De plus, cette passion excite différents sentiments et différentes impressions dans les Spectateurs mêmes ; tantôt elle corrige par l’horreur, comme dans Andromaque et autres Pièces du même genre, où les Amants éprouvent les derniers malheurs, et sont punis de leur passion par la perte même de la vie ; tantôt elle corrige par la compassion, comme dans le Cid, où les traverses, qui rendent les deux Amants malheureux, sont d’autant plus propres à corriger, que les Scènes d’amour de la même Tragédie en sont plus capables de corrompre, et le dénouement plus dangereux. […] Quant à la passion de Thoas pour la Prêtresse ; si elle est extrême et même extravagante, ce Roi en est puni par sa mort, et par conséquent le Spectateur est instruit, loin d’être séduit ou corrompu. […] C’est de dessein prémédité que j’ai gardé la Tragédie de Brutus pour la dernière de celles que j’examine dans l’idée de les conserver sur le Théâtre de la réforme : et je répète que je l’ai fait de dessein prémédité ; ayant voulu terminer cet article par un exemple remarquable des excès de la passion d’amour ; car ces excès fidèlement représentés sont selon moi presque aussi utiles pour corriger les mœurs que la peinture des faiblesses de l’amour me paraît capable de les corrompre.
& que pouvaient la brutalité & la grossièreté que corrompre l’honnêteté & la politesse ? […] Les Spectacles ont-ils corrompu nos mœurs ? […] Le Comédien n’est pas plus vertueux que les autres Hommes & n’est pas plus corrompu. […] Quoi qu’il arrive il faudra que ces gens-là réforment leurs mœurs parmi nous, ou qu’ils corrompent les nôtres. […] On défend de lire la Bible en langue vulgaire, crainte que de fausses interprétations, malheur qui n’est que trop arrivé, ne la corrompent.
Que cependant ce n’est point assez de connaître par qui les créatures ont été faites, par où elles sont bonnes ; mais qu’il faut aussi savoir par qui elles sont corrompues, par où elles deviennent mauvaises, et par où elles cessent d’être les ouvrages de Dieu ; car il y a une grande différence entre les créatures pures et les créatures corrompues, comme il y a une grande différence entre leur premier Auteur et celui qui les corrompt. […] « Oui certes, répond Tertullien, et nous le connaissons nous autres Chrétiens : car comme nous connaissons le véritable Maître des créatures, nous connaissons aussi quel est son émule ; et comme nous connaissons leur premier Auteur, nous connaissons celui qui les gâte et qui les corrompt. Et il ne faut pas s’étonner s’il corrompt les autres créatures ; il ne faut pas même en douter, puisque ce fut par la malice de cet Ange jaloux et méchant, que le premier homme qui était non seulement l’ouvrage de Dieu, mais aussi son image et le maître de l’Univers, fut renversé de l’état d’innocence où il avait été établi. » Quoi ? […] L’Université de Paris en a fait un Règlement exprès dans ses Statuts, et elle en a fait un autre pour bannir les Comédiens de l’étendue de sa Juridiction, afin d’ôter aux Ecoliers les occasions de se dissiper et de se corrompre. […] J’entends parler de « l’agréable Boileau», pour qui notre Docteur aura peut-être plus de déférence et de ménagement que pour Tertullien et que pour saint Chrysostome : du moins est-il sûr qu’il ne dira pas que ce Satirique ait parlé de la Comédie du temps passé, comme il a dit des anciens Pères, puisque c’est dans sa dernière Satire contre les femmes qu’il s’en explique, et qu’il fait entendre à son Ami, un peu trop crédule, qu’une jeunesse innocente peut aisément se corrompre à l’Opéra et à la Comédie.
3. « D'autoriser par sa présence des assemblées profanes, où toute la morale de l'Evangile est renversée, où toutes les maximes de l'amour se débitent au scandale de la Religion, où l'on n'entend que des chansons qui amollissent, et qui corrompent peu à peu le cœur.
Boursault (Edme), né en 1638, mort en 1701, homme de lettres distingué, protégé par Louis XIV, et qui fut honoré de l’amitié de Thomas Corneille, disait : « Dans ce siècle corrompu, la comédie est un divertissement, et un spectacle qui peut s’allier avec la dévotion ».
C’est parce que le fond de notre nature est corrompu, que nous entrons dans ces sortes de passions qui nous sont representées. Elles excitent en nous des mouvemens semblables à ceux qui tombent sous nos yeux ; & c’est-là le but des Acteurs : car la fin qu’ils se proposent, c’est de plaire à ceux qui les écoutent ; & pour leur plaire ils exposent des sentimens qui s’accordent avec la corruption de ceux à qui ils parlent : & comme ils parlent à des gens dont la plupart ont l’esprit perverti, & le cœur gâté, ils leur representent des emportemens violens, ou de vengeance, ou de jalousie, ou d’ambition : ils joignent à cela de pernicieuses maximes, capables de corrompre les ames les plus innocentes.
Il les fait voir ces dangers, et dans les pompes du luxe, qui fascinent les yeux, et dans les attraits des femmes, qui séduisent le cœur, et dans le poison des discours qui offusquent les esprits, et dans le torrent des mauvais exemples qui entraînent l’âme, et dans l’oisiveté de la vie et la frivolité des amusements qui corrompent tout. […] Ce sont les spectacles, c’est le cirque, la course des chevaux, le théâtre, qui ne servent à rien, qui corrompent tout : « Vanitas circus est, vanitas equorum velocitas, vanitas theatrum est, ludus omnis, etc. » 7.° Dans cette multitude d’ouvrages que S.
Ce ne sont pourtant pas là les beautés dont je voudrais qu’on fit usage sur la Scène ; elles seraient admirables dans un Roman : quant au Théâtre de la Réforme, il n’adopterait jamais une passion d’amour telle que celle de Chimène et de Rodrigue ; et ne permettrait pas à un Amant de tuer le père de sa Maîtresse, ni à la Maîtresse d’épouser ensuite son Amant : outre que ce sont là des objets qui, selon moi, ne devraient jamais être présentés aux Spectateurs ; les chemins par où l’on passe, pour arriver à ces excès, avec tant de Scènes de tendresse, ne sont propres qu’à corrompre le cœur humain ; et, quant à moi, je ne l’admettrais point, quelque correction qu’on pût y faire. […] Lorsqu’Elisabeth dit, qu’elle a donné lieu au Comte de ne rien craindre et sujet de ne point se gêner, le Poète a suivi parfaitement la nature, et selon ce principe, il établit une maxime très capable de séduire et de corrompre le cœur des Spectateurs ; mais l’austère vertu dont la Reine fait parade ensuite lorsqu’elle dit, que pour toute récompense de son amour le Comte doit être content de la voir, de soupirer, de la plaindre de se plaindre, cette austère vertu, dis-je, n’est capable que d’égayer l’Auditeur en le faisant rire d’une maxime que le penchant de la nature ne nous inspire pas : ainsi cette belle vertu est étalée sur la Scène en pure perte.