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16. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre II. De l’Opéra-Sérieux. » pp. 184-251

Tout le monde sait que les Tragédies des Grecs étaient mêlées de chants & de danses. […] Ils joignaient des Scènes entières de récit à de longues tirades de chants. […] C’est un spectacle qui réunit tout ce qui peut plaîre, comme les décorations, la danse, la Poèsie & le chant. […] Enfin l’Opéra-Sérieux est semblable, à peu de chose près, aux Poèmes sérieux & comiques dénués des agrémens du chant. […] On ne représentait proprement à sa Cour que des Balets dans lesquels on introduisait un peu de chant ; mais il est arrivé par la suite que le chant a pris le pas sur la danse ; celle-ci ne s’est plus trouvée que l’accessoir : c’est ainsi que chez les Grecs la déclamation l’emporta sur la musique.

17. (1664) Traité contre les danses et les comédies « Chapitre II. De deux sortes de Danses, dont il est parlé dans l’Ecriture Sainte. » pp. 6-13

L’usage de cette sorte de danses qui selon l’Ecriture servent à glorifier Dieu, ne se trouve point parmi les Chrétiens, si ce n’est peut-être en ce que le Clergé et le peuple fidèle s’assemble pour bénir Dieu, pour le remercier, et pour l’invoquer, enfin pour l’honorer par le Chant, et par le son des instruments de Musique. Et en ce que selon l’ordre de l’Eglise, nous faisons des Processions, où le Chant est accompagné du mouvement du corps, qui même en quelques endroits se fait avec plus de règle, et avec plus de mesure. […] Néanmoins comme on ne peut point nier qu’on ne puisse prendre innocemment quelque sorte de récréation, pour délasser l’esprit par le Chant, ou par le son des Instruments, et par le mouvement même mesuré du corps, nous ne prétendons pas conclure par ce que nous avons dit, que la Danse soit d’elle-même criminelle.

18. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « XIII. Si l’on peut excuser les laïques qui assistent à la comédie, sous le prétexte des canons qui la défendent spécialement aux ecclésiastiques. » pp. 52-57

Il est souvent défendu aux clercs d’assister aux spectacles, aux pompes, aux chants, aux réjouissances publiques : et il serait inutile d’en ramasser les règlements qui sont infinis. […] C’est-à-dire, Toutes les choses où se trouvent les attraits des yeux et des oreilles, par où l’on croit que la vigueur de l’âme puisse être amollie, comme on le peut ressentir dans certaines sortes de musique et autres choses semblables, doivent être évitées par les ministres de Dieu : parce que par tous ces attraits des oreilles et des yeux, une multitude de vices, turba vitiorum, a coutume d’entrer dans l’âme.  » Ce canon ne suppose pas dans les spectacles qu’il blâme, des discours ou des actions licencieuses, ni aucune incontinence marquée : il s’attache seulement à ce qui accompagne naturellement « ces attraits, ces plaisirs des yeux et des oreilles : oculorum et aurium illecebras » ; qui est une mollesse dans les chants, et je ne sais quoi pour les yeux qui affaiblit insensiblement la vigueur de l’âme. […] Que dira-t-on donc des spectacles, où de propos délibéré tout est mêlé de vers et de chants passionnés, et enfin de tout ce qui peut amollir un cœur ?

19. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Des anciens Spectacles. Livre premier. — Chapitre premier. Du Theatre. » pp. 73-99

Ces premieres badineries furent bien-tost suivies de quelques chants, ensuite de certaines paroles mal-digerées, & de peu de grace. […] La Musique a fait aussi sans doute une des principales beautez du Theatre : & je ne doute point que le plaisir des Chants n’ayent esté un des principaux objets des Entrepreneurs. […] Et apparemment les Chants leur ont esté aussi chers que les Paroles. […]  ; que dans les Ieux publics, où il n’y a ny courses ny combats, qu’on tache de réjoüir le Peuple par des Chants, & par des Symphonies d’instrumens ou à chordes ou à vent  ; C’est à dire, que toutes les sortes de Musiques leur estoient connuës & pratiquées dans leurs Ieux, car il n’y en peut avoir que de ces deux especes, ou vocale, ou simphonique, dont l’une ne concerne que la diversité des chants & la beauté de la voix, & l’autre consiste dans l’agrement des instruments & dans la iustesse de leurs Concerts. […] Il faut dire toutefois à l’honneur des Musiciens, que l’on faisoit une si particuliere estime de leurs chants, qu’ils avoient rang dans le titre des Poëmes & avoient leur part de la gloire & du succez.

20. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « VIII. Crimes publics et cachés dans la comédie. Dispositions dangereuses et imperceptibles : la concupiscence répandue dans tous les sens.  » pp. 30-40

où il est prescrit d’éviter « les femmes dont la parure porte à la licence : ornatu meretricio : qui sont préparées à perdre les âmes, ou comme traduisent les Septante, qui enlèvent les cœurs des jeunes gens, qui les engagent par les douceurs de leurs lèvres » : par leurs entretiens, par leurs chants, par leurs récits : ils se jettent d’eux-mêmes dans leurs lacets, « comme un oiseau dans les filets qu’on lui tend » g. […]  ; dont les regards sont mortels, et qui reçoivent de tous côtés par les applaudissements qu’on leur renvoie le poison qu’elles répandent par leur chant. […] Le spectacle saisit les yeux, les tendres discours, les chants passionnés, pénètrent le cœur par les oreilles.

21. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE X. Des six parties de la Tragédie, suivant Aristote. Examen de ces six parties dans Athalie. » pp. 260-315

Cette Action, dont la premiere entrée d’Athalie dans le Temple forme le Nœud, est partagée, comme celles des Tragédies Grecques, en quatre intervalles, que remplissent quatre Chants du Chœur. […] C’est par cette raison que les Tragédies Grecques ne finissent jamais par des chants, mais par une Réflexion morale. […] L’objet de la Comédie est d’inspirer la joye : l’objet de la Tragédie est d’inspirer la tristesse, & l’on ne remporte pas la tristesse d’un Spectacle qui finit par des danses & des chants. […] Sans être dans une grande douleur, sitôt qu’on n’a pas l’esprit tranquille, on n’aime ni le chant ni la danse, ce que je prouve encore par l’Opera même. […] L’habile Musicien quand il met des paroles en chant, cherche les tons que prendroit un habile Déclamateur, & y ajoute ses Modulations.

22. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre prémier. — Chapitre IV. Histoire de l’Opéra-Bouffon, autrefois Opéra-Comique & ses progrès. » pp. 50-66

Cette Pièce était mêlée de sauts périlleux, de machines, de changemens de Théâtre, & l’on n’y voit aucune indice de chant ; d’ailleurs, elle est trop postérieure à la Comédie des Chansons : il vaut donc mieux tirer son origine du Spectacle des Marionnettes, & du Ballet des Rats. […] On parodie le chant comme les paroles déclamées. Mais il se sera d’abord servi d’un air léger ou d’un récitatif du grand Opéra pour accompagner de nouvelles paroles, plutôt que pour donner au chant une tournure bouffonne. […] J’observerai en faveur des Anglais, que ce Peuple si sage semble avoir connu avant nous l’Opéra-Bouffon ; il suffit pour s’en convaincre, de jetter les yeux sur l’Opera du Gueux, La double Métamorphose ; & sur plusieurs de leurs Poèmes-Dramatiques, dans lesquels on rencontre du chant enjoué.

23. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — XIII. La Comédie considérée dans les Acteurs. » pp. 26-29

les temples de la volupté, dont les regards sont mortels, & qui reçoivent de tous côtés par les applaudissemens qu’on leur renvoie, le poison qu’elles répandent par leur chant. […] Les paroles, les habits, le marcher, la voix, le chant, les regards des yeux, les mouvements du corps, le son des instrumens, les sujets mêmes & les intrigues des Comédies, tout y est plein de poison, tout y respire l’impureté.

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