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2. (1687) Avis aux RR. PP. jésuites « XV. » p. 68

Cependant les six premiers Génies reviendront, savoir qui est celui d’entre eux qu’Apollon aura choisi. […] Ils sont tellement à ce que vous prétendez, particuliers au Héros, que les autres Génies n’y reconnaissant point leur visage s’enfuiront. Le Génie du Prélat restera seul. La retraite si brusque de ces Génies marque qu’ils sont fort mécontents, et peut-être ont-ils raison.

3. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Avertissement. » pp. -

L’homme de génie, guidé par un sentiment pur, par un enthousiasme qui tient de l’instinct, suit les principes de son art, quoique leur influence soit insensible. […] Rien : si elles ne l’empêchent pas de se livrer tout entier à son génie. […] Du médiocre : qui ne sçait que ces pédantes minutieuses enchaînent le génie par une exactitude languissante, par une attention qui refroidit, par des scrupules qui découragent. […] Les vrais génies ont moins besoin d’être instruits qu’aiguillonnés. […] Ce que sont pour les connoisseurs, les intermédes dans les Piéces de Théatre, & quelques pointes de rocher dans une coline tapissée de verdure, les défectuosités le sont pour moi dans un ouvrage de génie.

4. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre I. Du Théâtre des Anciens. » pp. 2-24

Le génie, ennemi de la contrainte, se réfroidit, s’abaisse, dès qu’on ne lui laisse pas prendre un libre essor. […] Ces règles, ouvrages de froids méditatifs, donnerent des entraves au génie. […] Le talent brille dans l’un, un génie toujours créateur anime l’autre. […] Le génie qui a une marche uniforme, dans un même genie d’ouvrages, change cette marche, quand il change d’objet. […] Le génie n’est donc pas uniforme dans ses productions de même genre.

5. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre III. De la Dédicace de la Statue de Voltaire. » pp. 71-94

Tous les admirateurs de Voltaire doivent-ils tous leurs talents, leur génie, leur esprit à la Clairon ? […] Voltaire fut l’organe des graces, du génie, des vertus. C’est un mince éloge ; ce puissant génie, cet homme si vertueux, si charmant, ne fut-il que l’organe des graces, des vertus, du génie ? Mais les graces, les vertus, le génie ont ils une organe ? […] C’est mal connoître ce génie sublime, qui ne doit rien qu’à lui-même.

6. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [C] » pp. 391-398

Sophocle, heureusement né pour ce genre de Poésie, avec un grand fond de génie, un goût délicat, une facilité merveilleuse pour l’expression, réduisit la Muse Tragique aux règles de la décence & du vrai ; elle apprit à se contenter d’une démarche noble & assurée, sans orgueil, sans faste, sans cette fierté gigantesque qui est au-dela de ce qu’on appelle héroïque ; il fut intéresser le cœur dans toute l’action, travailla les vers avec soin ; en un mot, il s’éleva par son génie & par son travail, au point que ses Ouvrages sont devenus l’exemple du beau & le modèle des règles. […] Ce génie sublime, qu’on eût appellé tel dans les plus beaux jours d’Athènes & de Rome, franchit presque tout-à-coup les nuances immenses qu’il y avait entre les essais informes de son siècle, & les productions les plus accomplies de l’art. […] C’est le génie qui fait tout en lui ; qui a créé les choses & les expressions : il a partout une majesté, une force, une magnificence, qu’aucun de nos Poètes n’a surpassé. […] Il créa le Théâtre Anglais, par un génie plein de naturel, de force & de fécondité, sans aucune connaissance des règles : on trouve dans ce grand génie le fond inépuisable d’une imagination pathétique & sublime, fantasque & pittoresque, sombre & gaie ; une variété prodigieuse de caractères, tous si bien contrastés, qu’ils ne tiennent pas un seul discours que l’on pût transporter de l’un à l’autre. […] Quelquefois, en lisant ses Pièces, on est surpris de la sublimité de ce vaste génie, mais il ne laisse pas subsister l’admiration.

7. (1752) Lettre à Racine « Lettre à Racine —  LETTRE A M. RACINE, Sur le Théatre en général, & sur les Tragédies de son Père en particulier. » pp. 1-75

Voilà comme un Homme de génie fait quelquefois un Livre en deux mots. […] Il n’y a point de génie universel. […] Le génie le plus étendu a des bornes. […] Et n’est-ce pas-là le génie ? […] Quel dommage qu’il ait si mal employé son génie !

8. (1687) Avis aux RR. PP. jésuites « VI. » pp. 27-35

Six Génies dansent, dites-vous, lorsqu’une Pomme d’or tombe du ciel. […] Les Génies se jettent incontinent sur la Pomme, chacun tâche de s’en saisir. […] Mais le Génie du Prélat en est-il ? […] Là vous y faites paraître des Génies qui se jettent incontinent sur la Pomme, qui représente une des plus grandes Dignités Ecclésiastiques ; Vous dites, que chacun tâche de s’en saisir, qu’ils ne peuvent s’accorder entre eux ; mais qu’enfin le seul Génie de votre Héros demeure, et que les autres s’enfuient ; Ici l’on est indigne de l’Episcopat, si on ne s’enfuit, si on ne résiste et si on ne se laisse faire violence pour l’accepter.

9. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « FRAGMENT D’UNE LETTRE A ME. DE ****. SUR LES SPECTACLES. » pp. 82-92

Pour parvenir à un succès si désirable, je crois qu’il serait nécessaire d’avoir un génie neuf, élevé, nerveux, qui, ne reconnaissant de règles que son sentiment, ne bâtisse point sur le dessein d’autrui : un tel homme serait notre Démosthène ; mais la servitude et le dégoût ne le formeront jamais, et je ne cesse pas d’être étonné que nous ayons encore de si bons Auteurs. […] C’est ainsi que, sans y faire attention, nous nous privons de bien des génies lumineux, capables, peut-être, de nous faire sortir de la médiocrité et de la frivolité dans lesquelles nous languissons. […] Mais toutes ces sortes de libelles, où la haine et le mensonge prennent impudemment le langage de la vérité, dégoûtent les plus beaux génies, étouffent les talents, et détruisent l’émulation. […] Le sublime semble être sa nature ; la perfection de ses ouvrages dépend de lui ; la solitude, le travail exact, réfléchi, long et pénible, la combinaison qui arrange toutes les parties au profit de son objet, sont des secondes qualités qui sont toujours à la volonté du grand génie. […] Son Brutus est une Pièce qui marquera à jamais le génie admirable de l’Auteur.

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