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6. (1726) Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat « Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat » pp. 176-194

Je doute qu’ils eussent souffert à Racine d’employer tout son art à diminuer l’horreur naturelle que nous devons avoir du crime de Phèdre, je doute qu’ils lui eussent permis d’inspirer contre les bonnes mœurs au commun des spectateurs une sorte de compassion pour le sort malheureux de cette abominable créature. […] Tout le monde sait ce que c’est que Médée ; cependant un Poète croit bien employer son esprit en lui faisant dire : « Et mon cœur était fait pour aimer la vertu. » En bonne foi, n’est-ce pas réellement blasphémer contre la vertu ? Il prouve en même temps son esprit et son peu de jugement de l’employer au préjudice des bonnes œuvres. Il est utile à la société de mettre les méchants, les injustes, les scélérats sur le théâtre, mais à condition que le Poète les peindra avec les traits et les couleurs qui peuvent exciter dans le spectateur l’horreur de l’injustice, de la méchanceté, de la scélératesse, et jamais avec des traits et des couleurs qui diminuent le crime en y déguisant le sentiment et les opinions des criminels : et serait-ce un projet digne d’un honnête homme et d’un bon citoyen d’employer beaucoup d’esprit à exciter des larmes pour le malheureux Cartouche ou pour le malheureux Nivet morts sur la roue, pour l’infâme Catilina détesté de tous les bons citoyens ?

7. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XIII. Si l’on peut excuser les laïques qui assistent à la comédie, sous le prétexte des canons qui la défendent spécialement aux ecclésiastiques. » pp. 52-57

Mais pour voir si le mal qu’on y remarque est seulement pour les ecclésiastiques, ou en général pour tout le peuple, il faut peser les raisons qu’on y emploie. […] Il ne pouvait mieux exprimer l’effet de ces réjouissances, qu’en disant qu’elles donnent entrée « à une troupe de vices » : ce n’est rien, pour ainsi dire, en particulier ; et s’il y fallait remarquer précisément ce qui est mauvais, souvent on aurait peine à le faire : c’est le tout qui est dangereux ; c’est qu’on y trouve d’imperceptibles insinuations, des sentiments faibles et vicieux ; qu’on y donne un secret appât à cette intime disposition qui ramollit l’âme et ouvre le cœur à tout le sensible : on ne sait pas bien ce qu’on veut, mais enfin on veut vivre de la vie des sens et dans un spectacle où l’on n’est assemblé que pour le plaisir ; on est disposé du côté des acteurs à employer tout ce qui en donne et du côté des spectateurs à le recevoir.

8. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE VII. Sentimens des Prédicateurs. » pp. 168-180

Les figures, le style oratoire, le caractère, le besoin des auditeurs, le zèle ardent du salut des ames, sont employer des termes énergiques où il peut se glisser quelque légère exagération ; mais ce qui est unanimement condamné dans la chaire, ne peut se soustraire à l’anathème. […] Ce n’est pas un des Pères, mais tous d’un consentement unanime ; ce n’est pas pour un temps, mais de siecle en siecle ; ce ne sont pas des gens foibles, mal instruits, peu éclairés, mais les plus grands hommes ; ce n’est pas par voie de conseil & de perfection, mais comme un précepte rigoureux ; ce n’est pas pour certains états, mais pour tout le monde, non par des raisons particulieres, mais par les mêmes raisons que nous employons. […] Vous devriez les employer à pleurer vos péchés, vous les employez à en commettre d’autres.

9. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 7 « Réflexions sur le théâtre, vol 7 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SEPTIÈME. — CHAPITRE VIII. Sentimens de S. Chrysostome. » pp. 181-192

Et vous employez des gens infames pour louer vos Princes, pour eux vous foulez le peuple, & vous vous ruinez. […] Ai-je tort d’employer ces termes ? […] C’est une vrai fournaise en effet, dans laquelle le démon vous jette, c’est lui qui en allume les flammes ; ce n’est pas, comme les tyrans, du bitume, de la poix, des étoupes qu’il y emploie, mais des alimens plus combustibles & plus funestes, des ris dissolus, des discours obscènes, des airs lascifs, des objets indécens, des femmes immodestes, Les premiers feux étoient allumés par des mains barbares, & ceux-ci le sont par de mauvaises pensées, des désirs criminels. […] vous passez les jours sans manger, & vous les employez à voir, à entendre des femmes débauchées !

10. (1691) Nouveaux essais de morale « XIV. » pp. 151-158

Je ne suis point jaloux des applaudissements qu’on donne à ces Messieurs, j’admire leurs grands talents ; mais je les plains de les employer si malheureusement, qu’il faut renoncer à la Religion que nous professons, et à l’Evangile de Jésus-Christ, pour ne pas croire qu’il est fort à craindre que ce qui leur a attiré l’applaudissement des hommes, n’attire sur eux l’indignation de Dieu. Quoi, quand Dieu demandera compte à un de ces Messieurs, des actions de sa vie ; emploiera-t-il dans ce compte les Comédies qu’il aura faites ?

11. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « MANDEMENT  du Chapitre d’Auxerre, Touchant la Comédie. » pp. 51-58

F. avec la plus vive douleur, le scandale qui vient de paroître dans cette Ville, par le séjour d’une Troupe de Comédiens ; de ces hommes pervers, qui n’emploient leurs talens qu’à corrompre les cœurs, & à répandre le poison dont ils sont infectés. […] La Comédie est un des moyens que le Démon emploie avec plus de succès pour retenir ses esclaves & en former de nouveaux.

12. (1664) Traité contre les danses et les comédies « LETTRE DE L’EVEQUE D’AGNANI, Pour la défense d’une Ordonnance Synodale, par laquelle il avait défendu de danser les jours des Fêtes. Au très Saint et très Bienheureux Père Paul V. Souverain Pontife. Antoine Evêque d’Agnani, éternelle félicite. » pp. 154-176

« C’est, dit-il, une coutume contraire à l’esprit du Christianisme, que celle qu’on voit parmi le peuple les jours des solennités, et des Fêtes des Saints ; car au lieu de s’appliquer à la piété, et d’assister avec ferveur aux divins Offices, ils emploient le temps à danser et à chanter des chansons indécentes, et ils ne se causent pas seulement du dommage à eux-mêmes par ce dérèglement ; mais ils troublent la dévotion des personnes vraiment Chrétiennes. […] Que le père arrache donc son fils d’un danger si effroyable, le maître son serviteur, le parent ses proches, les citoyens ses voisins, et enfin que chacun s’emploie pour rappeler dans le chemin du salut des Chrétiens malheureux qui deviennent semblables aux bêtes, et qui se conduisent par l’inspiration des Démons. […] Il ne m’est donc point permis, très saint Père, de garder le silence, principalement après l’exemple de saint Charles, qui sur le même sujet des danses et des spectacles, a travaillé si constamment, et si fidèlement pour arracher les coutumes opposées à l’esprit Chrétien, qui s’étaient introduites dans son Diocèse ; et pour assujettir son peuple aux règles des Saints, et à la discipline de l’Eglise : et sa pensée n’était pas, lorsqu’il agissait dans cette réformation particulière, avec tant de fermeté, de vigueur, et de force, de procurer un moyen de perfection aux fidèles, que Dieu avait soumis à sa conduite ; mais il a cru qu’il s’agissait dans cette occasion de son salut, et de celui de ses Diocésains ; et qu’il était indispensablement obligé d’employer toute son autorité pour ôter les abus qu’il combattait.

13. (1825) Encore des comédiens et du clergé « CHAPITRE V. De la protection spéciale sanctionnée par le Pape, accordée aux Comédiens du troisième âge, par l’autorité spirituelle, et par l’autorité temporelle. » pp. 120-129

Pour appuyer des prétentions aussi excessives, cette secte impie et régicide, accorde encore aux prêtres le droit d’employer des anathèmes et des excommunications dont les effets sont civils, politiques ou matériels dès ce bas monde, et peuvent susciter des guerres de religion ; ils se croient autorisés à employer enfin tous les moyens, même les plus criminels et les plus inhumains, pour parvenir à leurs fins.

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