Si jamais le démon a étalé ces pompes auxquelles l’Eglise nous fait renoncer par les vœux du baptême, n’est-ce pas à l’opéra & à la comédie ?
Quand la scène vient à s’ouvrir & à vomir les personnages, on croit voir venir une troupe de démons, ou la bande des voleurs de la caverne de Gilblas.
44 pris du concile de Gangres les nomme les œuvres du démon : Larvas dæmonum quia hoc diabolicum & sacris canonibus prohibitum, & le canon si qua mulier dist.
Au jour marqué, parurent sur la riviere d’Arne, un grand nombre de barques chargés d’échafauts, & de personnages qui représenterent l’enfer : on y voyoit du feu, des roues enflammées, divers autres genres de supplices : parmi quantité de dragons & de serpens monstrueux, on voyoit des hommes, dont les uns portoient des figures horribles, des démons ; les autres tous nuds pour représenter les ames des damnés, jettoient des cris & poussoient des hurlemens aussi affreux que s’ils avoient été en effet dans les tourmens ; mais rien ne pouvoit être plus tragique que ce qui termina cette scene : au moment que le peuple, avide de ces folles représentations, paroissoit le plus attentif, le pont construit de bois, se trouvant trop chargé, tomba tout à coup : tous ceux qui étoient dessus, furent précipités dans les eaux ; & plusieurs y périrent : ceux qui se sauverent, furent la plupart estropiés & toute la ville dans la désolation.
On distribuera de l’argent aux pauvres, & des billets pour venir danser ; à envisager avec les yeux de la réligion, ce mêlange de piété & de théatre, de cérémonies du Baptême & d’un bal paré ; des aumônes aux pauvres, & d’un bal masqué, on ne sait que penser de l’esprit du siécle ; les cérémonies du Baptême font un contraste singulier, on y fait un renouvellemtn solemnel au démon, à la chair, au monde & à ses pompes, & pour le célébrer òn étale ses pompes, on s’y livre ; on y invite, on s’en fait un devoir.
Les Actrices n’en sont pas accusées, quoique plus dangereuses Magiciennes que les Ciroés & les Medées, dont elles jouent les rôles ; & quoique le Démon par les tentations dont elles sont l’instrument, fasse plus de ravage dans le sabbat du théatre que dans celui des Sorciers, elles ont une magie fort différente.
Le Glaive du Démon y est plus aiguisé, & la meule sur laquelle il l’aiguise le rend plus tranchant.
Le baptême, disent les peres, est un enrôlement où l’on s’engage à combattre sous les enseignes de la croix, le démon, la chair & le monde ; omnis homo miles .