Suivant ce principe on a cru, en France, pouvoir conserver en partie et ajouter à notre Théâtre les mœurs des Latins ; les Valets de la Comédie moderne ont un empire absolu sur leurs jeunes maîtres, comme les Esclaves et les Vieilles des Latins l’avaient dans la Comédie de ce temps-là : ils ne savent que conseiller le mal, et s’employer pour l’éxécuter. Pour aller au même but, les Italiens n’ont pas fait comme les Français : ils ne se sont pas servis de Valets, ni de suivantes pour tendre des pièges à l’innocence, ou pour seconder la débauche des amants de Théâtre ; mais ils ont substitué, aux Esclaves, des hommes et de vieilles femmes, qui font le métier de séduire la jeunesse ; et, en cela, quoique le mal soit toujours le même, du moins les mœurs du temps ont été plus régulièrement suivies par les Italiens, que par les Français : D’ailleurs, s’il se trouve quelquefois des suivantes peu délicates sur l’honneur de leurs maîtresses, ce vice, par bonheur, est assez rare ; d’où il suit qu’il est extrêmement pernicieux d’en produire des exemples qui ne peuvent qu’inspirer des idées de corruption à celles qui ne la connaissent pas. […] Il s’agit présentement d’examiner le mal que peut produire la représentation d’une Comédie si instructive.
On prétendoit ne rien payer si elle se faisoit Catholique ; on négocia, on accorda bien de choses de part & d’autre, on craignoit qu’elle ne changeât, ce qui auroit pu faire une guerre civile, mais dans la suite elle fut si mal payée de ses pensions qu’elle n’avoit pas de quoi vivre, elle revint en Suède pour les demander, & en obtint une partie jusqu’à sa mort. […] On croyoit qu’elle s’habilloit en homme, & en prenoit les allures pour cacher ses défauts ; elle étoit petite & contrefaite, n’avoit rien de fin dans ses traits, rien de délicat dans son tein, chantoit & dansoit mal, n’avoit aucune des grâces de son sexe, son air plein de hauteur & de fierté, de mauvaise humeur & de brusquerie, y ajoutoit encore de la rudesse & de la grossiéreté. […] La vraie sagesse est la sainteté, il n’y a que les Saints vraiment sages ; les sages du temps ne sont que des insensés, peut-être faisoit-elle allusion aux révélations de Sainte Brigitte, qu’elle taxoit de folie ; car elle tenoit sur la Religion, les Ministres, les Saints, les pratiques, les cérémonies, les discours les plus libres, elle n’eut point à changer de style, elle ne pensoit pas plus mal étant Luthérienne. […] Elle fut très-peu reconnoissante pour ses Apôtres, car elle a toujours paru mécontente des Jésuites, se moquant d’eux, de leurs pièces de théatre, les méprisant, en disant volontiers du mal ; il est vrai qu’elle en disoit de tout le monde, & méprisoit tout le monde, elle étoit fort caustique, elle se plaignoit de leur général qui avoit manqué à lui rendre quelque visite. […] Imprudence qui déplut à toute la Cour où on ne vouloit pas un mariage si mal assorti ; ensuite elle alloit dire à Madame de Montpensier : Il faut vous marier avec le Roi, je veux en parler & ménager cette affaire.
Le projet indiscret d’une piété mal entendue serait d’ailleurs confondu par l’événement ; où les hommes fuiraient-ils le monde ? […] cette pratique sage et naturelle ne leur ferait-elle par franchir insensiblement l’immensité de l’espace du mal au bien, et du bien à la suprême perfection ? […] Si par rapport à cet homme, le Théâtre n’a pas l’avantage de le porter à faire le bien, n’est-il pas toujours d’une grande considération qu’il soit capable de l’empêcher de faire du mal, et n’est-ce pas une nécessité que d’employer tous les moyens possibles d’empêcher les méchants de se livrer au mal ? […] Que l’on réflechisse un peu sur tous les maux qui résultent d’une union si disproportionnée, loin de croire comme Mr. […] Qu’un seigneur épris de ses charmes et de ses talents vienne mettre alors sa fortune à ses pieds, quel mal en résulterait-il ?
S’il est mal choisi, s’il ne peut se plier au Théâtre, les éfforts du génie deviennent inutiles ; envain, le Poète aurait une diction brillante & soutenue, & le feu de l’imagination joint aux graces de l’esprit. […] Je parlerai ailleurs de ce qui le concerne : il me suffira de faire remarquer ici, combien il est mal adroit dans une Comédie, quelque soit son genre, de mettre un des personnages en danger de mort. […] Ce que l’un a mal fait, l’autre ne sçaurait le perfectionner. […] De même que vous vous amusez à contempler les différentes manières de jouer des Acteurs qui montent tour-à tour sur le Théâtre, de même vous jouirez du plaisir de voir de quelle façon cet Auteur traitera tel sujet bien ou mal rendu par ses prédécesseurs ; vous goûterez la douceur maligne de la comparaison. […] « Lorsque l’on fait des jeux, il faut les faire en jouant, & les accompagner d’une grace naive & simple, non pas d’un appareil de grand éclat. » Scaliger encourage les Poètes du Théâtre moderne à être simples : « En un mot, dit-il, les petits sujets entre les mains d’un Poète ingénieux ne sauraient mal réussir16. » D’Aubignac dit encore la même chose : « Il faut remarquer aussi que le Poète doit toujours rendre son action la plus simple qu’il lui sera possible17. » En voilà assez pour éxcuser notre Opéra.
« Tout amusement inutile est un mal pour un être dont la vie est si courte et le temps si précieux. […] Or si le bien est nul, reste le mal ; et comme celui-ci n’est point douteux, la question me paraît décidée. […] Comme les empêcher de s’occuper, c’est les empêcher de mal faire, deux heures par jour, dérobées à l’activité du vice, sauvent la douzième partie des crimes qui se commettraient. […] Le mal par rapport à l’homme est la souffrance et le dégoût, non l’amusement et l’émotion dont il a essentiellement besoin. […] Ainsi je ne conçois pas comment dans ces productions d’esprit le bien est nul, et que le seul mal reste.
Pour bien instruire, il ne faut qu’indiquer légèrement le mal, & donner des leçons & des exemples de vertu. […] Non, le mal n’est jamais que dans l’éclat qu’on fait. […] Et de rectifier le mal de l’action Avec la pureté de notre intention. […] Je prends le mal sur moi, je vous réponds de tout. […] La servante raisonnoit mieux : Son esprit est rusé, & mal aisé à surprendre.
Ils déguisent bien mal l’ambition qui les tourmente, leur passion dominante est le désir immodéré d’obtenir de l’autorité et du crédit, et d’amasser par tous les moyens, même les plus criminels, des richesses, objets de leurs vœux les plus ardents. […] Voudrait-on rouvrir cette source d’abus qui mit de si grands biens à la disposition des prêtres, et qui fit jadis tant de mal à l’Etat et à la religion ? […] On est autorisé à en juger ainsi d’après ses projets insensés, qui, à force d’être gigantesques, immodérés, et mal dirigés, du moins vers la fin de son règne, se rapetissent en disparaissant presque aussitôt qu’ils ont été conçus. […] Cette volonté forte, en proie à ses propres caprices, ainsi qu’aux influences funestes de l’esprit de parti qui cherche à l’égarer, renferme toujours un germe de la destruction et toujours opère beaucoup plus souvent le mal que le bien. […] On rit de pitié en apercevant les petitesses pleines de méchancetés de l’implacable jésuitisme, qui à Rouen a si mal accueilli le retour de l’illustre La Fayette, compagnon de Washington.
Il se levoit étant malade, se faisoit soutenir par ses domestiques, & dansoit, très mal sans doute, mais il se contentoit. […] La peste est un moindre mal que le théatre, longè graviorem pestilentium . […] Ces maux, il est vrai, ne sont pas réels, mais par les spectacles des maux imaginaires, vus avec plaisir, on s’endurcit, on s’accoutume à l’inhumanité. […] C’est toujours un premier mal certain pour remédier à un autre. […] Il a joué les défauts des Comédiens, ce qui l’a mis mal avec ces deux théatres, & a contribué à le faire chasser.