Ce qui rend l'image des passions que les Comédies nous proposent plus dangereuse, c'est que les Poètes pour les rendre agréables sont obligés, non seulement de les représenter d'une manière fort vive, mais aussi de les dépouiller de ce qu'elles ont de plus horrible, et de les farder tellement par l'adresse de leur esprit, qu'au lieu d'attirer la haine et l'aversion des spectateurs, elles attirent au contraire leur affection; de sorte qu'une passion qui ne pourrait causer que de l'horreur, si elle était représentée telle qu'elle est, devient aimable par la manière ingénieuse dont elle est exprimée.
Ce qui rend encore plus dangereuse l'image des passions que les Comédies nous proposent, c'est que les Poètes pour les rendre agréables sont obligés, non seulement de les représenter d'une manière fort vive, mais aussi de les dépouiller de ce qu'elles ont de plus horrible, et de les farder tellement par l'adresse de leur esprit, qu'au lieu d'attirer la haine et l'aversion des spectateurs, elles attirent au contraire leur affection. De sorte qu'une passion qui ne pourrait causer que de l'horreur si elle était représentée telle qu'elle est, devient aimable par la manière ingénieuse dont elle est exprimée.
Un chrétien devient en quelque manière apostat, lorsqu’il s’arrête à ces divertissements du inonde, auxquels il a renoncé dans le baptême en renonçant à Satan et à ses pompes. » (Sur les commandements de Dieu.) […] Mgr Bouvier en avait déjà fait la remarque au moins d’une manière implicite, en disant : « Scenis notabiliter turpibus interesse ob delectationem indè consurgentem, peccatum est mortale, ut patet : si verò ob solam curiositatem aut vanum solatium id fiat, secluso periculo consensûs in rem veneream, quidam4 æstimant peccatum esse duntaxat veniale : verùm laxior est ista decisio, et mortale reputandum est peccatum, tùm propter periculum, tùm propter scandalum, tùm propter cooperationem ad actionem mortaliter malam ». Si les pièces ne sont pas notablement obscènes et qu’elles ne soient pas représentées d’une manière indécente, il n’y a point de péché mortel à y assister, suivant Sanchez, saint Liguori, Mgr Bouvier, Mgr Gousset, et plusieurs théologiens étrangers, sauf toujours tout danger particulier et tout scandale. […] On donne pour raison qu’on a alors un motif suffisant qui permet de coopérer d’une manière éloignée aux péchés des autres, ou de s’exposer soi-même à quelque péril. […] Il est donc vrai de dire qu’il ne parle que des seuls jeux de théâtre, qui, comme il le dit, sont en quelque manière utiles ou nécessaires au soulagement des peines de la vie, entre lesquels il met les représentations de chasse… Cet ange de l’école n’a donc garde d’enseigner qu’on puisse assister aux comédies dont nous parlons, ni qu’on puisse rien donner à ceux qui les représentent, puisque tout au contraire il les condamne lui-même avec saint Augustin, peu après les paroles qu’objectent les fauteurs de la comédie.
De la maniere que nous nous sommes exprimés, on voit que nous n’adoptons pas ses principes dans toute leur étendue. […] La critique y étoit présentée d’une maniere générale pour ne blesser aucun Citoyen ; ayant dégénéré en différents temps, la République la rétablit toujours dans son premier état de pureté. […] Il est vrai que ce célebre Docteur dit que la Comédie est licite en elle-même ; mais on sait que le Théâtre de son temps* ne ressembloit en aucune maniere au nôtre**. […] Nicole a traité le même Sujet, & de la même maniere.
Elle doit toujours l’être, & il lui est permis de l’être, quand elle attaque d’une maniere fine & innocente les Ridicules des hommes. […] Ainsi par un sel Attique, par Atticisme, nous n’entendons pas seulement la délicatesse du langage des Atheniens, mais leur maniere délicate de penser, & leur maniere fine & enjouée de railler. […] Ces Personnages si ennuyeux, deviennent plaisans sur le Théâtre, par la maniere dont le Poëte sait les y faire paroître : l’Imitateur sait même nous faire appercevoir d’un Ridicule qui ne nous avoit pas frappés, avant son Imitation.
La Comédie, à parler régulièrement, est un Poème Dramatique qui représente une action commune et plaisante, dont la fin est gaie, qui d’une manière ingénieuse, corrige les défauts des hommes ; et divertit par la peinture naïve qu’elle fait de leurs différents caractères. […] leur est favorable, en ce qu’il semble dire, que la Profession des Comédiens n’est pas mauvaise de sa nature et que l’on peut même contribuer à leur subsistance, pourvu que ce soit d’une manière modérée. « Officium histrionum, dit-il, quod ordinatur ad solatium hominibus exhibendum, non est secundum se illicitum, nec sunt in statu peccati ; dummodo moderate ludo utantur ; id est, non utendo aliquibus illicitis verbis, vel factis ad ludum, etc. […] Il est donc vrai de dire qu’il ne parle que des seuls jeux de théâtre qui, comme il le dit, sont en quelque manière utiles ou nécessaires au soulagement des peines de la vie, entre lesquels il met les représentations de chasse. […] L’un s’habille en Roi ; l’autre en Princesse ; l’autre en Courtisan ; l’autre en Accusateur ; l’autre en Juge ; ou de quelque autre manière, selon le rôle qu’il doit faire. […] La première : parce que cette sorte de récréation étant par elle-même et par ses circonstances entièrement mondaine, et de la nature de celles que prennent les seules personnes du siècle, elle ne peut en aucune manière convenir à des Religieux, qui par la régularité de leur conduite, et par la sainteté de leur état doivent être très éloignés des maximes et des pratiques du monde, auxquelles ils ont absolument renoncé par leur profession solennelle.
La maniere de leur celebration, n’eut rien de particulier, & consistoit en quelques sortes de combats, au prix & aux couronnemens des vaincueurs ; en simphonies de flutes & de lires, & enfin en dances & en balets. […] Car comme ces jeux ne se celebroient que de cinq en cinq ans, on comptoit une Olympiade pour un pareil nombre d’années, & cette maniere de compter les temps a duré mesme apres la reforme du Calendrier & jusques à Constantin.
Je fis il y a dix ou douze ans un écrit Latin sur la Comédie, où sans avoir mûrement examiné la matière, et par une légèreté de Jeunesse, je prenais le parti de la justifier, de la manière que je me figurais qu’elle se représentait à Paris, n’en ayant jamais vu aucune, et m’en faisant, sur les rapports que j’en avais ouï, une idée trop favorable, et je ne puis que je ne reconnaisse à ma confusion, que les principes et les preuves qui se trouvent dans la Lettre qui s’est donnée au public sans ma participation, sont les mêmes que dans mon écrit particulier, quoi qu’il y ait quelques endroits de différents entre les deux, où l’Auteur de la Lettre dit ce que je ne dis pas, et parle autrement que je ne fais moi-même dans mon écrit, comme en ce qu’il apporte sans raison en faveur de la Comédie, votre silence sur sa représentation, Monseigneur, pour en inférer un consentement et une approbation tacite de votre part, ce que je n’ai point fait dans mon écrit, où je ne dis rien du tout qui puisse regarder personnellement V. Grandeur, ainsi que l’illustre Monsieur Pirot, qui l’a vu depuis peu par votre ordre vous en peut rendre témoignage, aussi bien que de la différence d’expression qu’il y a entre la Lettre et mon écrit au sujet des Rituels, que la Lettre semble traiter d’un air qui ne marque pas d’assez grands égards pour des Livres aussi dignes de respect que le sont des Rituels, en parlant de cette manière, certains Rituels, au lieu que je dis simplement dans mon écrit, quelques Rituels : Nonnulla Ritualia aliquarum Diœceseum. […] Charles dont je me faisais fort ; je ne savais pas bien même ce que c’était que la Comédie Française de la manière qu’elle se joue à Paris, n’ayant jamais lu de Comédies de Molière, et n’en ayant lu que fort peu d’autres et sans application, n’ayant d’ailleurs qu’entendu parler des Rituels sur les Comédiens, sans avoir même lu celui de Paris.