Quand les peuples considèrent ces célèbres iniquités qui ont violé la foi divine et humaine pour l’accomplissement d’un dessein, les péchés de la vie commune en comparaison de cela ne leur paraissent plus que des atomes, leur conscience s’y tient assurée, et sans en concevoir des remords, elle se croit assez juste de n’être point si méchante. […] ce n’est pas merveille s’ils en retiennent quelque chose, s’ils se laissent aller à une désobéissance, qu’une voix commune fait passer pour une invincible fidélité, s’ils sont emportés par cette foule ; s’ils tombent étant tirés et poussés dans un chemin si glissant. […] C’est dites-vous, un plaisir d’y voir les passions naïvement bien représentées, ce plaisir vient de la sympathie et du rapport qui est entre les secrets mouvements de votre cœur, et ceux de ces personnages où vous vous voyez comme dans un miroir, Il semble même qu’ils soient les objets, et que vous en représentiez les espèces, car vous pleurez avec eux dans les disgrâces, vous combattez, vous surmontez, vous jouissez avec eux : les craintes, les espérances, les joies vous sont communes ; vous êtes d’esprit et d’affection dans tous leurs accidents.
une expérience journalière nous apprend qu’on perd le goût de tous les biens spirituels en s’abandonnant aux plaisirs grossiers des spectacles, que les actions même sérieuses et communes deviennent à charge, qu’on n’aime plus qu’à se satisfaire, et que ce désordre est si funeste à l’homme, qu’il ruine entièrement en lui toutes les qualités de l’esprit et du cœur, et devient la source de tous les vices. […] La mollesse, l’impudicité, l’irréligion, le blasphème, tant d’autres vices inconnus autrefois, seraient-ils si communs, si les spectacles ne les occasionnaient pas ?
Je prétens qu’ils y a de divertissemens dans le monde qui passent pour legitimes, & que l’opinion commune des gens du siécle authorise ; mais que le Christianisme condamne, & qui ne peuvent s’accorder avec l’integrité, & la pureté des mœurs. […] Ils m’aprendroient que dans l’estime commune des fideles on ne croyoit pas pouvoir garder le serment & la promesse de son Baptême, tandis qu’on demeuroit attaché à ces frivoles passe-temps du siecle. […] Je ne dis pas que ç’a été une Morale de perfection seulement & de pur conseil : il n’y a qu’a peser leurs termes & qu’a les prendre dans le sens le plus naturel & le plus commun : sur quel autre sujet se sont-ils expliquez avec plus de rigeur ?
Et ainsi comme l’autorité et la puissance spirituelle ne peut jamais être plus légitimement employée que pour appuyer et faire observer le droit commun, les Evêques peuvent la défendre par leurs Ordonnances, aux jours et aux temps que nous avons marqués, sous peine d’excommunication, ou sous quelqu’autre peine arbitraire. […] Pour le second, on ne peut non plus douter qu’un Evêque ne puisse défendre la danse absolument et en tout temps, parce que la puissance Episcopale n’est pas tellement bornée par le Droit commun, pour ce qui regarde les mœurs, qu’elle ne puisse s’étendre au-delà des lois Canoniques, et ajouter des nouvelles Ordonnances pour ôter et détruire le péché, C.
La canne contient huit grandes palmes, & les palmes reviennent à peu pres à nostre pied commun. […] Mais enfin, soit qu’on l’ait étendu à celle qui se faisoit dans ces Chasses de joye & de magnificence, soit qu’on l’ait tiré du carnage qui se faisoit, pour distribuer au Peuple la viande qui luy estoit destinée, ce mot est devenu commun à ces deux fortes de solemnitez. […] Et enfin, les Empereurs suivants rendirent la chose si commune, que l’on en exposoit au carnage par centaine aussi bien que des Ours. […] Depuis ils furent communs, pres-qu’à tous ceux qui entreprirent de pareilles magnificences. […] Il la fit venir de Iudée, où le bruit estoit commun que c’estoit le Squelete du Monstre à qui Andromede avoir esté exposée.
Qu’on juge combien le Théâtre moderne embrasse de sujets différens : les uns sont tout-à-fait bas & communs ; les autres ne le sont qu’à demi. […] Celui qui ne contient que des Ariettes, dont le sujet est extrêmement gai, dans lequel il y a plus d’action que de paroles, & qui offre une intrigue basse, ainsi que des caractères communs ; doit être appellé Opéra-Bouffon.
La passion pour le Théâtre va si loin en France, que les mères les plus austères, celles qui évitent avec le plus de soin le Théâtre public et qui par conséquent n’ont garde d’y laisser aller leurs filles, ces mêmes mères assistent, sans aucun scrupule, avec leurs filles aux représentations des Comédies de Molière, lorsqu’elles se font dans quelques maisons particulières et que les Acteurs sont ou des Bourgeois, ou des Seigneurs : Souvent même on les voit applaudir à des parades bien moins châtiées que les Comédies en forme ; marque évidente d’une inconséquence dans la conduite, qui n’est malheureusement que trop commune parmi des gens d’ailleurs très respectables. […] Les Spectateurs ne la demanderont jamais : ils sont persuadés, surtout à Paris, que la Scène n’a plus rien de contraire aux bonnes mœurs, ni à la saine morale, depuis qu’on en a retranché et qu’on n’y souffre plus les grossièretés ; et la plus commune opinion des hommes est que, parmi les amusements qui sont permis ou tolérés, celui du Théâtre doit être regardé comme le plus innocent.
Ce défaut est d’autant plus commun, qu’il est fondé sur un préjugé qui a des partisans. […] Est-il possible de soutenir une grande action avec des ressorts foibles & communs ?