Pour son systême de Théologie, il est si obscur, si mal conçu, si mal exprimé, qu’on ne peut en suivre le fil. […] Dans un de ces livres scandaleux, & mal écrits, intitulé le Philosophe amoureux, où le vice a pris pour texte, raconté & commenté à sa maniere, les amours d’Héloïse & d’Abaillard ; on trouve des choses singulieres & absurdes, qui n’ont pu échaper qu’à un homme de théatre. 1°. […] Il est inutile de pousser plus loin ce détail de tout ce que le libertinage des écrivains a fait rapporter, ajouter, changer à ces avantures galantes, qui n’ont rien que de fort ordinaire ; tous ces ouvrages, d’ailleurs mal écrits, n’en valent pas la peine. […] Il faut pour avoir ce succès, qu’elle soit apprétiée par la justice, la charité, selon les loix de l’Evangile ; mais ce bien, put-on même l’esperer, ne racheteroit jamais les maux infinis que feroit la licence à attaquer les personnes. […] Les passions exagerent tout en bien & en mal, les passions de tous les tems se répetent, & le monde est son propre écho.
Je vois dans ce tableau des chevaux attelés au char d’Hector ; ces chevaux ont des harnois, des mords, des rênes ; l’Orfevre, le Forgeron, le Sellier ont fait ces diverses choses, le Peintre les a représentées ; mais, ni l’Ouvrier qui les fait, ni le Peintre qui les dessine ne sçavent ce qu’elles doivent être : c’est à l’Ecuyer ou au Conducteur qui s’en sert à déterminer leur forme sur leur usage ; c’est à lui seul de juger si elles sont bien ou mal, & d’en corriger les défauts. […] La scène représente les hommes agissant volontairement ou par force, estimant leurs actions bonnes ou mauvaises, selon le bien ou le mal qu’ils pensent leur en revenir, & diversement affectés, à cause d’elles, de douleur ou de volupté. […] En effet, la raison veut qu’on supporte patiemment l’adversité, qu’on n’en aggrave pas le poids par des plaintes inutiles, qu’on n’estime pas les choses humaines au-delà de leur prix, qu’on n’épuise pas, à pleurer ses maux, les forces qu’on a pour les adoucir, & qu’enfin l’on songe quelquefois qu’il est impossible à l’homme de prévoir l’avenir, & de se connoître assez lui-même pour sçavoir si ce qui lui arrive est un bien ou un mal pour lui. […] Mais en nous laissant ainsi subjuguer aux douleurs d’autrui, comment résisterons-nous aux nôtres ; & comment supporterons-nous plus courageusement nos propres maux que ceux dont nous n’appercevons qu’une vaine image ? […] Les Citoyens ne seront plus des hommes vertueux & justes, toujours soumis au devoir & à l’équité, mais des hommes sensibles & foibles qui feront le bien ou le mal indifféremment, selon qu’ils seront entraînés par leur penchant.
Sa plume qui est le truchement de ses pensées, et ses écrits le symbole de ses mœurs, font connaître, que ses œuvres sont l’image de son esprit, et son visage étant l’âme raccourcie de son naturel et le miroir de son cœur, montre par la débilité de son cerveau, que ses sens sont égarés, et que son jugement a sorti les bornesc de la raison, par ce grand débordement d’injures dont son libelle est rempli : Ce Casuiste semble avoir mal pris ses mesures, d’avoir voulu faire un parallèle, de la Profession des anciens Histrions, à celle des Comédiens ; d’autant qu’il n’y a aucune affinité ni correspondance entre leurs exercices, l’une étant un pur batelage et souplesse de corps, et l’autre une représentation d’une fortune privée, sans danger de la vie, comme témoigne Horace, en son livre, de Arte d, « Comedia vero est Civilis privataeque fortunae sine periculo vitae comprehensio » ; Je sais bien qu’il y en a plusieurs, qui ne sachant pas la différence de ces deux professions, confondent l’une avec l’autre, et sans distinction de genre, prennent leur condition pour une même chose ; Mais il y a une telle inégalité entre elles, qu’il est facile de juger par la diversité de leurs fonctions, qu’elles n’ont nulle conformité ensemble, car celle des histrions n’est comme j’ai déjà dit qu’une démonstration d’agilité de corps et subtilité de main, mais l’autre étant une action plus relevée, fait voir qu’elle est une école des plus belles facultés de l’esprit, et où la mémoire fait un office digne d’admiration ; l’antiquité nous apprend qu’autrefois les Romains avaient ces Bateleurs en quelque considération, à cause du divertissement qu’ils donnaient à leurs Empereurs, mais ayant abusé du crédit qu’ils avaient obtenus du Sénat, s’adonnèrent à toutes sortes de licences pernicieuses, ce qui obligea la ville de Rome de les chasser, et particulièrement un nommé Hyster, qui s’étant retiré à Athènes, fut suivi d’une bande de jeunes hommes, auxquels il enseigna ses tours de passe-passe et autres parties de son métier, et furent appelés Histrions, du nom de leur Maître, ces Libertins s’ennuyant de demeurer si longtemps dans un même lieu, prirent résolution de revenir à Rome pour exercer leurs jeux : Mais l’Empereur Sévère, ne pouvant souffrir ces Ennemis des bonnes mœurs, fit publier un Edit, par lequel ils furent pour la seconde fois bannis de tout le pays latin ; Lisez ce qu’en dit Eusebius, et Prosper Aquitanus, sur la remarque des temps et des siècles : Pour le regard des Mimes, ou Plaisanteurse, ils ont pris leur source d’un certain bouffon appelé Mimos qui signifie en langue grecque Imitateur, d’autant qu’en ses représentations il contrefaisait divers personnages, et imitait les façons des uns et des autres. […] Il prétend prouver en alléguant l’antiquité, que les Comédiens sont notés d’infamie, selon les lois et constitutions Ecclésiastiques ; j’avoue avec lui que la Comédie à sa naissance, a été condamnée de l’Eglise primitive, et des Pères Orthodoxes, en ce qu’elle était une fondrière de tous vices : Mais comme les temps perfectionnent les hommes, et changent de mal en bien l’être des choses, elle s’est tellement rendue agréable par la pureté de son innocence, qu’il ne lui reste rien pour ajouter à son mérite, et qu’autant qu’elle a été pernicieuse en son principe, elle s’est montrée recommandable en la fleur de son printemps. […] Je veux qu’il y eûtt quelque mal à la voir, ou à la représenter, je demande si c’est par le moyen de ses injures qu’il espère l’abolir, et nous priver de ce divertissement, ou si c’est par la chaine de ses calomnies qu’il croit garrotter nos consciences, s’il était aussi soigneux de lire S. […] C’est un discours rampant et vide de sens, plein d’autant de vanité que son auteur a de présomption et qui n’a rien qui soit bastantw d’ébranler le moindre esprit, ses raisons sont si mal rangées, ses paroles si confuses, et ses termes si grossiers, qu’ils tiennent de la froideur de son tempérament, et de la qualité de son jugement ; Bref, il aurait besoin de se faire relever de la folie, comme d’un acte de sa Minorité, ou faire un voyage au pays d’Anticyre pour se purger le cerveau d’un peu d’elléborex. […] [NDE] Augmentent, en parlant d’un mal.
Un amateur, communément épris des charmes de quelque Actrice, se défend mal de ses sollicitations. […] Cependant on perd le goût et l’esprit de son état ; les devoirs qu’on n’aime pas, se remplissent toujours mal. […] 2.), un homme en place ne peut tolérer un mal public que pour en empêcher un plus grand, qui ne peut être évité que par là. Or la comédie est un mal public, et un grand mal ; elle n’en empêche aucun autre, et ceux-même dont on prétend qu’elle préserve, peuvent être arrêtés d’ailleurs, et sont bien moindres que ceux qu’elle fait faire : impudicités, médisances, friponneries, oisiveté, folles dépenses, etc.
Quand cela seroit, on feroit toujours mal d’y aller, parce qu’en y allant on viole les loix de Dieu & de l’Eglise, & qu’on s’expose au danger sans raison ; ce qui est toujours mal. […] Non, les puissances ecclésiastiques & séculieres ne permettent point les spectacles ; elles les tolerent seulement, comme elles tolerent les femmes perdues d’honneur, & une infinité d’autres maux qu’elles ne peuvent empêcher. […] Mais lorsqu’on ne va aux spectacles que par pure nécessité, & par l’engagement indispensable de son état ; qu’on n’y commet aucun mal, & que l’on ne s’expose pas même à l’occasion prochaine d’en commettre aucun, il n’y a point de péché, ou il n’y a tout au plus qu’un péché véniel, selon plusieurs Théologiens, quoique fort rigides d’ailleurs.
Il est donc impuissant pour empêcher le mal qu’il désapprouve, comme pour opérer le bien qu’il voudrait faire. […] Tous les ministres sont comprimés par le jésuitisme anarchique, et on doit plutôt leur savoir gré du bien qu’ils font quelquefois réellement comme à la dérobée ; et les excuser, en quelque sorte, du mal qu’ils ne peuvent empêcher. Ce bien et ce mal dont je veux parler, exigeraient ici de grands détails qui seraient curieux et dans lesquels j’entrerais par la suite et probablement jamais, puisque l’opposition va être muselée par de nouvelles ordonnances et règlements.
Cette considération n’a pas peu contribué au rétablissement de la Comédie, on l’a jugée un mal nécessaire ; cependant les Monarques ont de tems en tems renouvellé sa condamnation, étant contraints par la force de la vérité. Quelques-uns ont imité la politique des Rois de Juda, qui proscrivant le culte des fausses Divinités, toléroient néanmoins les sacrifices que l’on offroit au vrai Dieu sur le sommet des montagnes, tout irréguliers qu’ils étoient, selon la loi de Moïse, Verumtamen excelsa non abstulit , dans la persuasion qu’il faut souffrir un moindre mal pour éviter un plus considérable.
Ne sentent-ils pas les maux présents, et ne prévoient-ils pas les maux à venir ?