De plus c’est abuser du nom de divertissement de le vouloir prendre avec péché, tant s’en faut qu’il ait été institué pour y prendre un plaisir criminel, qu’il n’est proprement que pour rasséréner nos esprits, et les tirer du trouble des occupations pressantes qui leur donnent la gêne ; le contraire arrive aux libertins, au lieu de trouver quelque calme dans leurs recréations honteuses, ils n’en rapportent que du chagrin et de l’inquiétude dans leurs maisons ; ils y retournent comme des demi-désespérés à qui tout déplaît, et qui portent déjà une partie de leur Enfer avec eux ; on les voit le lendemain de leurs désordres entrepris, songeards, hébétés : Le souvenir du précédent, et les images de leurs folies qui leur semblaient si belles, ne se présentent à eux que comme des furies qui les veulent déchirer. […] Alphonse Roi d’Aragon, qui a mérité le nom de Sage ne mettait point de différence entre un fol et un danseur, parce que l’un et l’autre fait des actions de folie, il ne les distinguait point, si ce n’était que le Danseur ne l’est que pour le temps qu’il danse, l’autre l’est pour toujours : On leur pourrait donner un troisième, qui est l’ivrogne : car qu’est-ce que l’ivresse ? Ne doit-on pas répondre, que c’est une folie de quelques heures : Si on me contraignait à dire, qui est le plus blâmable ; je serais obligé de donner le plus grand blâme au Danseur : Les autres ne peuvent pas quitter leur folie à tous les moments du jour. […] Quelquefois elle fait venir sur le théâtre un amant passionné : mais elle en dépeint si naïvement toutes les bassesses et toutes les folies, qu’il est aisé de conclure que l’amour des femmes nous fait oublier que nous sommes hommes : Elle nous imprime l’horreur d’un plaisir, qui nous fait devenir bêtes : D’autres fois elle fait montre d’un vindicatif, qui se consomme et se ronge en de vains efforts, et qui pense avoir de grands avantages sur son ennemi, quand il s’est coupé un bras pour lui faire perdre un doigt : Elle le tourne et le retourne en tant de façons, qu’il n’est point de Spectateur quiab ne juge qu’il vaut mieux accorder un pardon, que de poursuivre une vengeance.
Mais s’il s’agit de parler le langage, de peindre les folies, d’inspirer des sentimens d’amour, les voilà dans leur centre, tout est facile, tout est agréable, foiblesse, timidité, pudeur, religion, elles bravent tout.
Cacatrix est une folie singuliere ; on ne peut s’empêcher de rire de la confiance intrépide d’un mari trompé, de la familiarité pleine de gaieté, avec laquelle un Abbe traite les femmes (il faut bien que la religion & les Ministres fassent une partie de la dépravation des mœurs, & y répandent un sel plus piquant).
., n’ont jamais aimé le théâtre, goût bien différent des folies des derniers siècles, qu’on traiterait mal à propos de gothique.
Le Maîtrec Avocat du Roi pour lors, et qui fut depuis Premier Président, parlant dans cette occasion pour Monsieur le Procureur Général, à la requête duquel l’Arrêt fut rendu, remarqua entre autres choses, que l’on mêlait dans ces Comédies de piété des farces et des discours lascifs au commencement ou à la fin, pour attirer ou divertir le peuple, qui ne demande, dit-il, que ces sortes de folies et de voluptés. […] » Enfin ceux qui prétendent qu’en allant à la Comédie, elle ne leur fait aucune impression, ce que saint Chrysostome ne croit pas, ils doivent bien prendre garde de se tromper : « Que les curieux, dit saint Jean Chrysostome87 , qui ont un empressement pour les Spectacles qui va jusqu’à la folie ; qui disent, nous la regardons à la vérité, mais nous n’en recevons aucun dommage, soient attentifs à ce que je leur dis.
Car si le plaisir doit faire le fondement de la Comédie, il faudra bien à quelque prix que ce soit obtenir cette fin : dès là qu’un expédient, quelque illicite qu’il soit d’ailleurs y pourra contribuer, on ne le rejettera jamais : on étalera les plus scandaleuses expressions : on profanera les choses les plus saintes, on convertira en amusements dramatiques le plus graves objets de la Religion : comme si le mauvais penchant des Spectateurs devait être flatté par-dessus tout, leur folie entretenue, et leur Athéisme favorisé.
Et quel étrange renversement serait-ce, que l’Ecriture fit aimer la Comédie, au lieu que ces Livres saints ont été proposés aux Fidèles que pour les détourner des spectacles et des vains amusements. « Oubliant et rejetant les folies et les amusements des Théâtres et des Poètes, dit Saint Augustin De vera Relig[ione]. 51.
Celui-ci semble vouloir substituer la Morale des Païens à celle de Jésus-Christ, et nous faire passer la sagesse Stoïque pour la folie de la Croix : Celui-là fait d’un amour propre, qui ne tend qu’à la conservation du corps, le fondement de la Morale; par la soustraction de toute vérité nécessaire anéantit la Religion, et par la loi du plus fort qu’il prétend établir, ébranle les fondements de la société et de la paix.