Cet homme fut si frappé de cette conduite, qu’il se jette à ses pieds, & lui avoue qu’il en est l’auteur, la met au feu, & devient son ami & son panégyriste.
Il est vrai que dans ce siecle le goût du spectacle est extrême ; non-seulement on y mène les jeunes gens, mais on les forme dès l’enfance à la déclamation théatrale, comme faisant partie de la bonne éducation, on joue des pieces dans les Collèges, les Séminaires, les Couvents, chez les Seigneurs, chez les Bourgeois, & par une inconséquence de conduite incroyable les mères les plus sévères, qui ne vont ni ne laissent aller leurs filles à la comédie, y assistent & leur laissent voir représenter sur les théatres de société les pieces de Moliere, & même des parades plus licentieuses que la comédie publique, comme si c’étoient les murs, les décorations, les habits, qui méritent leur censure, non les pieces où se trouve le plus grand danger, & qui ont le plus besoin de réforme, pour en faire un divertissement innocent & même instructif.
Ecoutons maintenant M. de Voltaire ; & songeons à ce que répondit certain Prédicateur à qui l’on reprochait que sa conduite démentait ses discours ; réglez-vous, dit-il, sur mes paroles & non pas sur mes actions.
« C’est une erreur aussi grossière que ridicule, de croire les Comédiens moins honnêtes gens que d’autres, suppose leur conduite aussi exempte de blâme que leur profession. »p. 35.
Si tous les hommes étaient sages naturellement, rien de plus inutile, j’en conviens, que le Théâtre ; rien de plus inutile que tous les écrits des Pères, que l’Evangile même : mais si la plupart des hommes ne sont rien moins que sages, et que leur conduite et leurs mœurs prouvent que la nature et la raison ne leur ont pas encore fait trouver la Vertu assez aimable, pour n’avoir pas besoin de peintres qui leur en fassent remarquer les attraits ; si la vue de ces peintures les porte à faire plus d’attention à l’original, comme le portrait d’une jolie femme fait désirer d’en connaître le modèle à ceux qui ne l’ont pas vue ; il est donc probable que le Théâtre peut opérer les mêmes effets et que le coloris agréable qu’il prête aux charmes de la Vertu, altérés quelquefois par les pinceaux austères des Pasteurs ou des Philosophes, peut faire désirer de la connaître et de la pratiquer.
Beaumon, Avocat au Parlement, qu’on trouve dans le Recueil des facéties Parisiennes, est très ingénieux et très sage ; et quoique obligé par la nécessité de la cause d’excuser la comédie, bien différent de son confrère Huerne de la Mothe, il convient de bonne foi, « que la religion n’approuve point et même condamne les spectacles, qu’on ne peut y assister quand un mouvement intérieur de la conscience s’y oppose (ce qui assurément arrive à tout le monde, s’il est de bonne foi), et qu’un guide éclairé (l’Eglise) le défend, et que sans avoir égard aux exemples contraires, la règle la plus sûre est de déférer sans réserve à ceux qui sont chargés de notre conduite » (leurs sentiments ni sont ni douteux ni ignorés).
Elle est d'autant plus croyable, qu'elle connaît mieux qu'une autre un spectacle pour lequel elle a travaillé avec succès. « On m'a conduite dans un endroit où l'on représente, comme dans le palais des Incas, les actions des hommes qui ne sont plus.
S'il ne pratique pas ce qu'il dit, on en appelle de sa doctrine à sa conduite : Médecin, lui dit-on, guérissez-vous vous-même ; rendez-vous croyables des oracles que vous ne croyez pas ?