/ 515
36. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre I. Du Théâtre des Anciens. » pp. 2-24

Quoique des Auteurs connus trouvent dans les Poëmes d’Homère, les premières traces des représentations Théâtrales, parce que d’une action en récits, il n’y a qu’un pas à l’action représentée ; quoiqu’il soit certain que Thespis ait fait le premier un art particulier de celle-ci : sans rien diminuer de la gloire qui leur est dûe à cet égard, nous passerons à la seconde époque de la Tragédie, à Eschyle, qui tira cet art sublime, de l’avilissement où Thespis l’avoit laissé. […] En effet, la Langue Grecque étoit à peine connue, qu’Homère en fit le langage des Dieux. […] On m’objectera sans doute que Rome, jusqu’à Auguste, n’avoit point connu l’Epopée, & que cela n’empêcha pas que Virgile ne fît un beau Poéme épique. […] Avant de s’informer du caractère & des mœurs d’Hercule, on jette les yeux sur ses exploits, parce qu’ils parlent aux yeux : son caractère ne se fait connoître qu’à l’esprit, qu’à la réflexion, qui ne travaillent que sur les mémoires que les premiers leur fournissent. […] Ceux des Poëtes Latins, qui ont commencé à se faire connoître par leurs Tragédies, les écrivoient en Grec, & ce fut encore une raison du peu de progrès qu’ils firent dans cet art.

37. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Quatorzième Lettre. De madame D’Alzan. » pp. 260-274

Ecoutez, Adelaïde : comme je vous l’ai marqué, je fus il y a quelques jours chez Mademoiselle *** : elle ne me connaît pas : je me donnai pour une jeune-personne malheureuse, infortunée, qui ne voyait de ressource que dans le Théâtre : je vantai sa générosité ; je me flatai que sans en être connue, elle prendrait mes intérêts, voudrait bien essayer mes talens, me donner ses avis, & m’obtenir une Lettre de Début. […] Vous…  — Ce doute m’offense ; Vous me connaissez peu, si vous me soupçonnez De penser autrement. — Madame, pardonnez… Epouse vertueuse, autant qu’infortunée ! […] Elle comprit qu’il était d’autant plus difficile de s’opposer à la fantaisie de son mari, qu’elle connaissait peu le monde & ses usages ; & que, renfermée dans son innocence, elle n’avait pas l’art de se diversifier, & de se rendre toujours nouvelle aux yeux d’un inconstant. […] La jeune Dame, qui n’avait eu d’autre dessein que de se donner les talens & les grâces de la ***, pour en faire usage dans le particulier, prend sur le champ un parti plus hardi ; elle va trouver le Directeur, lui dit qu’elle sait quelqu’un qui n’est pas de la Ville, & qui n’y sera pas connu, qui consentirait à remplacer Mademoiselle *** pour ce jour-là La proposition est acceptée : elle s’offre elle-même ; plaît universellement à une Répétition qu’on fit à la hâte, paraît aussitôt sur la Scène, éclipse sa Rivale autant par sa beauté que par son jeu.

38. (1666) Seconde Lettre de Mr Racine aux deux apologistes des Hérésies Imaginaires « De Paris ce 10. Mai 1666. » pp. 193-204

Vous ne manqueriez pas encore de vous écrier, que je ne me connais point en Auteurs, « que je confonds les Chamillardes avec les Visionnaires  » : et que je prends des hommes fort communs pour de grands hommes ; aussi ne prétendez pas que je vous donne cet avantage sur moi ; j’aime mieux croire sur votre parole que vous ne savez pas les Pères, et que vous n’êtes tout au plus que les très humbles serviteurs de l’Auteur des Imaginaires. […] Le nombre de ceux qui condamnent Jansénius, est trop grand, le moyen de se faire connaître dans la foule ? Jetez-vous dans le petit nombre de ses défenseurs, commencez à faire les importants, mettez-vous dans la tête que l’on ne parle que de vous, et que l’on vous cherche partout pour vous arrêter, délogez souvent ; changez de nome si vous ne l’avez déjà fait, ou plutôt n’en changez point du tout, vous ne sauriez être moins connus qu’avec le vôtre : surtout louez vos Messieurs, et ne les louez pas avec retenue. […] Mais, Monsieur, vous qui êtes plaisant, et qui croyez vous connaître en plaisanterie trouvez-vous que le pouvoir prochain, et la grâce suffisante fussent des sujets plus divertissants que tout ce que vous appelez les Visions de Desmarets ? […] Il leur faut des gens connus et des plus élevés en dignité, je ne suis ni l’un ni l’autre, et par conséquent je crains peu ces vérités dont vous me menacez, il se pourrait faire qu’en me voulant dire des injures, vous en diriez au meilleur de vos amis, croyez-moi, retournez aux Jésuites, ce sont vos ennemis naturels.

39. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — DEUXIEME PARTIE. — REGLEMENTS. Pour la Réformation du Théâtre. » pp. 99-116

Pour prévenir cet inconvénient, et pour ne pas laisser croupir dans le désordre des jeunes gens, qui se porteraient, peut-être, au bien, et dont la République pourrait tirer un jour quelques secours, le Roi ordonnerait qu’on ne reçût point d’Acteur qui ne fût connu pour homme d’honneur, et, comme tel, avoué de sa famille. […] On commencera par m’opposer que mon systême (toute proportion gardée) peut être comparé à celui de Platon, par rapport à sa République : il aurait fallu, pour la peupler, que ce Philosophe eût créé des hommes nouveaux ; et, pour fonder le Théâtre que je propose, on dira qu’il faudrait pétrir des hommes d’une pâte toute nouvelle : on ajoutera qu’il est impossible que des Spectateurs, qui n’ont jamais connu d’autres Spectacles que ceux où l’amour sert de base, où cette passion anime les intrigues, où elle détermine presque les caractères, et où enfin les épisodes et la diction ne respirent que l’amour, il est impossible, dis-je, que de tels Spectateurs adoptent précisément le contraire, et ne soient pas révoltés par mon système. […] D’ailleurs, ils connaissent trop bien l’Antiquité pour ne pas savoir que les Grecs n’ont presque point placé cette passion dans leurs Poèmes dramatiques ; et que, lorsqu’ils en ont fait usage, ce n’a été que pour en inspirer de l’horreur, ou pour en tirer quelque sujet d’instruction ; comme on voit dans Phèdre et dans Andromaque. J’ose donc assurer au contraire qu’ils seront charmés de voir leur génie en liberté, et que leurs premiers efforts feront connaître combien l’amour, qu’on croit aujourd’hui l’unique fondement du Théâtre, y est étranger ; pendant que la nature toujours féconde fournit abondamment, dans le cœur de l’homme, des sujets convenables pour former de bons Citoyens.

40. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — TROISIEME PARTIE. — Tragédies à conserver sur le Théâtre de la Réformation. Avant Propos. » pp. 118-127

Au reste le dessein que je m’étais proposé, quand j’ai travaillé sur les Tragédies, a été de les examiner du côté des mœurs ; afin de bannir du Théâtre de la réforme toutes les Pièces où la passion d’amour est portée à des excès qui peuvent être préjudiciables plutôt qu’utiles : mais, en travaillant selon mon plan et, pour ainsi dire, en chemin faisant, j’ai trouvé que les désordres de l’amour étaient souvent si mal imaginés par les Poètes, qu’il m’a été quelquefois impossible de ne pas relever des défauts que j’ai cru apercevoir dans leurs Ouvrages ; et c’est sur cela que je crois devoir prévenir mon Lecteur, et lui faire connaître ce que je pense. […] Je ne connaissais pour lors aucun Ecrivain qui pût m’aider à rectifier ou appuyer mes opinions ; mais, comme on acquiert de nouvelles lumières par l’étude, je trouvais dans la suite quelques Auteurs qui avaient pensé comme moi, et un entre autres qui, depuis le commencement jusqu’à la fin de son ouvrage, fait sentir le faux des préceptes d’Aristote.10 La fameuse querelle que cette Ecrivain eut dans ce temps là avec le Tasse et ceux de son parti, est assez connue des gens de Lettres : avec ce secours je me défiais moins de ma raison, quoique j’ai toujours cru que je devais avoir plus de ménagement qu’un autre en écrivant ; et c’est par ce motif que je n’ai jamais expliqué ouvertement mes idées.

41. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre III. De l’Indécence. » pp. 21-58

Je n’aurais eu garde de dire le moindre mot de ses licences, si elles n’étaient connues de tout le monde. […] son genre, loin d’être si méprisable, est de former une espèce de Comédie simple, dont l’action & les personnages n’ayent rien de commun avec ceux qui nous sont connus ; & de tirer avantage du goût qu’ont les Français pour une musique étrangère. […] Quelle est la femme assez dévergondée pour parler avec aussi peu de retenue à un homme qu’elle ne connaît que depuis un jour, tout au plus ? […] Si ce ne sont-là des indécences, j’avoue que je ne m’y connais pas. […] Je répète ce que j’ai dit plus haut, qu’il est ridicule de croire gâzer un sujet indécent, connu de tout le monde.

42. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE II. De la Tragédie. » pp. 65-91

Si tous les hommes étaient sages naturellement, rien de plus inutile, j’en conviens, que le Théâtre ; rien de plus inutile que tous les écrits des Pères, que l’Evangile même : mais si la plupart des hommes ne sont rien moins que sages, et que leur conduite et leurs mœurs prouvent que la nature et la raison ne leur ont pas encore fait trouver la Vertu assez aimable, pour n’avoir pas besoin de peintres qui leur en fassent remarquer les attraits ; si la vue de ces peintures les porte à faire plus d’attention à l’original, comme le portrait d’une jolie femme fait désirer d’en connaître le modèle à ceux qui ne l’ont pas vue ; il est donc probable que le Théâtre peut opérer les mêmes effets et que le coloris agréable qu’il prête aux charmes de la Vertu, altérés quelquefois par les pinceaux austères des Pasteurs ou des Philosophes, peut faire désirer de la connaître et de la pratiquer. […] Et ne conviendrez-vous pas, Monsieur, que c’est un effet du pouvoir de la Vertu que la pitié que l’on conçoit pour Phèdre, qu’on haïssait si fort avant que de la mieux connaître ? […] Je le connais par quelques-uns de ses amis ; je ne l’ai vu qu’une seule fois pour en recevoir une réprimande, et vous saurez bientôt pourquoi cette réprimande n’a fait qu’ajouter à l’estime que j’ai conçue pour lui et que tous les honnêtes gens lui doivent. […] M. de Crébillon vous a obligé, à la première vue et sans vous connaître ; vous payez son service de la plus noire ingratitude. […] Si vous connaissiez un peu mieux les sentiments de la reconnaissance, je vous laisserais juger de l’étendue de la mienne : mais vous n’avez appris qu’il faut vous faire connaître jusqu’où ce sentiment peut et doit aller.

43. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre IV. Bassesse légale du métier de Comédien. » pp. 75-100

Qu’ils se marient entre eux, à la bonne heure, ils sont faits l’un pour l’autre, ils se connaissent, et par une équitable compensation ils se doivent mutuellement de l’indulgence. […] On ne connaît qu’un trait trop singulier pour le passer sous silence. […] Je connais une exception à cette règle, mais je n’en connais qu’une. […] Lorsqu’il fut bien affermi sur le trône, et qu’il eut mieux connu les vices de cette engeance, il en purgea l’Italie. […] La voici, elle fera connaître le génie de l’Auteur, on y trouvera de très bonnes choses sur la comédie et les Comédiens de tous les temps.

/ 515