Thyeste excite notre compassion ; nous sommes attendris en voyant à quel comble d’infortune le réduit la vengeance atroce de son barbare frere : il exerce notre humanité cette vertu si respectable, la premiere de toutes, peut-être, la plus nécessaire au genre humain, qui donne de l’activité à toutes les autres. […] Cette passion est nécessaire, & n’est, ainsi que toutes les autres, dangereuse que par l’abus. […] Les hommes destinés par la Providence aux fatigues d’un travail assidu & pénible, ont besoin de renouveller leurs forces dans le repos : le plaisir est la récompense de leurs peines : le délassement leur est aussi nécessaire que la nourriture : un travail continu épuiseroit autant leurs forces que la privation des alimens. […] Tel déclamateur outré contre cette profession prétendue profane, ne retrancheroit pas la moindre portion des revenus, plus que superflus, qui lui sont assignés, en faveur de l’humanité souffrante, tandis qu’un Comédien, sans ostentation, apprend à resserrer les bornes de son nécessaire, sans autre motif que de remplir les fonctions d’homme sensible : voilà les hommes pour lesquels on croit qu’il seroit nécessaire d’appésantir le joug des loix. […] Etoit-il bien nécessaire, si vous n’êtiez animé que du desir de servir vos compatriotes, de composer un volume contre les spectacles, uniquement dans la vûe de préserver Geneve de l’introduction d’un art si dangereux, puisque de votre aveu vous étiez intimement convaincu, que les facultés de la ville ne peuvent admettre un pareil établissement ?
Voilà le Poëme : les deux autres Parties, la Décoration & la Musique, sont nécessaires à la Représentation du Poëme. […] Ce que j’ai dit jusqu’à présent, d’après Aristote, est absolument nécessaire à l’Action : ce qu’il va dire, n’est pas absolument nécessaire, mais contribue à la perfection de la Tragédie. […] Je ne parle point de ces ornemens du lieu de la Scene qui coutoient des sommes si considérables aux Grecs & aux Romains, & au Cardinal de Richelieu : les Piéces médiocres ne méritent pas ces dépenses, & les bonnes n’en ont pas besoin ; mais un appareil théatral, quand il est nécessaire à la Représentation, cause quelquefois un Spectacle agréable, & donne de la dignité à la Piéce, comme dans Athalie : on voit entrer un Enfant, escorté d’une nombreuse compagnie, un Enfant qui s’approche d’une Reine qui l’attend, & qui attire sur lui tous les regards, parce qu’il est le grand Personnage de cette Scene ; dans la suite on voit apporter en cérémonie un bandeau Royal qu’on pose sur une table, avec l’épée de David, & le Livre de la Loi, on voit seul avec un Enfant un homme respectable par son âge, sa dignité, ses vêtemens, & tout à coup ce Vieillard vénérable est aux pieds de cet Enfant. […] Il s’en suit de là, qu’à Athenes même, c’est-à-dire chez un Peuple tout Musicien, notre Opera eût paru un Spectacle ridicule : c’est ce qui m’engage à une Digression d’autant plus nécessaire qu’elle me servira dans la suite, à prouver que la Déclamation Théâtrale des Anciens n’étoit pas un chant. […] Mais on dira que toutes ces raisons poëtiques ne sont pas faites pour un Spectacle entiérement consacré à la Musique, ni pour un Poëme où le Poëte ne peut donner aux Passions leur jeu nécessaire, ni à ses Vers l’harmonie & la force, & qui par conséquent peut bien, comme Quinaut, se vanter d’avoir fait un excellent Opera ; mais ne peut jamais se vanter d’avoir fait un bon Ouvrage.
Cette sorte d’esprit n’est pas plus nécessaire pour jouer le rôle d’Ariane, qu’il ne l’a été pour composer les Fables de Lafontaine & les Tragédies de Corneille.
2 Il est inutile de répondre qu’on n’est occupé que du chant et du spectacle, sans songer au sens des paroles ni aux sentiments qu’elles expriment et inspirent : car, comme dit encore Bossuet, « c’est là précisément le danger, que pendant qu’on est enchanté par la douceur de la mélodie, ou étourdi par le merveilleux du spectacle, ces sentiments s’insinuent sans qu’on y pense et plaisent sans être aperçus ; mais il n’est pas nécessaire de donner le secours du chant et de la musique à des inclinations déjà trop puissantes par elles-mêmes ; et si vous dites que la seule représentation des passions agréables dans les tragédies d’un Corneille et d’un Racine, n’est pas dangereuse à la pudeur, vous démentez ce dernier, qui, occupé de sujets plus dignes de lui, renonce à sa Bérénice, que je nomme parce qu’elle vient la première à mon esprit ». […] Voici ce qu’il en dit : « Comme les fauteurs des comédiens soutiennent que saint Thomas leur est favorable, en ce qu’il semble dire que la profession des comédiens n’est pas mauvaise de sa nature, et que l’on peut même contribuer à leur subsistance pourvu que ce soit d’une manière modérée…, il est nécessaire que l’on sache que ce saint docteur n’entend pas parler des comédies telles que les dépeignent les conciles et les Pères, et telles qu’on les représente encore aujourd’hui, où on ne voit qu’intrigues de mariages, ou d’amourettes et que des paroles équivoques, qui ne tendent qu’à exciter ou à entretenir les passions les plus honteuses. […] Il est donc vrai de dire qu’il ne parle que des seuls jeux de théâtre, qui, comme il le dit, sont en quelque manière utiles ou nécessaires au soulagement des peines de la vie, entre lesquels il met les représentations de chasse… Cet ange de l’école n’a donc garde d’enseigner qu’on puisse assister aux comédies dont nous parlons, ni qu’on puisse rien donner à ceux qui les représentent, puisque tout au contraire il les condamne lui-même avec saint Augustin, peu après les paroles qu’objectent les fauteurs de la comédie. […] « Si, après que le pénitent a été instruit, et qu’il a promis de ne plus aller au spectacle, il est tombé et a manqué à sa parole, le confesseur doit lui refuser l’absolution jusqu’à ce qu’il ait été éprouvé pendant le temps nécessaire, en suivant les principes marqués…… pour l’absolution de ceux qui sont dans l’occasion prochaine du péché mortel.
De faire connoître la mauvaise conduite des Administrateurs de la République, & des Généraux d’Armée, d’engager le Peuple à terminer par une Paix nécessaire, une Guerre qui duroit depuis plusieurs années, de lui faire sentir le ridicule de sa Religion, de lui reveler les fourberies de ses Prêtres, & de lui inspirer du mépris pour les Philosophes, qui ne débitent que de vaines subtilités. […] Il n’est pas nécessaire de faire valoir cette raison : nous conviendrons aisément que la Tragédie nous procure un plaisir plus vif que celui de la Comédie.
Si l’on considère le but de nos Spectacles, & les talens nécessaires dans celui qui sait y faire un Rôle avec succès ; l’état de Comédien prendra nécessairement dans tout bon esprit ; le degré de considération qui lui est dû.
C’est pour entrer dans cet esprit d’affliction qu’on introduit cette pénible soustraction de la nourriture : pendant qu’on prenait sur le nécessaire de la vie, on n’avait garde de songer à donner dans le superflu : au contraire on joignait au jeûne tout ce qu’il y a d’affligeant et de mortifiant, le sac, la cendre, les pleurs ; parce que c’était « un temps d’expiation et de propitiation pour ses péchés » Ibid.
après une réparation si solemnelle du scandale causé par cette Lettre, je ne crus plus nécessaire ce présent Traité, qui avait été fait dès auparavant.