectacle d'abomination, étaient les Mimes ; Ils chantaient et dansaient de petites pièces de Poésie sur les feintes « Mimus est sermonis cuius libet motus sine reverentia, vel factorum cum lascivia imitatio. » Diomedes. l. 3. […] mains signifie quelquefois beaucoup de choses, ajoute que les Histrions, c'est-à-dire les Mimes, donnent des signes par les mouvements de toutes les parties de leurs corps à ceux qui les entendent, et qu'ils parlent à leurs yeux. […] D'où vient que les honnêtes femmes en détournaient quelquefois leurs yeux, pour ne point regarder lesDonat.
Ils y apprennent la décence du maintien, l’inflexion de la voix, le langage des yeux. […] Mais l’inconvénient le plus grand, parce qu’il nuit à la piété et aux mœurs, c’est le danger que ces exercices ne fassent naître dans l’esprit des maîtres et des écoliers, comme cela est naturel, le désir de s’instruire par leurs yeux de la manière dont on déclame au théâtre, de le fréquenter, et de prendre pour la comédie un goût qui peut avoir des suites bien funestes, surtout à cet âge. […] On ne le tolère qu’à une jeunesse honnête, dans un collège, sous les yeux des Régents, comme un exercice littéraire ; ce qui est bien différent des spectacles publics. […] Que si sous les yeux et la discipline de maîtres pieux, on a tant de peine à régler le théâtre, que sera-ce dans la licence d’une troupe de Comédiens, qui n’ont de règle que leur profit et le plaisir des spectateurs ? […] Elle se montre ici avec ce qu’elle a de plus capable de les flatter, traînée sur un char superbe par les vertus, elle surprend les yeux par la magnificence des vêtements, l’odorat par la délicatesse des parfums, les oreilles par l’harmonie du chant, le goût même par les innocents festins qu’elle permet.
Ce n’était pas pour étudier de meilleures choses ; mais par amour du jeu, et pour entendre des fables, qui augmentant de plus en plus ma curiosité, et me faisant désirer de la satisfaire par mes yeux, me donnaient un goût infini pour les spectacles : « Curiositate magis magisque per oculos emicante in spectacula. » Comme ce sont les grands Seigneurs qui donnent ces jeux au peuple, presque tous les parents souhaitent que leurs enfants parviennent à une fortune qui leur en fasse quelque jour un devoir, tandis qu’ils les font châtier quand ils quittent l’étude pour les spectacles : « Hos cædi libentur patiuntur, si spectaculis impediantur à studio. » L’inconséquence fut toujours le partage des hommes : ils voient le danger, et ils y courent. […] Quelle folie et quel péché (de peccato et vanitate) de négliger des études utiles, pour m’occuper des aventures de je ne sais quel Enée, tandis que j’oubliais mes propres égarements, et de pleurer la mort que se donna Didon pour son amant, tandis que je vois d’un œil sec la mort de mon âme ? […] Mais c’est que le monde l’envisage avec les yeux de la passion, et ce Père le regarde en Chrétien. […] Je n’y serai que de corps, leur dit-il ; mes yeux et mon cœur ne s’ouvriront point à ces horreurs : « Adero absens ; numquid animam et oculos in spectacula potesti intendere. » En effet, il tint toujours les yeux fermés ; plût à Dieu eût-il aussi fermé les oreilles ! […] Entraîné par la curiosité, Alype ouvre les yeux, et fait à son âme une plaie plus profonde que celle que reçoit le gladiateur.
La cruauté qu’Ulysse exerça contre Astyanax ; les massacres que Pyrrhus fit des enfants de Priam, les parricides d’Atrée et de Tantale ; toutes ces actions pleines d’horreur, qui étaient si fort au goût des Anciens, ne seraient pas maintenant souffertes sur notre Théâtre, et il faut les dérober aux yeux du spectateur. […] Les filles de Danaus, qui assassinent leurs maris, commettent ces massacres à la faveur des ténèbres, dans leurs chambres, sans que les yeux des assistants soient blessés par tant de massacres. […] Racine, est si pathétique, et si touchant, que le spectateur est autant attendri par cette narration, que s’il voyait de ses yeux Hippolyte traîné par ses chevaux, et Aricie pâmée auprès du corps de son Amant, qui expire, et qui est tellement défiguré, qu’à peine le peut-elle reconnaître. […] Mais le Poète donne le change au Spectateur, en lui représentant Hécube acharnée à se venger, et qui arrache elle-même les yeux au meurtrier de son fils. […] La fin des pièces dramatiques est d’exciter en l’âme plusieurs passions tour à tour, la tristesse, la joie, la douleur, l’espérance, le désespoir : Ces passions entrent dans l’âme par les yeux, et par les oreilles, par les spectacles, et par les récits ; lorsqu’on fait voir au spectateur, quelque objet pitoyable, ou qu’on lui raconte quelque Histoire tragique.
Les Pièces qu’ils auraient eu sous les yeux, leur auraient montré l’importance d’une vive sortie contre le genre plus que galant. […] Je vais en faire passer un petit nombre sous les yeux du Lecteur, le plus décemment qu’il me sera possible. […] Laissons cet Opéra, & jettons les yeux sur un autre. […] son œil est si fripon ! […] Je me suis contenté de mettre sous les yeux des Lecteurs ce qui blesse la vertu la moins rigide.
Tant qu’il peut donner, un Amant est, à leurs yeux, le plus aimable de tous les mortels ; est-il ruiné sans ressource, s’est le plus incommode, le plus hideux de tous les animaux. […] A leurs joues plates, à leurs yeux cavés, à leur rein livide, qui peut méconnaître les piliers des Trétaux ? […] En voilà plus qu’il n’en faut sur cet article, pour faire ouvrir les yeux sur les dangers multipliés de ces endroits. […] , combien les objets obscenes, qui frappent nos yeux, font de ravages dans notre ame ! […] Je ne suis pas assez injuste pour les regarder tous du même œil.
Tout ce qui est dans le monde n’est que la concupiscence de la chair, la concupiscence des yeux, l’orgueil. Ces trois concupiscences sont réunies au théatre, & dans l’état le plus séduisant, celle de la chair par les Actrices, celle des yeux par le luxe & la pompe, l’orgueil par les paroles & les sentimens. […] La langue parle aux oreilles, la peinture parle aux yeux, & la peinture est bien plus éloquente que les discours, & jette dans le cœur de plus profondes racines. […] Chrisostome qui déployoit toute sous éloquence sous les yeux même de la Cour contre les spectacles que donnoit l’Empereur & l’Impératrice. […] Mais pourquoi une fille si sage craint-elle les yeux de son pere ?