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110. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XXIII. Impossibilité de réformer entièrement les spectacles. » pp. 191-194

Si on excluait de la comédie les rôles de femmes et les déguisements, qui sont défendus aux chrétiens ; elle serait réduite à si peu de sujets, et ces sujets seraient si éloignés du goût des spectateurs, qu’elle tomberait d’elle-même : car elle ne se soutient que parce qu’elle présente un bizarre assemblage du bien et du mal, et que le mal l’emporte de beaucoup sur le bien.

111. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « LIVRE QUATRIEME. » pp. 1-3

Et y eût-il même par hasard quelque pièce dégagée de toute passion, ce qui ne doit pas être, puisqu'elle serait froide et mal accueillie, on ne devrait pas y aller, parce que du moins ce serait autoriser et entretenir des Comédiens, dont l'esprit, le dessein et le métier, est d'en remuer tous les ressorts, et s'exposer à être blessé tôt ou tard par ces mortels ennemis, surtout la jeunesse, dont le cœur neuf et facile est susceptible de toutes sortes d'affections, et se corrige si difficilement des mauvaises dont elle fut d'abord infectée. […] Mais il est difficile de persuader que c'est un mal ; on ose avancer même que c'est un bien, que les passions se servent mutuellement de remède, qu'on ne les met aux prises que pour les vaincre l'une par l'autre.

112. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « JUGEMENT DE M. DE VOLTAIRE, SUR LES SPECTACLES. » pp. 78-81

Pourquoi sans nous émouvoir, rencontrons-nous quelqu’un qui ait le corps tordu et mal bâti, et ne pouvons souffrir le rencontre d’un esprit mal rangé, sans nous mettre en colère ?

113. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE VII. Suite de l’Indécence. » pp. 138-160

C’est un reproche qu’on fait bien ou mal aux Missionnaires, aux Confesseurs, aux Casuistes, aux livres d’examen de conscience, d’enseigner le vice par le détail trop circonstancié des péchés. […] Jamais le Missionnaire le plus indécent, l’examen le plus détaillé, le Casuiste le plus naïf, Sanchès lui-même, qu’on a tant frondé, n’ont fait autant de mal que Moliere, Ghérardi, Dancourt, &c. […] Plus le Prince est pieux, & plus on s’observe : ce seroit faire mal sa cour de prendre l’essor du vice. […] Est-il quelqu’un dans le monde qui puisse se dissimuler que le spectacle est au moins mi-parti de bien & de mal, de bonne & de mauvaise compagnie, de bons & de mauvais exemples, d’objets édifians & d’objets dangereux ? […] Elle ne differe de la nôtre qu’en ce que la nôtre est plus mal choisie, plus mal arrangée, plus libre & plus indécente.

114. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « CHAPITRE III. Des Comédies de ce temps, si elles sont moins mauvaises et moins condamnables que celles du temps passé. » pp. 55-81

malheur à ceux qui entreprennent d’y faire passer le mal, pour le bien, et les ténèbres pour la lumiere. […] Car pour l’ordinaire, l’on est bien plus susceptible du mal qui est enseigné, qu’on est touché de la peine qui le suit. […] Un baissement de tête, un soupir mortifié, et deux roulements d’yeux rajustent tout le mal qu’ils peuvent faire. […] Ainsi je me divertirai à petit bruit, je ferai impunément tout le mal que je voudrai. […] Peut-être y a-t-il du mal à dire cela.

115. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE III. De la Comédie. » pp. 92-118

Quand Molière donc fait voler un père par son fils, qu’il fait désirer à un valet l’occasion de voler son Maître, c’est pour apprendre aux avares de combien de maux ils se rendent la cause. N’est-il pas vrai que si Harpagon ne refusait pas à son fils jusqu’au nécessaire ; s’il ne portait pas la lésine jusqu’à l’envoyer boire une verre d’eau fraîche à la cuisine, quand il se trouve mal en sa présence, et cela d’un ton à faire croire que ce Vilain a même regret à cette dépense ; n’est-il pas certain en un mot que s’il n’était pas un monstre dans la société son fils ne commettrait pas les fautes qu’il commet et que ce père indigne de l’être en est le premier auteur ? […] Il s’agit d’examiner si Alceste est un galant homme tourné mal à propos en ridicule ; si la pièce, comme vous vous l’imaginez, est contraire aux bonnes mœurs ; si un homme qui dit durement son avis sur tout, qui ne s’embarrasse jamais de mortifier personne, qui prend le Dé à tous coups, et s’établit orgueilleusement le Juge et le Précepteur du genre humain, qui joint l’insolence à la brusquerie, n’est pas un homme vicieux et blâmable ; et si la probité est un titre qui exclue la politesse et la modestie. […] « Morbleu, vil complaisant, vous louez des sottises. »dk Ce vers est une boutade très bien placée dans la bouche d’un bourru et j’avoue qu’une pointe irait mal après elle : mais ce que vous appelez une pointe paraît aux autres une seconde boutade toute aussi caustique mais plus plaisante que la première, et qui peut fort bien, sans faire tort à la Vertu garder la place qu’elle occupe. […]  : « […] convenons que, l’intention de l’Auteur étant de plaire à des esprits corrompus, ou sa morale porte au mal, ou le faux bien qu’elle prêche est plus dangereux que le mal même […] » dr.

116. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE IV. Suite des effets des Passions. » pp. 84-107

Que c'est mal connaître l'homme et ses passions, de se flatter qu'on en arrêtera à son gré le cours impétueux quand une fois le torrent a rompu la digue ! […] Voir les maux de son âme, se les peindre, en faire un amusement et des délices, c'est une vraie frénésie. […] au lieu de chercher le remède à ses maux, il applaudit, il invite, il paie l'ennemi qui les rend incurables et lui perce cruellement le sein. […] Tout cela ne guérit point le mal. […] abandonné à lui-même, au dégoût, à l'ennui, aux combats, aux remords, quel dégoût du bien, quelle vivacité pour le mal !

117. (1749) Maximes pour se conduire chrestiennement « Des Plaisirs, et en particulier des Spectacles. » pp. 233-248

Mais, dit-on, (c’est le langage commun) je suis sûr de n’y faire aucun mal. […] Voudriez-vous, sous prétexte que déjà quelquefois vous avez vu des pestiférés sans prendre le mal, voudriez-vous, dis-je, pour cela vous familiariser avec eux ? […] Que personne n’écoute la médisance, il n’y aura point de médisants : d’où les Casuistes concluent que ceux qui écoutent la médisance, ne font point un moindre mal que ceux qui médisent.

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