Le Théâtre devant réprésenter des actions humaines, soit les actions éclatantes des grands Hommes telles qu’on en voit dans la Tragédie, soit les actions communes des hommes ordinaires comme dans la Comédie, il est évident que l’art principal de ce Spectacle doit consister à imiter la nature, en sorte que le Spectateur croit voir ceux qu’on lui représente, et soit affecté de la même manière qu’il le serait si l’action représentée se passait réellement devant ses yeux. Or, il arrive quelquefois que les Auteurs au lieu de copier la nature la défigurent : et de l’autre côté que les Acteurs la font tellement grimacer que le Spectateur qui la cherche ne peut la reconnaître ; Mais lorsqu’un Auteur est parvenu à bien peindre la nature et que les Acteurs récitent la Pièce dans son véritable ton, en sorte que l’esprit séduit agréablement, prenne la fiction pour la vérité même : alors on est obligé de convenir qu’une représentation Théâtrale est un amusement supérieur à tout autre Spectacle public tel qu’il puisse être, parce qu’en satisfaisant les yeux, il intéresse le cœur et l’esprit.
les yeux par la pompe, l’oreille par l’harmonie, le cœur par les sentimens, les passions par la molesse & l’indécence ? […] Hé misérable qu’ont à faire les vers qui vous rongeront, si votre poil est à trois ou quatre étages, vos sourcils peints, & vos yeux déguisés, vos joues vermillonnées, votre peau marquée, vos habillemens plissés, embourrés, chargés de pierreries pour servir de piége à quelques amans morfondus ! […] quel œil de glace ne fondroit en larmes s’il contemploit le dérèglement de ces maudites délices ? […] C. de quels yeux peut-on regarder le crucifix couvert de sang & de plaies, chargé de diamans, trampant sa vie dans la délicatesse ? […] 11.° Il est permis d’aider ses sens, l’oreille dans la surdité, les yeux dans la vue foible, le palais dans le dégoût, & de leur plaire ; à l’ouïe par la musique, à la vue par la beauté des objets, aux goûts par des assaisonnemens, à l’odorat par des parfums ; pourquoi non pas par le fard, par les couleurs du visage par l’embonpoint ?
Au sein de la gloire immobile, Avec un œil sec & tranquille, Peux-tu voir les tristes mortels, (Où est la providence & la bonté de Dieu ?) […] Ma mort que je verrai d’un œil si satisfait, Sera le premier don que mon Dieu m’aura fait. […] Il a fait une vingtaine de petits contes) qu’il puisoit dans les yeux de sa Maîtresse, dans le desordre de la table, l’entretien de ses amis ; c’est-à-dire, que c’étoit un libertin & un yvrogne qui a mis en petits vers des propos bachiques & licencieux. […] Voici ce qui fait à ses yeux le mérite de Lucien : J’aime sur-tout le dedain philosophique, cette noble independance qui ne plie que sous le joug de la raison. […] Ou détrompant le crédule vulgaire, Ta main hardie ose offrir à nos yeux.
« Ne soiez point sage à vos propres yeux… » & Ad Rom. 12. […] Si j’entreprens de vous en dissuader la frequentation, vous ne me sçauriez voir de bon œil, & ma morale ne flattera pas vos oreilles, puisqu’elle devra tendre à ne vous pas permettre, ce qui est si agréable à l’ouïe : & peut être l’esprit & le cœur s’y revolteront, puisque je serai obligé de les piquer en ce qu’ils aiment, & le Sage m’apprend, Ecclesiastici 22. […] « que celui, qui pique l’œil, en tire des larmes, & que celui, qui pique le cœur, y excite un sentiment de haine & de colere, qu’il verra bientôt éclater contre lui ».
Ce branlement des mains et des pieds, cette évagationk et impudence des yeux, tous ses gestes, aussi blâmables que visibles, montrent qu’il y a quelque chose dans l’intérieur, qui répond au dérèglement extérieur : ceux qui font état de la modestie, fuient toutes ces occasions de dissolution ; après tout, quel plaisir trouve-t-on dans un divertissement qui lasse plus qu’il n’allège, et qui est aussi ridicule qu’il est honteux : Véritablement si l’extravagance ne s’était naturalisée dans nos mœurs, nous nommerions folie ce qu’on nomme gentillesse : et c’est à bon droit qu’on appelle des joueurs à ces assemblées, afin que l’âme étant occupée par l’oreille, les yeux ne s’offensent pas de tant de mouvements irréguliers, cela veut dire qu’une sottise en couvre une autre, ce qu’on appelle une école de gaillardise : c’est un apprentissage d’impudicité. Les filles vont à la danse pour s’y donner de la vogue ; mais c’est en effet pour y recevoir de l’infamie : c’est dans ces rencontres que les yeux s’y trouvent aussi libres que les mains, les paroles à double entente s’y font entendre distinctement ; la confusion de la compagnie y laisse dire beaucoup de choses que la retenue ne permettrait pas ailleurs : les attouchements qu’on croit illicites en d’autres occasions, semblent devenir ici nécessaires : la foule favorise l’effronterie des plus mal intentionnés ; d’ailleurs la nuit qu’on choisit ordinairement pour les danses, comme étant l’ennemie de la pudeur, et la confidente des crimes, donne du courage aux plus timides pour exécuter hardiment leurs plus pernicieux desseins : c’est ainsi qu’on donne une nouvelle carrière au libertinage, et qu’on fait passer le crime en recréation.
Ceux qui aiment la licence cherchent des lieux à l’écart ; ils ne se produisent pas devant les meilleurs yeux de toute une ville. […] il y avait tant de charmes pour les yeux, et pour les oreilles, qu’il n’était point de cœur assez ferme pour résister au péché. […] L’apparence les emporte, et la vérité qui est très simple et sans aucun fard passe devant leurs yeux comme une inconnue. […] Mais ceux qui ne peuvent donner leur créance qu’à ce qui a paru devant leurs yeux, peuvent encore aujourd’hui satisfaire à leur incrédulité. […] C’est ainsi que les saints et les hommes intérieurs s’instruisent de tout ce qu’ils voient, et ne laissent rien passer devant leurs yeux qui ne leur profite.
Car le Concile d’Agde rapporté par Gratien, ordonne à tous ceux qui sont engagés dans cette profession sainte, de n’aller point aux festins des Noces, et de n’assister à ces assemblées, où l’on chante des chansons d’amour, et où l’on danse ; de peur que les yeux, et les oreilles, que la divine vocation applique aux saints ministères, ne soient souillées par la vue des mouvements qui peuvent laisser des impressions d’impureté, ou par des paroles indiscrètes, et lascives. […] Il semble même que c’est une pure imagination de penser, qu’il y puisse avoir des Danses secrètes, spécialement pour les Clercs, sur qui tout le monde jette les yeux, et dont on remarque fort exactement les actions.
Pour vous en convaincre, il suffiroit de vous remettre sous les yeux, le témoignage de Benoit XIV, que nous venons de citer, & la commission qu’il donna au célèbre Concinna en 1752. […] … Que doit-on espérer dans un lieu, où les yeux, par les objets, & les oreilles, par leurs chants lascifs & efféminés, trouvent tant de piéges. […] Alipe frappé des acclamations du peuple, ouvrit les yeux & reprit sa prémiere passion pour les Spectacles. […] Aucune raison de complaisance, de bienséance, d’utilité, ne peut excuser…La Doctrine de l’Eglise veut qu’on arrache l’œil, le pied, la main, qui scandalisent. […] Pour vous en convaincre, il me suffira de vous mettre sous les yeux, une décision, qu’ont donnée, il y a environ deux mois, contre les spectacles, trente six Prélats, tant Cardinaux, qu’Archevêques & Evêques, de l’état Ecclésiastique.