Je prie le Seigneur qu’il veuille vous ouvrir les yeux, et vous donner des Sentiments d’une véritable componction. […] L’Acteur en jouant se propose de représenter si vivement une passion, qu’il puisse l’insinuer dans le cœur de ceux qui voient la peinture qu’il en fait, jusqu’à leur arracher les larmes des yeux, si c’est un sujet de compassion jusqu’à faire rire les plus tristes et les plus sérieux, si c’est un sujet de joie et risible. […] Si vous pouviez porter vos yeux dans les lieux secrets où ces gens-là se retirent, vous verriez qu’il s’y passe des choses que votre vue ne pourrait pas soutenir. « Si possis oculos tuos inserere secretis, recludere cubiculorum obductas fores, aspicias ab impudicis geri, quod non possit aspicere frons pudica. […] Dans la Tragédie, ajoute-t-il, on expose aux yeux du peuple les parricides, les incestes, et toute sorte de crimes. « Tragicae historiae subjiciunt oculis parricidia, incesta » ; en voilà assez pour Lactance, cela lui suffit pour les condamner. […] ‘Il y a certaines Villes où les habitants sont depuis le matin jusqu’au soir à repaître leurs yeux de toute sorte de Spectacles, et à entendre sans se lasser des chansons déshonnêtes, qui ne peuvent faire naître dans leur cœur que de mauvais désirs’.
Jugeons de ce qui est arrivé dans des tems dont l’on ne peut parler que par conjecture, en réfléchissant sur ce qui s’est passé sous nos yeux. […] A peine ce grand Prince eut les yeux fermés, que son éclat s’évanouit, & qu’on le perd entiérement de vue.
Un coup de hasard lui ouvrit les yeux. […] Il n’osa pas commencer à Rome ses folies théâtrales, un reste de pudeur lui fit craindre les yeux des Magistrats et du peuple.
Epoux de l’Eglise ouvrez les yeux de ce Prêtre, et faites-lui voir son égarement, afin qu’il le déteste et qu’il travaille à lever le scandale qu’il a donné. […] Aussi les Auteurs ne peuvent-ils de sang froid considérer leurs Comédies avec des yeux éclairés de la lumière de l’Evangile, qu’ils n’en gémissent.
Si les gens de ròbe, tant persécutés aussi sur le théâtre, embrouillent les affaires pour avoir plus de raisons de rançonner les clients, les commerçants falsifient les marchandises, vendent à faux poids et à fausses mesures ; le marchand de comestibles nous fait manger des drogues ; le marchand de boissons nous fait boire du poison ; l’orfèvre nous vend des objets d’or plaqué ou mêlé pour de l’or pur ; le bijoutier des pierres fausses pour des pierres fines ; le drapier du drap de Verviers pour du Louviers ; le fripier vend, à faux jour, du drap taché, rapé, rapetassé, en assurant qu’il est tout neuf, et qu’il fera honneur ; le mercier vend de la toile de Rouen pour du Jouy, des mouchoirs brûlés et mauvais teint, pour excellents et bon teint ; le bonnetier de la laine de Picardie pour de la Ségovie ; le chapelier du lapin pour du castor ; le fourreur du loup des Ardennes ou du bois de Bondy pour du loup de Sibérie ; l’épicier de l’eau de mort pour de l’eau-de-vie ; le confiseur du miel pour du sucre : le boulanger n’est ni plus ni moins fripon que les autres ; le rôtisseur vend de vieux coqs déchaussés pour des poulets ; le pâtissier vend des pâtés de sansonnets ou de pierrots pour des pâtés de bécassines ou de mauviettes, et le limonadier de la chicorée pour du café Moka ; le boucher vend de la vache pour du bœuf, et pèse avec le coup de pouce ; le chandelier du suif pour de la bougie ; le tabletier de l’os pour de l’ivoire ; l’imprimeur contrefait, le libraire vend les contrefaçons ; le tailleur met dans son œil, le fournisseur dans sa poche ; les caissiers, receveurs, payeurs, vident les caisses, violent les dépôts, prêtent à usure, grippent des sous, ou emportent tout ; les maçons sont des maisons en musique, ou d’une bâtisse légère, qu’ils vendent pour très-solides ; les architectes, entrepreneurs, peintres, paveurs et toiseurs, comptent des pieds pour des toises, demandent des mille pour des cents ; les horlogers et les médecins, qui travaillent à peu-près également dans l’ombre, par rapport à nous, désorganisent, dérangent nos montres et nos santés pour assurer leurs revenus, et se sont bien payer le tems et l’art qu’ils ont employés à faire le mal. […] Et bien loin encore que toutes ces éternelles leçons qu’ils écoutent de sang froid, comme ne les concernant pas, ou dont ils rient eux mêmes et font des applications à leur gré, les aient corrigés ; elles ne les ont pas même intimidés ; on a vu constamment ces chicaneurs déhontés, ces embrouilleurs d’affaires, ces fléaux des familles, couverts de la dépouille de la veuve et de l’orphelin, se multiplier, aller la tête levée, se présenter avec assurance, faire baisser les yeux aux honnêtes gens, parler de délicatesse et de justice plus haut que les de La Haye et les Valton. […] L’utilité de légitimer et bien organiser cette justice intermédiaire qui n’aurait d’action que sur les justiciables de l’opinion, qui n’appellerait sur eux que la peine intermédiaire aussi de la honte et du ridicule (et tout au plus de la surveillance spéciale du ministère public qui, même dans les cas d’une certaine gravité, bornerait là son intervention, en vertu d’un pouvoir discrétionnaire ad hoc), et ferait alors concourir efficacement à la réforme ce puissant et précieux moyen de répression, dont toutefois, ainsi que je viens d’en faire le vœu, il ne serait plus fait d’application inconsidérée aux écarts et défauts légers qui n’excluent point l’honneur ou la droiture de l’âme ; l’utilité, dis-je, de cette sorte de tribunal correctionnel de première instance, qui ne décernerait ses peines morales que pour en prévenir d’afflictives et plus graves, me parait frappante dans ce temps de perversité et de dépravation générale où tant d’hypocrites de toute espèce que la loi ne peut atteindre, serpentent long-temps dans la société, et rusent paisiblement, font, comme on dit, tout juste ce qu’il faut faire pour ne pas être pendus, et deviennent ainsi des scélérats endurcis ; dans ce temps où les tribunaux existants, encombrés de coupables, suffisent à peine, et seront bientôt obligés, s’ils ne le sont pas encore, de fléchir, de fermer les yeux souvent, ou tolérer les désordres, par l’impossibilité d’en juger et punir tous les auteurs, dont un grand nombre, leur repentir, l’abîme de regrets et de douleur où on les voit plongés après leur condamnation, ne permet pas d’en douter, dont un grand nombre, dis-je, ne sont arrivés au point d’avoir encouru les peines les plus graves et infamantes, que pour n’avoir pas été arrêtés dans la route du crime, ou par l’effet, ou par la crainte d’un premier et moindre châtiment plus difficile à éviter.
Il démontra l’insolence des comédiens, chez le peuple le plus grave, & le plus décent, jusques sous les yeux du Roi, & contre les personnes les plus respectables. […] On distribuera de l’argent aux pauvres, & des billets pour venir danser ; à envisager avec les yeux de la réligion, ce mêlange de piété & de théatre, de cérémonies du Baptême & d’un bal paré ; des aumônes aux pauvres, & d’un bal masqué, on ne sait que penser de l’esprit du siécle ; les cérémonies du Baptême font un contraste singulier, on y fait un renouvellemtn solemnel au démon, à la chair, au monde & à ses pompes, & pour le célébrer òn étale ses pompes, on s’y livre ; on y invite, on s’en fait un devoir. […] La Maupin dont les passions furent toujours violentes, voyant que la danseuse la Marville, la suplantoit dans le cœur du Prince, lui donna un duel ; elles se battirent, on les sépara ; mais bientôt après la Maupin se poignarda réellement sur le théatre, sous les yeux du Prince infidele, jouant le rôle de Didon, dans l’opéra d’Enée.
Il est des défauts qui n’ont besoin que d’être fidélement retracés, pour ouvrir les yeux à ceux qui en sont atteints… Il a quelquefois avili ses talens en les faisant descendre à des plaisanteries basses. […] Les anciens ne faisoient jamais jouer les femmes ; ils les tenoient séparées des hommes dans l’imphitéatre ; ils croyoient qu’un sexe consacré à la pudeur ne devoit pas se livrer aux yeux du public. […] N’y eût-il que l’inutilité, la perte du temps, la dissipation dont on contracte l’habitude, le trouble du cœur qui doit être le sanctuaire de la paix, le dégoût des vertus chrétiennes, l’humilité, la mortification, la pureté, & le goût qu’on prend des vices opposés, la concupiscence des yeux, l’orgueil de la vie, les révoltes de la chair ; l’esprit de piété que l’on perd, les vœux du baptême qu’on viole, le soin de plaire que l’on prend, les exemples qu’on donne, la satisfaction d’avoir plu, l’impossibilité où l’on se met de conserver la présence de Dieu, l’esprit & l’exercice de la priere.
Cette critique aux yeux du traducteur est une leçon utile aux jeunes poëtes dont on doit lui savoir gré : elle formera leur goût, corrigera les fanfaronnades des écrivains ennemis de la noble simplicité, qui, par les mains espagnoles, a fourni des trésors inépuisables, dont la traduction leur donne la clef. […] Le glorieux titre de créateur, d’inventeur, d’original, de nouveauté, qu’on prodigue si aisément aux plus minces productions, parce qu’on n’a lû que les brochures du jour, cette gloire factice disparoît, à l’incommode flambeau de la nouvelle traduction, qui met sous les yeux les pieces de comparaison, & semble faite exprès pour dissiper les nuages de la charlatanerie. […] qui réunit contre lui les traits de la supercherie & de l’ignorance, en dessillant les yeux du public.