Votre morale est bien sévère, dira-t-on, voulez-vous que les Magistrats vivent aussi régulièrement que des Ecclésiastiques ?
, De quel air penses-tu que ta sainte verra D’un spectacle enchanteur la pompe harmonieuse, Ces Danses, ces Héros à voix luxurieuse, Entendra ces Discours sur l’amour seul roulant, Ces doucereux Renaud, ces insensés Roland ; Saura d’eux qu’à l’amour, comme au seul Dieu suprême, On doit immoler tout, jusqu’à la Vertu même : Qu’on ne saurait trop tôt se laisser enflammer : Qu’on n’a reçu du Ciel un cœur que pour aimer ; Et tous ces lieux communs de morale lubrique, Que Lully réchauffa des sons de sa Musique.
Il est encore nécessaire que le refrein du Vaudeville contienne en substance toute la morale qu’on peut tirer de la Pièce ; ce refrein doit être si bien choisi, qu’il devienne proverbe ou l’ait toujours été.
Quelquefois ces Piéces avoient une Morale pour objet : elles n’étoient par toujours obscènes ; mais elles devoient toujours faire rire : elles devoient toujours, comme dit Horace, Risu diducere rictum Auditoris.
Voilà donc notre Tragédie devenue plus morale, & cependant, je suis forcé de l’avouer, plus dangereuse que celles où l’Amour donnoit de mauvais exemples.
Ce n’est pas dans leurs temples et leurs fêtes, on n’y en parle jamais, comme chez les Chrétiens, où l’on prêche la plus pure morale.
Et cet homme de bien appelle cela corriger les mœurs des hommes en les divertissant, donner des exemples de vertu à la jeunesse, réprimer galamment les vices de son siècle, traiter sérieusement les choses saintes ; et couvre cette belle morale d’un feu de charte, et d’un foudre imaginaire, et aussi ridicule que celui de Jupiter, dont Tertullien raille si agréablement ; et qui bien loin de donner de la crainte aux hommes, ne pouvait pas chasser une mouche ni faire peur à une souris : en effet, ce prétendu foudre apprête un nouveau sujet de risée aux Spectateurs, et n’est qu’une occasion à Molière pour braver en dernier ressort la Justice du Ciel, avec une âme de Valet intéressée, en criant « mes gages, mes gages m » : car voilà le dénouement de la Farce : ce sont les beaux et généreux mouvements qui mettent fin à cette galante Pièce, et je ne vois pas en tout cela, où est l’esprit ?
Or, par une suite de cette inutilité même, le théâtre qui ne peut rien pour corriger les mœurs, peut beaucoup pour les altérer. » Vous établissez, par plusieurs exemples, bien choisis à la vérité, que la plupart de nos Poèmes ne sont aucunement propres à rendre les hommes plus vertueux, ni à réprimer leurs passions : mais vous auriez dû ajouter, ce me semble, avec la vérité sévère et impartiale dont vous faites profession, que dans plusieurs drames anciens et modernes, il y a d’excellentes leçons de vertu ; leçons sublimes et touchantes, plus propres à attirer les hommes à la vertu, et à les arracher aux passions, que tous les traités de morale faits ou à faire.