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6. (1687) Avis aux RR. PP. jésuites « II. » pp. 9-11

Voilà, Mes Pères, de quels sentiments votre joie devait être tempérée. […] Est-ce que c’est la nature de ces sortes de joies profanes, qu’elles enivrent, et qu’elles font oublier le bon sens et la raison ? […] Vous avez été sincères ayant mieux aimé supprimer sa mémoire que de démentir par quelque marque extérieure de regret les sentiments de votre cœur qui nageait dans la joie de se voir délivré d’un Prélat incommode, dont la vie était un reproche continuel de votre conduite ; semblables à ces femmes coquettes qui ne peuvent dissimuler la joie qu’elles ressentent à la mort de leurs maris, dont le joug ne s’accorde pas avec la malheureuse liberté qu’elles recherchent.

7. (1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre I. Que les Danses ne sont pas mauvaises de leur nature. » pp. 1-5

Comme les Danses ne sont que des assemblées, où l’on donne des témoignages de sa joie, et de sa satisfaction sensible par le chant, ou par l’usage de quelque instrument de Musique, et par le mouvement du corps ; il n’y a rien qui nous empêche d’entrer dans le sentiment commun des Docteurs, et de dire avec eux qu’elles ne sont point mauvaises de leur nature ; mais qu’elles sont d’elles-mêmes indifférentes. En effet cette sorte de témoignages extérieurs de contentement, et de joie, peuvent être bons, aussi bien que mauvais ; Et nous ne pouvons point douter, que quelques personnes pieuses n’en aient usé en quelques occasions, par le mouvement d’un véritable zèle, et par un sentiment de piété. […] Et dans celui de Marie sœur d’Aaron, qui après que Dieu eut submergé Pharaon avec toute son armée dans les eaux de la Mer rouge, et délivré son peuple de la captivité, chantait avec les autres femmes, et donnait au son des Instruments d’autres marques visibles de sa joie intérieure, en action de grâces, et pour bénir la toute-puissance de Dieu, qui les avait affranchis par des voies si extraordinaires. […] peut dire la même chose de la fille de Jephté, lorsqu’elle alla au devant de son Père, avec des semblables démonstrations de joie, pour montrer combien elle était touchée et satisfaite de sa victoire.

8. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XXVIII. Doctrine de l’écriture et de l’église sur le jeûne. » pp. 98-101

Il ne faut pas s’étonner que durant ce temps on défende spécialement les spectacles : quand ils seraient innocents, on voit bien que cette marque de la joie publique ne conviendrait pas avec le deuil solennel de toute l’église : loin de permettre les plaisirs et les réjouissances profanes, elle s’abstenait des saintes réjouissances, et il était défendu Ibid. can. 51. […] d’y célébrer les nativités des saints, parce qu’on ne pouvait les célébrer qu’avec une démonstration de la joie publique. […] C’est encore dans le même esprit qu’on ne jeûne point le dimanche ni durant le temps d’entre Pâques et la Pentecôte, parce que ce sont des jours destinés à une sainte réjouissance, où l’on chante alléluia, qui est la figure du cantique et de la joie du siècle futur. Si le jeûne ne convient pas au temps d’une sainte joie, doit-on l’allier avec les réjouissances profanes, quand d’ailleurs elles seraient permises ?

9. (1689) Le Missionnaire de l’Oratoire « [FRONTISPICE] — Chapitre » pp. 19-20

Leurs joies sont vaines et frivoles, et les vôtres seront solides et véritables ; l’objet de leur joie n’est que quelque chétive créature, et l’objet des vôtres sera le Créateur, vrai océan et abîme de tout bien ; leurs joies sont détrempées de mille amertumes, d’envie, de jalousie, de crainte, de défiance ou d’autre passion, les vôtres seront pures et sans aucun mélange d’aigreur ; leurs joies ne sont que pour quelques heures, quelques jours ou quelques années, les vôtres seront sans fin, sans pause et sans aucune diminution en toute l’étendue des siècles.

10. (1675) Traité de la dévotion « Chapitre III. De la trop grande sensibilité aux plaisirs de la terre ; troisième source de l’indévotion. » pp. 58-65

En vérité ces âmes si remplies de la joie du monde ne sont donc pas propres à recevoir ces consolations spirituelles, et les impressions salutaires de ce divin consolateur. […] Certes, cette divine manne de la grâce, ces ravissements, et ces joies de la dévotion, ne se communiquent pas à ceux qui ont un magasin fourni des biens de l’Egypte, et des plaisirs du monde. […] Ils font naître des joies et des tristesses réelles pour des aventures imaginaires. […] De là vient encore que le tempérament où le sang domine, qui est le tempérament de la joie du monde, est moins propre à la dévotion, que celui dans lequel il entre un peu de terre et de mélancolie. […] Ils s’imaginent se pouvoir partager entre ces deux joies, celle du ciel et celle de la terre, mais cela ne se peut.

11. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XXXV. Conclusion de tout ce discours. » pp. 138-152

, a bien pris nos larmes, nos tristesses, nos douleurs et jusqu’à nos frayeurs, mais n’a pris ni nos joies ni nos ris, et n’a pas voulu que ses lèvres, « où la grâce était répandue »Ps. […] Je ne m’en étonne pas : car nos douleurs et nos tristesses sont très véritables, puisqu’elles sont de justes peines de notre péché : mais nous n’avons point sur la terre depuis le péché, de vrai sujet de nous réjouir : ce qui a fait dire au Sage : « J'ai estimé le ris une erreur, et j’ai dit à la joie : pourquoi me trompes-tu ?  […] ou comme porte l’original : « J'ai dit au ris, tu es un fol, et à la joie, pourquoi fais-tu ainsi ?  […] Ainsi le verbe fait chair, la vérité éternelle manifestée dans notre nature, en a pu prendre les peines qui sont réelles ; mais n’en a pas voulu prendre le ris et la joie qui ont trop d’affinité avec la déception et avec l’erreur. […] , des mensonges et des inventions de leur esprit : ou comme lisent les Septanteas, « Ils me racontent, ils me proposent des plaisirs ; mais il n’y a rien là qui ressemble à votre loi » : elle seule remplit les cœurs d’une joie, qui fondée sur la vérité, dure toujours.

12. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « EXTRAIT DE QUELQUES PENSEES SAINES. Qui se rencontrent dans le livre de J.J. Rousseau contre le Théâtre, ou condamnation de son système par lui-même. » pp. 66-77

 » « Cette maxime est barbare et fausse ; tant pis si le peuple n’a de temps que pour gagner son pain, il lui en faut encore pour le manger avec joie. […] Où est la pure joie et la véritable allégresse ? […] Vois-tu ces bons Genevois, ils sont tous amis, ils sont tous frères, la joie et la concorde règnent au milieu d’eux. […] Non, il n’y a de pure joie que la joie publique !

13. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VI. Du sérieux et de la gaieté. » pp. 128-149

Lui à qui la vérité incarnée a dit : « Heureux ceux qui pleurent, malheur à ceux qui rient ; le monde sera dans la joie, et mes disciples dans la tristesse. […] Cette chute est inévitable : la véritable joie est le sentiment du bien-être, le spectacle n'est qu'une agitation passagère qui attire l'âme hors d'elle-même, et ne lui dit rien de son propre état. […] Je veux qu'il y ait un moment de plaisir à verser des pleurs, comme il y en a à voir l'horreur des précipices, l'obscurité d'une fosse, une bataille, etc. tout cela n'est pas de la joie, et ne rend pas heureux. […] Le théâtre ouvre la porte à tous les vices ; il remplit d'une folle joie qui sans cesse et sans mesure, sans pouvoir rien souffrir, ne veut que le plaisir et le jeu. […] Ni la joie de la comédie, ni la tristesse de la tragédie, n'ont de sujet raisonnable ; rien de ce qu'on y représente ne nous intéresse en effet.

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