Il ne faut pas s'imaginer que ces méchantes maximes dont les Comédies sont pleines ne nuisent point; parce qu'on n'y va pas pour former ses sentiments, mais pour se divertir: car elles ne laissent pas de faire leurs impressions sans qu'on s'en aperçoive ; et un Gentilhomme sentira plus vivement un affront, et se portera plus facilement à s'en venger par la voie criminelle qui était ordinaire en France, lorsqu'il aura ouï réciter ces Vers: « Mourir sans tirer ma raison : Rechercher un trépas si mortel à ma gloire ; Endurer que l'Espagne impute à ma mémoire D'avoir mal soutenu l'honneur de ma maison; N'écoutons plus ce penser suborneur. » Et la raison en est que les passions ne s'excitent pas seulement par les objets, mais aussi par les fausses opinions dont l'esprit est prévenu. L'opinion que la chimère de l'honneur est un si grand bien qu'il le faut conserver aux dépens même de la vie, est ce qui a produit si longtemps la rage brutale des Gentilshommes de France. Si l'on ne parlait jamais de ceux qui se battent en duel, que comme des gens insensés et ridicules, comme ils le sont en effet ; si l'on ne représentait jamais ce fantôme d'honneur qui est leur idole, que comme une chimère et une folie ; si l'on avait soin de ne former jamais d'image de la vengeance que comme d'une action basse et pleine de lâcheté; les mouvements que sentirait une personne offensée seraient infiniment plus lents.
On est impunément, on est avec honneur la maîtresse d’un grand, la distributrice des graces, le mobile des affaires, l’objet des adorations. […] M Turpin, qui ne peut nier dans son héros une débauche publique & scandaleuse, dont lui-même se faisoit honneur, s’efforce de l’excuser. […] Les journaux ne veulent point prononcer sur ses éloges : ce doute ne fait honneur, ni au héros, ni au panégyriste. […] Qu’il ne se flatte pas de l’honneur de la scène. […] Les prêtres disent qu’il est hérétique (ils ont grand tort, les luthériens ne le sont pas ; pour moi j’aime de pareils hérétiques à qui les actrices donnent le coup de grace), je souhaite que Dieu nous en envoie encore un semblable (pour faire honneur au célibat) En revanche, en place des honneurs religieux, son cadavre, qui n’étoit plus ambulant, fut comblé des honneurs militaires depuis Chambort jusqu’à Strasbourg, où, au bruit de l’artillerie, il fut pompeusement conduit & enterré dans une chapelle luthérienne.
Remarquez que les plus grandes fêtes, les plus grands honneurs consistent en bruit, & en bruit qui ne dit rien. […] Je n’en ai point vu où il fasse faire en sa présence, & fasse lui-même les honneurs à son buste. […] L’histoire fournit plusieurs exemples d’honneurs rendus à des portraits. […] Gardel : il auroit pu faire le même honneur au Mahométisme. […] La danse y fit les honneurs du théatre, elle y acquit la plus grande perfection.
Leur grave amateur, président des actionnaires a établi parmi eux de donner tour à tour des fêtes aux actrices ; permis néanmoins à chacun d’accorder chez lui les honneurs à la sultane favorite ; les autres chevaliers ne se voient pas sans peine, chacun voudroit les honneurs pour la dulcinée. […] Les Anglois ordinairement entousiastes, ont fait une fête à l’honneur de Shakespear, qui a couté des sommes immenses, Garrik en a eu l’intendance, & en a fait les honneurs. On a construit en l’honneur de ce Poëte un grand édifice & une salle de bal, qui pouvoit contenir 2000 personnes, & fort ornée. […] Je ne doute pas qu’on ne suive un si bel exemple en France, à l’honneur de Moliere, Corneille, Racine. […] Tout ce qui se trouve de support du palais, dans les allées & dans la cour, frappe des mains en son honneur, & le comble de bénédictions.
Ces gens-là ne sont pas invités pour faire les plaisants : c’est que l’amour-propre est flatté du talent d’autrui, et que comme disait le généreux Montecuculli du grand Turenne : « un grand homme fait honneur à l’Homme »fg, et qu’on se fait honneur à soi-même en leur faisant honneur. […] On doit se faire honneur, quand on est raisonnable, du mépris de trois sortes de gens : des coquins, des Catins, et des sots. […] Qu’on cesse donc d’opposer à l’honneur des Comédiens des règlements devenus injustes, puisque la cause qui les dicta ne subsiste plus. […] Vous établissez une Cour d’honneur, vous lui prescrivez sa conduite, vous vous érigez en Législateur de ce Tribunal. […] Tout homme qui attend son honneur des titres dont il est décoré, s’il les possède sans les mériter, n’est aux yeux des sages qu’un Baudet chargé de Reliques.
Surpris à l’excès de la hardiesse, & piqué de cette espece d’insulte, mais tremblant devant lui, il lui fit tous les honneurs. […] Il se seroit fait honneur à lui-même dans la personne d’un Prince dont il admiroit les grandes qualités : mais il voulut goûter les honneurs du triomphe. […] Le triomphateur fut un Seigneur de la Cour, amiral de la flotte ; c’est lui qui, assis sur un trône, environné des officiers, reçut tous les honneurs. […] On lui fait tous les honneurs, on lui donne audience. […] Voltaire a voulu faire honneur à la Philosophie, en lui donnant trois Hommes célebres : mais son arrangement mal conçu lui est d’ailleurs inutile.
Lors les Muses désireuses, De vos grâces amoureuses, Se logèrent dans le cœur : Python où l’œillet respire L’honneur, du front tient l’Empire Comme un glorieux vainqueur. […] Unique bien que tout respire L’esprit captif sous ton Empire, Chérit l’honneur de son tourment, Retenu en tes douces gênesc, Mourir enlacé de tes chaines C’est vivre au vrai contentement. […] Ce feu saint, l’honneur des Vestales, Echauffe les âmes Royales, Des vertus qui la font aimer : Et comme la lampe divine, Qui brillant, éclaire, illumine Elle reluit sans consommer.
Mais on ne comprend pas comment il est possible qu’elle soit l’allégorie d’une élection qui fasse honneur à votre Prélat, et quelques habiles que vous soyez, mes Pères, dans la fiction, certainement vous faites naufrage dès le Prélude, et votre Héros ne doit point vous savoir gré de l’avoir joué d’une manière qui donne une idée très désavantageuse de son entrée à l’Archevêché de votre Eglise ? […] Si c’est là, mes Pères, être, selon vous, le plus digne, d’un Archevêché, que de se jeter après et de s’en saisir, comme votre allégorie porte à croire que votre Prélat a fait, c’est selon l’Ecriture et les Pères, s’en rendre très indigne quelques belles qualités qu’on pût avoir d’ailleurs. « Jésus Christ , dit l’Apôtre, 6 n’a point pris de lui-même la qualité glorieuse de Pontife.… nul ne s’attribue à soi-même cet honneur, mais il faut y être appelé de Dieu comme Aaron. » C’est ce divin modèle du Fils de Dieu qu’ont toujours suivi et imité tous les véritables Pasteurs : Et l’Eglise n’en honore aucun comme Saint, dont elle ne puisse dire ce qui est marqué dans le Bréviaire de Paris pour le commun des Pontifes : « Ille non vano tenuit tremendam Spiritu sedem, proprio nec ausu, Sed sacrum jussus Domino vocante Sumpsit honorem. » Les Saints n’ont pas seulement été éloignés de cette ambition pour les charges de l’Eglise, qui fait, pour parler conformément à votre allégorie, que l’on se jette après, qu’on tâche de s’en saisir et qu’on y court en dansant, c’est-à-dire dans une disposition bien contraire à cette crainte et cette frayeur que leur humilité leur a toujours inspirée, mais ils ont encore marqué quels étaient sur cela leurs sentiments, et qui selon eux étaient les plus dignes de ces charges. […] Je n’ai point recherché la première place dans le festin du Seigneur ; mais la plus basse ; Et il lui a plu de me dire, Montez plus haut. » Ce Saint Docteur dit ailleurs : « Que les honneurs doivent nous chercher ; et que si nous les cherchons, nous renversons l’ordre et la loi de Jésus Christ qui veut que nous choisissions la dernière place : »8 « Honor te quærere debet non ipsum tu. […] En vérité vous ne lui faites guère d’honneur : « Car il est toujours honteux, dit encore S. […] Elle est la plus large, je vous l’avoue, et la plus fréquentée, mais Dieu a néanmoins ses Serviteurs dans tous les temps qui ne fléchissent point le genou devant l’Idole de l’ambition, qui vont aux honneurs par la voie de l’humilité, et qui s’y trouvent élevés sans qu’ils les aient recherchées.